Les familles des 11 patients dialysés décédés, traumatisées et en colère, réclament justice et des sanctions pour les responsables.
Publicité
Aziza Unjore : « Mon mari a souffert »
Pour Aziza Unjore, le 26 mars 2021 restera gravé comme un jour de double douleur. Cette date, à laquelle son époux Habib aurait dû célébrer ses 73 ans, s’est transformée en un cauchemar sans fin. Ancien membre actif de la scène politique et figure emblématique du MMM, Habib était aussi un père aimant et un mari dévoué. Mais ce jour-là, un appel du ministère de la Santé et du Bien-être a tout brisé.
« On nous a demandé de préparer ses affaires pour un transfert en quarantaine. Habib pensait que c’était une blague », se souvient Aziza. Le départ, annoncé pour 15 heures, n’a finalement eu lieu qu’à 20 heures. L’anniversaire s’est évaporé dans l’angoisse. « Ce jour-là, tout s’est effondré. C’était son dernier anniversaire », poursuit la mère de famille.
Il a été placé au centre de quarantaine à l’hôtel Tamassa, une expérience qu’Aziza décrit comme un isolement inhumain. Le 2 avril, testé positif à la Covid-19, il est transféré au nouvel hôpital de Souillac. Une semaine plus tard, le 9 avril, son état se dégrade brutalement. Vers 22 h 50, lors de leur dernier échange téléphonique, Habib semblait encore lucide.
Pourtant, quelques heures plus tard, Aziza reçoit l’appel qu’elle redoutait. « Ils m’ont dit qu’il y avait une mauvaise nouvelle », raconte-t-elle. Mais les détails de ce moment tragique restent flous. Est-il mort dans l’ambulance ? À l’hôpital ? « Mon mari a souffert. La veille, il manquait de souffle. Il prenait seul ses médicaments, vérifiait sa tension sans aide… Où était le personnel de l’hôpital ? » demande Aziza Unjore.
Habib Unjore, diabétique depuis ses 55 ans, était sous dialyse depuis 2015. Malgré ses propres souffrances, il n’avait jamais cessé de penser aux autres. « C’était un homme rare, dans tous les sens du terme. Un papa gâteau, un mari exceptionnel, un militant social engagé. » Pour Aziza, le deuil a été un gouffre. « Au début, c’était insurmontable. Puis, avec le temps, j’ai appris à m’adapter, mais jamais à accepter. Les circonstances de sa mort restent inacceptables », martèle Aziza Unjore.
Vinaygee Lutchammah : «Mon mari aurait pu vivre encore de belles années»
Luchoomaya (Vel) Lutchammah avait 72 ans lorsqu’il est mort, le 31 mars 2021, au New Souillac Hospital. Transféré à l’hôtel Tamassa, converti en centre de quarantaine, le 26 mars, en compagnie d’autres patients dialysés, son séjour s’est transformé en cauchemar. « Nous sommes toujours en deuil. Nous souffrons encore », confie Vinaygee Lutchammah, la voix tremblante.
Autorisée à accompagner son époux en raison de sa condition physique fragile, elle a été témoin, dit-elle, de graves manquements. « J’ai vu la négligence de mes propres yeux : des séances de dialyse réduites, un manque cruel de médicaments comme le paracétamol, aussi bien au centre de quarantaine qu’à l’hôpital de Souillac. Je suis prête à témoigner si cette affaire aboutit en cour », tonne Vinaygee Lutchammah.
Pour cette veuve meurtrie, son époux n’a pas seulement été victime de la pandémie, mais aussi d’un système défaillant. « Mon mari aurait pu vivre encore de belles années. Il n’était pas en fin de vie. Ce qui s’est passé est un mélange de malchance et de négligence, et cela mérite d’être puni », fait-elle ressortir. Vinaygee Lutchammah accuse le ministère de la Santé d’avoir ignoré les alertes et la souffrance des familles. « Ils ne nous ont pas écoutés. Nous avons tant souffert. Je m’attends à ce que justice soit faite », martèle-t-elle.
Kevin, gendre de Mahadev Jeebun : « Nous voulons que justice soit faite »
Pour Kevin, gendre de Mahadev Jeebun, le rapport du FFC sur le décès des patients dialysés ne fait qu’aggraver le chagrin familial. « Nous avons pris connaissance des conclusions, vendredi. Elles sont accablantes. Nous avons déjà consulté notre homme de loi, Me Nirmal Busgopaul, pour engager des actions judiciaires », confie-t-il, amer.
Mahadev Jeebun, 57 ans, un pêcheur sous-marin, était dialysé depuis près de huit ans. Il est décédé au New Souillac Hospital, le 11 avril 2021, après avoir été transféré au centre de quarantaine à l’hôtel Tamassa. « Pour moi, ils ont pris mon beau-père et l’ont envoyé à l’hôtel Tamassa pour le tuer », lâche Kevin.
La famille Jeebun prévoit de déposer une plainte criminelle contre l’ex-ministre de la Santé Kailesh Jagutpal, et d’entamer une procédure civile pour réclamer des dommages et intérêts. « Nous ne pouvons pas nous taire. Nous voulons que justice soit faite », martèle-t-il.
Au-delà des actions légales, Kevin exprime une indignation profonde. « Comment peut-on faire son deuil face à ce qu’il s’est passé et l’ampleur des négligences dans ce rapport ? Pourquoi ce document est-il resté caché si longtemps ? » demande-t-il. Kevin s’insurge également contre la disparition des effets personnels de Mahadev Jeebun : « Sa montre, son porte-monnaie... rien n’a été restitué. Tout ce qu’on a récupéré, c’est sa carte d’identité. Comment est-ce possible ? »
Canabady Pillay Ramsamy : « Mon épouse souriait quand ils l’ont emmenée… »
Pour Canabady Pillay Ramsamy, le décès de son épouse Sarodjini, 57 ans, reste une injustice insupportable. Dialysée depuis 12 ans, cette mère de deux enfants est décédée le 21 avril 2021. « Mon épouse était en bonne santé, elle était fit. D’ailleurs, elle souriait quand ils l’ont emmenée. Ce qui s’est passé à l’hôtel et à l’hôpital est inadmissible. Personne ne faisait attention aux patients », déplore-t-il.
Sarodjini Ramsamy a été placée en quarantaine, alors qu’elle était négative à la Covid-19. Quinze jours après, elle était testée positive. Elle est morte cinq jours après. Pour Canabady Pillay Ramsamy, ces événements sont synonymes de négligence flagrante : « Mon épouse a dû m’appeler pour que je demande au personnel de faire sa dialyse. C’était la veille de son décès. Comment peut-on en arriver là ? »
Canabady Pillay Ramsamy envisage aujourd’hui de prendre des mesures. « Je dois lire le rapport pour décider des actions à entreprendre. Bien sûr, l’argent ne remplacera jamais la perte subite et tragique de mon épouse, mais la seule chose qu’ils peuvent faire maintenant, c’est nous dédommager », dit-il avec amertume.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !