Interview

Nushumi Balgobin Kandhai, avocate: «Le trafic d’influence dans le privé n’est pas un délit au pénal»

Le délit de trafic d'influence ne vise que le secteur public, les organismes parapublics et autres corporations d’État, affirme Me Nushumi Balgobin-Kandhai. L’avocate parle d'une lacune de cette loi. Selon elle, les employés du privé ne peuvent être sujets aux poursuites pénales. Il est temps de revoir la Prevention of Corruption Act (PoCA), qui parle de ce délit. Parlez-nous du délit de trafic d’influence ? Au-delà des délits spécifiques de corruption, le trafic d’influence est aussi bien réprimé par la Prevention of Corruption Act (PoCA). On peut dire que ce sont des infractions voisines. Cette loi a été introduite dans le but de conscientiser les fonctionnaires pour qu'ils mettent fin aux réseaux de relations ou de « copinage » pour des gains personnels.
Ces dernières années, nous avons vu notre pays se mettre à genoux devant une série d’allégations de trafic d’influence liées à des scandales politiques. En bref, l’article 10 de la PoCA sanctionne le fait qu’un intermédiaire (qui ne fait pas nécessairement partie du gouvernement) propose de se servir de son influence auprès des autorités publiques pour en faire profiter à une autre, en échange d’un avantage quelconque. Les faveurs peuvent être la promesse d'un emploi, une promotion, l’obtention de contrats publics, l’allocation des prêts d’argent ou des terrains à bail, entre autres.
[blockquote]« Les projets de développement ne peuvent se réaliser sans un secteur privé, fort, sain et protégé de la corruption. »[/blockquote]
Donc, le délit de trafic d'influence est commis quand un particulier demande à une personne très influente d'abuser de son pouvoir pour corrompre une décision. D’autre part, il y a aussi une infraction lorsque la décision est manipulée par la personne influente elle-même. Vous ne citez que les fonctionnaires, donc le secteur public… Qu’en est-il alors d’une personne du privé qui commet le délit de trafic d’influence ? Le gouvernement s’est acharné à lutter contre la corruption, le trafic d’influence et le blanchiment d’argent. C’est un fait que la corruption et le trafic d’influence gangrènent les services publics. Mais le pays est également affecté par le trafic d’influence dans le secteur privé. Donc, il est malheureux de constater que le trafic d’influence dans le secteur privé n’est pas un délit au pénal. Car sous la PoCA, le délit trafic d'influence, ne vise que le secteur public, les organismes parapublics et autres corporations d’État. Pourquoi ce restriction ? Ne pensez-vous pas qu’il est temps de revoir ce délit ? Évidemment, il est temps d’élargir le champ du trafic d’influence dans le secteur privé avec la mise en place de nouveaux dispositifs légaux et d’autres réformes juridiques. C’est un crime qui reste impuni du fait qu’il est peut-être considéré comme un « crime sans victime ». Ce qui est faux ! Le trafic d’influence, qui règne dans le secteur privé, s’avère dangereux pour le développement économique et le volume d’investissement dans le pays. Il existe de la concurrence déloyale et aussi bien des monopoles malsains sur le marché à la suite de « pots-de-vin » ou de commissions versées. Sur le plan économique, la « Freedom to trade » est mise en péril. D’autre part, le pays, les entreprises privées et les consommateurs en souffrent. On peut mentionner, ici, des pertes de centaines de millions de roupies. Si plusieurs personnes se servent, par exemple, de leur influence pour convaincre une institution bancaire (privée ou publique) pour l’obtention de prêts sans respecter les procédures, elles peuvent mettre en jeu la viabilité d’une institution financière ou même l’économie globale de pays (comme c’était le cas récemment après des allégations dans l’affaire MPCB). Les projets de développement ne peuvent se réaliser sans un secteur privé, fort, sain et protégé de la corruption. Des recommandations ont été ainsi faites par l’Organisation des Nations unies pour la Convention internationale contre la corruption. Il faut que notre loi évolue si on veut vraiment promouvoir la bonne gouvernance et l'intégrité nationale. Qu’encourt alors une personne poursuivie pour trafic d’influence sous la PoCA ? Les peines encourues s'élèvent jusqu’à un terme de 10 ans d'emprisonnement. Elles peuvent aller de six mois à 10 ans, selon la gravité des faits. Récemment, dans l’affaire Rafiq Peermamode, l'homme d'affaires était accusé d’avoir réclamé un pot-de-vin d’un million d’euros pour l’obtention d’un bail sur les Pas géométriques en usant de ses contacts politiques. Reconnu coupable par la cour intermédiaire, il a écopé de 18 mois de prison. Il a, toutefois, fait appel de sa condamnation.
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