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Phénomène Trump : est-ce un populisme qui fait peur ?

Radio Plus avait sorti le grand jeu mercredi avec un plateau spécial à la résidence de la chargée d’affaires de l’ambassade américaine.

Une montée de la droite populiste a porté Donald Trump à la présidence des États-Unis. Un tel phénomène peut-il se produire à Maurice ? Oui, soutiennent certains observateurs. Quand l’électeur souhaite un changement, il ne s’attarde pas sur le contenu d’un manifeste électoral, disent-ils.

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Avec son discours très populiste et très ancré à droite, Donald Trump a renversé l’establishment politique américain pour s’imposer mercredi comme le président des États-Unis. Le danger qu’un Donald Trump local émerge existe-t-il ou sommes-nous à l’abri d’un tel phénomène ?

Pour Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ, il faut aussi inscrire le phénomène Trump dans un contexte mondial. « Cela démontre la faillite de la social-démocratie et de la mondialisation qui prépare l’arrivée du populisme et de l’extrême-droite. De façon très inquiétante, ce qui vient de se passer ressemble à ce que l’on a vu après la crise mondiale de 1929 et la Seconde guerre mondiale. »

Mais la réponse n’est pas nécessairement partout la même. « Dans certains pays, comme l’Espagne, cela a permis l’émergence de l’extrême-gauche », explique Ashok Subron. « À Maurice, l’intensification de l’exploitation et de la domination des travailleurs stimule l’émergence d’un phénomène de ce genre. Quand on a un gouvernement qui donne des exemptions fiscales de l’ordre de Rs 7 milliards aux promoteurs des 13 Smart Cities et qui parle en même temps de remettre en cause le droit à la pension, on pousse les gens dans ce sens. »

Milan Meetarbhan, avocat et ancien ambassadeur de Maurice auprès de l’Organisation des Nations unies, trouve que « quand il y a un désir de changement chez l’électorat, on ne porte guère attention au programme, mais davantage au candidat ». Il note un déphasage certain entre les discours politiques et les attentes du peuple.

« S’il y a un déphasage entre le niveau d’éducation et la maturité des électeurs avec le discours politique, un vide se crée, et en démocratie, un vide se remplit. Reste à savoir qui le remplira. Parfois, cela se fait indépendamment de l’alternative proposée », précise Milan Meetarbhan.

Ram Seegobin, de Lalit, ne pense pas que le pays  vivra un phénomène Trump dans le court-terme. « C’est certes un fait que la plupart des gens sont découragés par les partis traditionnels et le dysfonctionnement de l’Etat. Tout comme aux Etats-Unis, il y a un problème de délocalisation. Les usines de textile et le secteur sucrier, des secteurs générateurs d’emplois, sont en train de transposer leurs opérations en Afrique et en Asie. Mais, il n’y a aucun signe d’une droite populiste à Maurice. Aux Etats-Unis, ce n’est pas un phénomène qui a éclaté du jour au lendemain, mais qui a pris quelques années à émerger. Toutefois, sur le long-terme, on n’est pas à l’abri d’un tel évènement. »

À la Clemens House : Surprise et incompréhension à Floréal

À Clemens House à Floréal, c’est la proclamation des résultats de la présidentielle américaine qui a provoqué les mines déconfites de l’auditoire.

Melanie Zimmerman (photo), chargée d’affaires de l’ambassade américaine, avait invité la presse et plusieurs personnalités à suivre en direct le dépouillement des votes autour d’un petit-déjeuner. Radio Plus avait sorti le grand jeu avec un plateau spécial, recueillant les réactions à chaud de plusieurs invités.

Les invités affichaient déjà une mine surprise avec l’avance déjà prononcée du candidat républicain Donald Trump. Il faut dire que la majorité des personnes présentes étaient pro-Clinton. Si l’espoir était encore permis initialement, la résignation a rapidement pris le dessus. Entre incompréhension et angoisse, une seule personne se réjouissait : Fazila Maudave, épouse d’Armand, présidente de l’Amicale Maurice-France.

Jean Claude de l’Estrac :  «La communication et la gestion des différences sont des problèmes majeurs»

L’accession future de Donald Trump à la présidence change-t-elle quelque chose au sujet des Chagos ?
Peut-être un mur autour de Diégo Garcia pour empêcher les Chagossiens d’y revenir ? Mais soyons sérieux. À vrai dire personne s’en sait rien. Durant sa campagne Trump a dit tout et son contraire, y compris sur les questions de défense militaire. On en est à spéculer. Moi je spécule que les choses deviendront encore plus difficiles pour Maurice et pour les Chagossiens.

Pourquoi ?
Parce que le discours fondateur de Trump est « America First ». Il a critiqué le président Barack Obama parce qu’à son avis les moyens financiers nécessaires n’ont pas été donnés aux forces armées. Son programme prévoit un renforcement des moyens opérationnels des armées. Il estime,  par exemple, qu’il faudrait davantage de bombardiers. Il veut doter la marine de 350 navires. C’est de Diégo Garcia, la plus importante base aéronavale américaine, que partent les B-52. Il dit avoir un « plan secret » pour intensifier la lutte contre l’État islamique, dans ce cas Diégo Garcia a une valeur géostratégique incomparable. J’étais déjà pessimiste avant, je le suis plus encore maintenant.

Un petit bémol quand même, il y a depuis peu un débat aux États-Unis sur l’efficacité réelle de toutes ces bases eu égard aux coûts qu’elles représentent. On argue qu’avec les moyens technologiques d’aujourd’hui, les bases extérieures ne sont plus vraiment nécessaires. Mais c’est un very wide shot.

Trump a maintes fois parlé de son aversion pour les accords de libre-échange. L’avenir de l’AGOA est-il menacé au-delà de 2025 ?
Au-delà de 2025, personne ne peut prédire. Ce qu’on sait, c’est que jusque-là, les pays bénéficiaires de l’AGOA sont protégés par un accord. En 2025, je ne sais pas ce que Trump sera devenu…

L’industrie a-t-elle raison d’espérer des retombées positives pour Maurice de la mort programmée du Trans-Pacific Partnership ?
Trump a été catégorique sur la question. Il entend retirer les États-Unis de cet accord de libre-échange, ce qui laissera un vide de libre-échange dans la région de l’Asie-Pacifique. Mais il n’est pas interdit de penser que Trump pourrait chercher à négocier des concessions des partenaires. Même si cela est peu probable, rien n’empêche le Congrès des États-Unis de ratifier l’Accord de partenariat Trans-Pacifique d’ici l’installation officielle du nouveau Président.

Nous entrons dans une période de grande incertitude économique et commerciale. Je ne peux pas dire qui en seront les bénéficiaires.

La victoire de Donald Trump vous a-t-elle surpris ?
Comme beaucoup de monde, je crois, aux États-Unis, comme ailleurs. Je m’interroge depuis sur le problème grandissant d’incommunication entre les élites politiques et médiatiques et les masses de plus en plus désemparées et frustrées. Manifestement, le problème est global et il n’est pas que de nature idéologique. Je crois qu’il y a des réflexions à mener sur le mode de communication publique et la capacité des uns et des autres à recevoir des messages et à les décoder correctement. Nous venons, nous-mêmes, ici, lors des dernières législatives, de vivre une expérience similaire. Ni les politiques de tous bords, ni les journalistes de toutes tendances, en principe des récepteurs aiguisés, n’avaient reçu à temps le message de la sourde colère des citoyens. Par arrogance ? Par vanité ? Par inculture ?

Quels sont les risques que Marine Le Pen ou d’autres partis de l’extrême droite nationaliste surfent sur la vague du mécontentement populaire répandue pour prendre le pouvoir à l’avenir ?
Si telle est la volonté démocratiquement exprimée par les peuples, nous aurons à nous soumettre. L’erreur à ne pas commettre, c’est de se consoler, comme je l’entends ces jours-ci, en décrétant que c’est la victoire de la bêtise sur l’intelligence, des électeurs ignares des campagnes sur celle des gens biens des villes. Si c’est le cas, c’est encore une faillite de la communication politique. Je vous l’ai dit. La communication, la gestion des différences sont les problèmes majeurs de notre temps.

Post-élection présidentielle américaine : nos compatriotes dans tous leurs états

De nombreux Mauriciens qui vivent ou étudient aux États-Unis sont toujours sous le choc. Ils craignent pour leur sécurité et leur avenir au pays de l’Oncle Sam. Pour d’autres, c’est « business as usual ».

Aqiil Gopee, 18 ans : «J’ai peur pour ma sécurité»

Il dit craindre le pire. « J’étais sûr qu’Hillary Clinton allait gagner, le contraire était inimaginable », lance Aqiil Gopee, actuellement aux États-Unis pour ses études supérieures. Ce qui l’inquiète le plus, ce sont les propos de Donal Trump à l’égard des immigrants durant la campagne électorale. « En tant qu’étudiant musulman, je me sens extrêmement concerné par le fait qu’il soit président et j’ai peur pour ma sécurité », indique notre compatriote qui ajoute que les partisans de Trump « sont bien plus effrayants que lui ».

 

 

Akhtar Khadaroo, 19 ans : «Rien de différent pour l’instant»

L’après-élection est aussi intense que la campagne électorale, estime Akhtar Khadaroo, étudiant à l’université de Northern Kentucky. « Il y a de nombreuses protestations qui sont en train se faire à travers le pays, surtout dans les centres-villes. Néanmoins, je ne me sens pas vraiment en danger, car j’estime que mon université fait de son mieux pour protéger ses étudiants. » Akhtar dit ne pas avoir de grandes inquiétudes pour l’avenir. « Je ne constate rien de différent pour l’instant. »

 

 

 

 Cameet (Ku) Appadu, 24 ans : «On a pris le meilleur du pire»

« Ce qui est fait est fait », lance Cameet (Ku) Appadu, étudiant à la City College of New York. Il dit ne pas voir l’intérêt de protester contre l’élection de Donald Trump et préfère accepter qu’il soit le nouveau président des États-Unis. « Je souhaite simplement, qu’en tant qu’étudiant étranger, il n’y ait de problème pour vivre dans un pays qu’il gouverne. Ce serait injuste puisque je travaille dur pour exceller dans mes études. » Il dit douter qu’Hillary aurait été une meilleure candidate. « Dans cette situation, l’on a pris le meilleur du pire. »

 

 

Sonali Gobin, 19 ans : «Je suis écœurée»

Elle est dégoûtée. Sonali Gobin, étudiante vivant à Washington DC depuis un an et demi, dit ne pas être rassurée qu’un homme tel que Donald Trump dirige l’une des plus grandes puissances mondiales. « Ses arguments racistes et ses discours dénigrants portent à croire qu’il veut fonder un établissement hégémonique et chasser tous les immigrants du pays. De plus, ses propos dénigrants envers la femme m’ont écœurée. »

 

 

 

Dylan Castagnette, 18 ans : «Nous allons reculer»

Dylan Castagnette, étudiant en Neuroscience et Computer Science à la Columbia University à New York, accueille la présidence de Trump « avec beaucoup de crainte ». Pour le jeune homme, Donald Trump n’a pas l’étoffe d’un Président des États-Unis. « Nous allons reculer et perdre tout le progrès acquis pendant la présidence d’Obama. Trump ne croit pas au réchauffement climatique. Sa politique pour les soins médicaux n’est bénéfique pour personne et il ne compte rien faire pour renforcer les lois sur les armes à feu. »

 

 

 Reena Usha Rungoo, étudiante : «Sous le choc»

« On est tous un peu sous le choc », explique la jeune étudiante mariée à un Américain. Selon elle, nombreux sont ceux qui refusent toujours de croire que la moitié des électeurs voteraient pour un candidat raciste, misogyne et homophobe. « Je ne peux qu’espérer que de ces résultats retentira le signal d’alarme pour le peuple américain afin que les choses puissent vraiment changer, et avec un esprit de tolérance cette fois-ci, en 2020 », dit-elle.

 

 

Dewansingh Raj Beemola,General Manager : «Aucune crainte à avoir»

Bien qu’il ne s’attendait pas à une défaite d’Hillary Clinton, Raj Beemola, habitant Californie, dit ne pas être inquiet que Trump soit le président élu. « Même si la Chambre et le Sénat sont Républicains, ils vont devoir travailler afin de faire avancer les choses. Attendons voir qui il va inclure dans son équipe à la maison blanche », explique-t-il. C’est pour cela qu’il entrevoit un avenir prometteur pour le pays. « Il n’y a aucune crainte à avoir. »

 

 

 

Laurent Decosse, PRO : «Donnons-lui une chance»

Le résultat des élections est le reflet d’une colère profonde au sujet de l’establishment qui a poussé les cols blancs américains à voter pour Trump, selon Laurent Decosse. Avec les lois sur l’immigration annoncée par le président élu, notre interlocuteur essaie de ne pas paniquer. Il préfère attendre de voir comment le nouveau gouvernement agira. « Les mesures annoncées pourraient affecter les professionnels étrangers, comme moi, mais attendons que le nouveau président prenne ses fonctions avant de s’exprimer. Donnons-lui une chance. »

 

 

Vania Barry, enseignante : «J’ai hâte de voir les changements»

Enseignante dans le Wisconsin, Vania Barry peine encore à croire que Donald Trump soit le nouveau président. « Cela me fait très peur car nous allons vers l’inconnu », dit-elle. Mais cela la rassure que le système américain est tel que le pouvoir n’est pas centralisé entre les mains d’une seule personne. En dépit de ses appréhensions elle espère voir une croissance dans le domaine de l’emploi et une économie plus forte. « J’ai hâte de voir les changements. »

 

 

 Amar Beeharry-Panray, Soft engineer : «La vie continue»

Amar Beeharry-Panray reste serein. Pour lui, « la vie continue ». Donald Trump a été élu démocratiquement et il est désormais le Président de tous les Américains. Il espère simplement qu’il tienne les engagements qu’il a pris. Mais lucide, il s’empresse d’ajouter que « la politique est faite de promesse comme partout dans le monde, j’espère qu’il va nous faire avancer quand même car il doit travailler pour le peuple ».

 

 

Jay Luchoomun, scientifique : «Le monde doit s’inquiéter»

« La force sombre a paralysé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord avec la montée de l’extrémisme islamique, l’Europe avec la montée de l’extrémisme et la xénophobie et maintenant les États-Unis », observe Jay Luchoomun. Mais il est reconnaissant envers les pères fondateurs de la Constitution qui ont mis un système de contre-pouvoir qui fait que le président n’a pratiquement aucun pouvoir, sauf un veto pour les projets de loi. « Mais il a le code nucléaire », dit-il. Avec un imprévisible président Trump et les Républicains contrôlant la Maison Blanche et le Sénat, le monde doit s’inquiéter.

 

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