Le président du Parti travailliste (PTr) dresse un bilan des actions de l’opposition parlementaire, identifiant à la fois ses faiblesses et ses forces. Il exprime également sa déception quant au budget présenté par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, affirmant que celui-ci n’a pas répondu aux attentes de la population. Patrick Assirvaden promet que l’opposition parlementaire proposera des mesures sociales pour pallier ces lacunes.
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Quel bilan faites-vous du parcours de l’opposition en cette période de fin de mandat ?
Je dois dire que l’opposition a fait preuve de cohérence et d’harmonie pendant presque cinq ans. Nous avons réussi à travailler en bonne entente, y compris avec le PMSD lorsqu’il était en alliance avec nous. Cela nous a permis de pousser et de faire avancer de nombreux dossiers. Je suis extrêmement satisfait, car nous avons compris que la priorité des priorités est de débarrasser le pays du MSM. Sanzman pe vini.
Ce n’est pas le moment de se diviser, mais de se rassembler»
Il y a également eu une série d’actions qui ont été menées par l’opposition, dont des marches citoyennes dans les rues de Port-Louis, ainsi que des actions légales en vue de précipiter le départ du MSM du pouvoir. Mais cinq ans après, le MSM semble encore bel et bien ancré, et certains observateurs s’accordent à dire que le MSM et ses alliés semblent encore détenir toutes les cartes en main. Que pensez-vous de cette situation ?
D’abord, je dois expliquer pourquoi l’opposition a dû descendre dans la rue et se faire entendre : avec le Speaker actuel, l’opposition n’a pas eu son mot à dire. L’opposition doit pouvoir s’exprimer et le gouvernement doit gouverner, mais nous n’avons pas eu cette opportunité. Ce Speaker nous a empêchés de travailler, et tous les leaders de l’opposition - Xavier-Luc Duval, Shakeel Mohamed, Arvin Boolell - peuvent en témoigner. Xavier-Luc Duval lui-même a déclaré qu’il n’est pas facile de continuer avec un tel Speaker. C’est pour cela que l’opposition, tant parlementaire qu’extra-parlementaire, a participé à des manifestations.
Mais avec ce gouvernement, cela a eu l’effet dilo lor bred sonz. Malgré tout ce que nous avons vu, notamment le naufrage du Wakashio, les contrats alloués pendant la pandémie de Covid-19, le scandale autour de l’acquisition de respirateurs auprès de Pack and Blister, le gouvernement et Pravind Jugnauth ont continué à faire la sourde oreille. Et il ne faut pas oublier que, dans le but unique d’empêcher le peuple de trancher, Pravind Jugnauth a reporté les élections municipales.
Le fait demeure qu’aujourd’hui, malgré toutes les actions que nous avons entreprises et pour de bonnes raisons, Pravind Jugnauth et le MSM ont la majorité au Parlement et le Speaker de leur côté. Tout cela donne l’impression que Pravind Jugnauth est solidement installé et inébranlable, mais ce n’est qu’une illusion trompeuse, qui ne reflète pas la réalité. Pravind Jugnauth aurait dû suivre l’exemple d’Emmanuel Macron, qui a décidé de dissoudre le Parlement et de rendre le pouvoir au peuple. Heureusement, Pravind Jugnauth et le MSM ne peuvent pas reporter les élections générales.
Quant au PMSD, il a soudainement décidé de voir les choses différemment et commence à estimer que le budget est bon et que nous avons « enn mari minis de finans»
Les efforts de l’opposition pour rassembler les différentes forces ont conduit à plusieurs configurations après divers exercices « kase ranze ». Cette année, le projet de réunification s’est soldé par le départ du PMSD de l’alliance. Ne pensez-vous pas que cela nuit à la crédibilité de l’opposition parlementaire ?
Je vais vous dire une chose : chaque parti de l’opposition a ses spécificités, son histoire, avec des membres et des personnalités qui lui sont propres. Mais ce qui nous unit, c’est l’avenir de notre pays. C’est cette préoccupation commune qui nous fait mettre nos ego de côté pour nous concentrer sur ce qui est important pour Maurice. Bien sûr, nous ne regardons pas toujours dans la même direction, nous n’avons pas tous nécessairement la même philosophie.
Cependant, nous avons l’avantage d’avoir un rassembleur en la personne de Navin Ramgoolam, qui fédère l’opposition, car il est un véritable unificateur. Il est le seul politicien capable de transcender toutes les communautés, sans politique de ségrégation, de séparation ou de division. Si le PTr et le MMM parviennent à faire face au gouvernement et à se présenter aux élections, c’est grâce à Ramgoolam.
Quant au PMSD, il a soudainement décidé de voir les choses différemment et commence à estimer que le budget est bon et que nous avons « enn mari minis de finans ». Bien sûr, lorsque viendra l’heure de négocier les postes de responsabilités, cela pourrait provoquer des sentiments de mécontentement, car chaque parti a ses spécificités. Mais cela démontre surtout que, malgré nos divergences de vues, nous nous concentrons sur l’intérêt supérieur du pays et nous mettons nos ego de côté.
Aujourd’hui, la triste réalité est que de nombreux Mauriciens pe bizin diviz seki zot ena dan zot lasiet manze»
L’opposition parlementaire a également échoué à fédérer les forces extra-parlementaires. À la veille des élections générales, pouvons-nous nous attendre à l’adhésion de certains partis ou personnalités de l’opposition extra-parlementaire au sein de l’alliance PTr-MMM-ND ?
Tout au long de ce processus, Navin Ramgoolam a été clair : toutes les personnes qui pensent que le MSM et son leader, Pravind Jugnauth, sont en train de détruire le pays sont les bienvenues dans notre alliance. Ce n’est pas le moment de se diviser, mais de se rassembler. Il ne s’agit pas de parler de tickets ou de responsabilités, mais de s’unir contre un danger commun.
Aujourd’hui, la triste réalité est que de nombreux Mauriciens pe bizin diviz seki zot ena dan zot lasiet manze. Vu la direction que prend le pays, toutes les personnes de bonne volonté doivent se réunir derrière cette alliance. Je tiens à apprécier la prise de position de certains individus. Des personnes comme Gérard Sanspeur, le syndicaliste Gopee, qui est un esprit indépendant comme Tengur, ou Malen Oodiah, qui n’ont rien à voir avec le PTr ou le MMM, mais qui prennent position ouvertement. Nishal Joyram, qui a risqué sa vie en faisant une grève de la faim, est un autre exemple. Ces personnes, parmi tant d’autres, n’ont rien à voir avec la politique, mais elles prennent position parce qu’elles réalisent que l’heure est grave et qu’il faut sauver le pays du pourrissement des institutions.
L’opinion publique exprime souvent le sentiment que l’opposition manque de visibilité sur le terrain politique et les réseaux sociaux. En dehors des conférences de presse et des réunions politiques, l’alliance semble peu présente sur les réseaux sociaux. Est-ce une critique que vous prenez en considération ?
Le fait est que l’opposition n’a pas les mêmes moyens que le MSM, ce qui limite nos ressources, y compris sur les réseaux sociaux. Cependant, là où nous pouvons nous améliorer, nous le ferons et nous structurerons cela à l’avenir. Mais en ce qui concerne notre présence, nous sommes bien là. Je dois dire que les meetings du 1er-Mai et celui sur le thème de la démocratie à Vacoas le démontrent clairement. Nous prenons également position lors des conférences de presse et nous allons prochainement organiser une série d’activités.
Dès que nous serons au pouvoir, nous allons faire baisser le prix du diesel, de l’électricité et de l’essence»
L’opposition parlementaire vient de connaître une reconfiguration avec la nomination d’Arvin Boolell comme leader de l’opposition, en remplacement de Shakeel Mohamed, dont la performance a été bien accueillie par une partie de la population. Quel regard portez-vous sur la performance d’Arvin Boolell lors des dernières PNQ ?
Lorsque nous avons dû nommer un leader de l’opposition, j’avais clairement indiqué que la nomination de Shakeel Mohamed était destinée à couvrir la période pendant laquelle Arvin Boolell se remettait de sa maladie.
Arvin Boolell étant le membre du PTr qui détient l’ancienneté la plus élevé, le poste lui revenait. Ainsi, une fois que celui-ci rétabli, Shakeel Mohamed a, avec élégance, présenté sa démission comme prévu et passé le flambeau.
Arvin Boolell a une grande expérience en tant que parlementaire, ayant été élu à de nombreuses reprises. Il ne fait aucun doute qu’il est un leader de l’opposition très performant. Sa récente question sur le « ministre notaire », a mis en évidence que Kavi Ramano travaillait à la fois comme ministre et notaire. Les documents et les chèques produits le démontrent de manière évidente.
Il y a également eu sa question sur les jeux de hasard, qui une fois de plus a mis en lumière l’axe MSM - SMS Pariaz. C’est en raison de ses questions et de ses performances qu’il a été suspendu du Parlement, car il embarrasse le gouvernement.
Arvin Boolell a été suspendu du Parlement, car il embarrasse le gouvernement»
Venons-en maintenant au Budget 2024-2025. Il y avait une grande attente dans l’opinion publique pour des mesures telles que la baisse du prix des carburants et l’annonce du paiement du 14e mois. Le leader du PTr a, à plusieurs reprises, déclaré que la baisse des prix des carburants serait mise en œuvre dès votre arrivée au pouvoir. Qu’en est-il du paiement du 14e mois ? Est-ce une option envisagée au sein de l’alliance ?
Le ministre des Finances ne présente pas de budget sans l’approbation de Pravind Jugnauth. Il y avait une attente et un cri de désespoir de la population qui n’a pas été entendu par Jugnauth et Padayachy. La réalité est que beaucoup de gens ne peuvent pas subvenir à leurs besoins de base. Ils ne peuvent pas acheter leurs médicaments ni même entrer dans une quincaillerie pour acheter du matériel. Dans ce budget, il n’y a absolument rien pour augmenter le pouvoir d’achat. Ils prennent la population pour des imbéciles. Ils pensent qu’une augmentation de Rs 500 pour les retraités va suffire ! Dans les boutiques, le prix du corned mutton est aujourd’hui de Rs 210. Une calebasse coûte Rs 180. Avec une augmentation de Rs 500, le ministre des Finances pense embêter la population. Aucune mesure n’est prise pour arrêter la dépréciation de la roupie ni pour aider les Mauriciens à respirer lorsqu’ils font leurs courses au supermarché. Chaque Mauricien, y compris les enfants, a une dette de Rs 450 000.
Dès que nous serons au pouvoir, nous allons faire baisser le prix du diesel, de l’électricité et de l’essence. Nous prévoyons également d’abolir la redevance de Rs 150 à la MBC et de réduire immédiatement les prix de 20 à 25 articles de première nécessité. De plus, nous envisageons d’introduire l’importation parallèle des médicaments pour réduire les coûts des traitements contre le cholestérol et le diabète. Nous sommes à l’écoute des préoccupations de la population. En ce qui concerne le 14e mois, cette question est actuellement à l’étude par le comité de l’alliance PTr-MMM-ND, et nous fournirons des informations à ce sujet en temps voulu.
À la veille des élections, la politique énergétique est un échec total»
Abordons maintenant le secteur énergétique. Après la présentation du budget, le ministre Joe Lesjongard a affirmé que le secteur des énergies renouvelables semble enfin décoller. Quelle est votre opinion à la lumière du dernier rapport de Statistics Mauritius qui indique le contraire ?
Encore heureux que le ridicule ne tue pas. Les chiffres de Statistics Mauritius, qui est une institution indépendante placée sous l’égide du ministère des Finances, montrent clairement que nous avons régressé de 2 % par rapport à l’année dernière au lieu de progresser dans la transition énergétique. Cela, malgré les affirmations du ministre Lesjongard. C’est renversant ! Depuis des années, le PTr souligne que la plus grande erreur de ce gouvernement a été le démantèlement de Maurice Île Durable, projet central pour la transition énergétique. Lesjongard a mis fin à la politique de Collendavelloo, retardant ainsi notre avancée de cinq ans. Nous avons déjà manqué notre transition énergétique et il est désormais trop tard, tandis que d’autres pays comme la Réunion réussissent pleinement leur transition.
Nous sommes encore à une production électrique à base d’énergies renouvelables à 17 %, alors qu’on nous promettait 35 % l’année prochaine et 60 % dans cinq ans. Joe Lesjongard risque de passer à l’histoire comme le ministre du Zéro mégawatt. À la veille des élections, la politique énergétique est un échec total : on continue de brûler du charbon, les contrats en ce sens avec Terra et Alteo sont renouvelés... Le gouvernement bluffe !
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