Le débat sur la ligne de démarcation entre le président du conseil d’administration et le Chief Executive Officer est relancé à la suite du limogeage de Megh Pillay d’Air Mauritius.
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Pour Sunil Bheeroo, avocat d’affaires, il faut d’abord faire la différence entre un Executive Chairman et un Non-Executive Chairman. L’homme de loi explique que les deux ne bénéficient pas des mêmes responsabilités. Un Executive Chairman, selon ses attributions, doit être à son poste à plein temps. Il peut disposer d’un bureau ainsi que des privilèges qui vont avec.
« C’est le cas d’Arjun Suddhoo qui est Executive Chairman du Mauritius Research Council (MRC). Toutefois, à Air Mauritius, le même Arjun Suddhoo est un Non-Executive Chairman. Il préside les réunions du conseil d’administration mais il n’y a nécessité pour lui de disposer d’un bureau et encore moins de s’ingérer dans les activités quotidiennes du transporteur national, si on tient en ligne de compte les principes de bonne gouvernance et du code d’éthique », soutient l’avocat d’affaires.
Quant au Chief Executive Officer (CEO), Me Sunil Bheeroo indique qu’il est chargé, entre autres, de distribuer les responsabilités aux cadres des différents départements et de veiller au bon fonctionnement de la compagnie sur une base quotidienne. Le Board of Directors, explique-t-il, est nommé par les actionnaires afin de s’assurer que les décisions relatives à la compagnie sont mises en œuvre. Le conseil d’administration décide ainsi des grandes lignes de la politique interne de la compagnie.
« Le CEO entre en scène et se charge de distribuer les responsabilités aux cadres des différents départements pour la mise à exécution de la politique interne de la compagnie d’aviation nationale. Il représente le Senior Management et doit report au conseil d’administration », fait ressortir Me Sunil Bheeroo.
Dans le cas de Megh Pillay, qui était aussi directeur à Air Mauritius, il contribuait également à l’élaboration de la politique interne de la compagnie aérienne. « Une fois qu’une politique a été adoptée, il incombait à l’ex-CEO d’assurer sa mise en application. »
Risque d’abus de pouvoir
Citant l’exemple de certaines institutions publiques, l’avocat d’affaires affirme que des présidents du conseil d’administration, qui sont des Non-Executive Chairmen, outrepasseraient leur pouvoir. « Ils passent le plus clair de leur temps au sein de ces institutions. Ce faisant, ils risquent de nuire au bon fonctionnement de ces organismes et de réduire la productivité des employés dans certains cas. Sans compter les risques d’abus de pouvoir de leur part en ce qui concerne leurs contacts politiques. Le pire, c’est lorsqu’un nominé politique n’a aucune expérience ou qualification dans le domaine d’activité de l’institution dont il est à la tête. »
Revenant à la résiliation du contrat de Megh Pillay, Me Sunil Bheeroo est d’avis qu’une compagnie aussi importante qu’Air Mauritius, régie par différentes lois, ne peut organiser un Board Meeting dans un si court délai. « Surtout lorsqu’une décision majeure est à prendre pour ce qui est du limogeage de l’ex-CEO. De surcroît, parmi les personnes présentes, il y avait deux nominés politiques : Prakash Maunthrooa et Arjun Suddhoo. Ce n’est pas une décision qu’on peut prendre en 30 minutes. »
Il faut au préalable savoir ce qui est reproché à l’intéressé, selon l’avocat d’affaires. « Megh Pillay n’a-t-il pas respecté les directives qu’on lui avait données ? A-t-il failli à la mise en œuvre de la politique interne de la compagnie ? S’est-il opposé aux décisions du Board of Directors et cela aurait-il porté préjudice à la compagnie ? Ou parce qu’il est en train de faire son travail correctement et que cette situation aurait embarrassé certains nominés politiques ? Car en ce moment, c’est justement la perception du public. »
La manière dont Megh Pillay a été révoqué, selon Me Sunil Bheeroo, suscite d’autres interrogations, notamment sur les pratiques de bonne gouvernance et le code d’éthique auquel le transporteur national a pris l’engagement d’adhérer. « Il ne faut pas non plus oublier qu’Air Mauritius est listée en Bourse, ce qui fait qu’elle est aussi régulée par la Stock Exchange Commission, tombant sous l’ombrelle de la Financial Services Commission (FSC). Ainsi, ils ont l’obligation de respecter le code d’éthique ainsi que les principes de la bonne gouvernance. »
Amender la Companies Act
Pour s’assurer que toutes les compagnies adhèrent aux principes de bonne gouvernance, il faudrait, selon Me Sunil Bheeroo, que ces derniers aient force de loi. « Ce qui n’est pas le cas actuellement. Ainsi, une société qui s’est engagée à les respecter peut très bien faire fi de ces principes sans qu’elle soit inquiétée par les autorités régulatrices. Si les autorités souhaitent réellement que les principes de bonne gouvernance soient respectés par tout un chacun, il faut les inclure dans la Companies Act, leur donnant ainsi force de loi. »
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