Quel soutien concret les entrepreneurs peuvent-ils apporter aux personnes autrement capables afin de leur faciliter la vie au quotidien ? Nisha Heeroo, directrice de Godigital, a trouvé un créneau qui correspond à la raison sociale de sa boîte : appliquer l’écriture braille dans tous les édifices publics. Un défi de taille mais pas irréalisable, dit-elle.
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Les murs de son bureau, sis à Quatre-Bornes, sont recouverts de tableaux conceptuels aux couleurs binaires, nés de sa sensibilité aux arts sous toutes ses formes. « Je ne conçois pas la vie d’une personne engagée dans l’impression et la création sans l’influence des formes, des couleurs et des mouvements », dit la jeune trentenaire. Mais, attention, Nisha Heeroo, classée parmi les 100 femmes les plus influentes à Maurice en 2017, n’a pas pour autant la tête perdue dans les étoiles. Elle est plutôt droite dans ses bottes, lucide et pesant constamment ses mots.
Avant de se lancer dans l’impression digitale, elle a tâté l’administration dans le secteur bancaire, à l’Ahrim et chez Mauvilac. Le déclic arrive lorsqu’elle prend de l’embauche dans une imprimerie à Mare-Gravier où le directeur, Ashish Mulloo, lui met les pieds à l’étrier. Elle va s’initier aux arcanes de l’impression, poids des papiers, quadrichromie et marque des presses dont la fameuse Heidelberg. Avec ces connaissances en tête, et son charme naturel aidant, elle part à la conquête des clients.
En 2009, elle met le cap sur l’Afrique du Sud grâce au partenariat de l’entreprise avec Tony Saunders, récemment décédé. « J’y suis allée à plusieurs reprises pour approfondir mes connaissance en imprimerie », explique-t-elle. La même année, elle propose à Ashish Mulloo de convertir une partie des activités de la société au digital afin de réduire la dépendance au papier, de même que les coûts de production. Son ascendance est telle que son directeur est convaincu qu’elle connaît suffisamment le métier pour qu’elle se mette à son compte.
Perspectives dans le digital
L’aventure la séduit, car les perspectives dans le digital sont prometteuses. Pour réunir les fonds de lancement, elle emprunte une grosse somme auprès de la MauBank, recrute sept personnes, dont deux en freelance, emploie Ashish Mulloo comme consultant et s’installe à Sodnac. « Au départ, on a un peu galéré, il ya eu des hauts et des bas. Le coût des matières premières, les dépenses quotidiennes et des mauvais payeurs ont pesé lourd dans la balance », fait-elle ressortir.
Nous allons présenter un projet axé sur les ‘blind spots’
Aussi prendra-t-elle une première décision pour assainir les finances. En 2018, elle quitte Sodnac pour emménager dans un édifice moins coûteux, mais toujours à Quatre-Bornes où elle habite. La deuxième décision majeure survient à travers son association avec la société comptable Lancashire Associates où elle recourt aux services de deux spécialistes, Sooben Shane et Ramen Varden, pour se pencher sur les questions comptables de l’entreprise. « Depuis, dit-elle, la société respire et nous sommes en mesure d’envisager le futur avec plus de sérénité. »
Évoluer et trouver ses marques
L’entreprise doit aujourd’hui évoluer et trouver ses marques dans un secteur très marqué par la compétition et dans un marché aussi restreint que Maurice. Nisha ne s’en cache pas. « Je suis très attentive à cette situation nouvelle, c’est pour cela que nous mettons l’emphase sur l’innovation. Cela commence par moi-même, puis par la confrontation des idées et les suggestions au sein de la boîte et l’engagement de tous, mais je reste la seule à valider les propositions », précise-t-elle.
Toutefois, poursuit-elle, les idées ne suffisent pas. Encore faut-il que l’entreprise soit idéalement équipée pour relever le défi de la qualité et des délais, d’où l’investissement à hauteur d’un million dans l’achat d’une imprimante en 3D en 2017. « C’était un gros investissement calculé qui nous permet d’exécuter des tâches aussi diverses et variées en taille, que l’impression des cartes de visite, des billboards et celles à l’ultraviolet, entre autres », dit Nisha.
Finale de Gapp Awards
Si l’année 2018 s’achève avec l’ambitieux projet en faveur des aveugles, en collaboration avec l’association ‘Lizie dan Lame’, elle a aussi été marquée par la présence de Godigital à la finale de Gapp Awards. « Nous avions présenté un projet en braille en 3D pour les non-voyants et malvoyants. Arriver en finale est une immense source de satisfaction pour nous, compte tenu qu’il y avait 800 participants. Nous sommes les seuls en Afrique à avoir présenté un tel projet », se réjouit Nisha. Avec Reynolds Permal, directeur de ‘Lizie dan Lame’, la collaboration va s’étendre sur des projets à long terme, grâce à l’expérience de l’association curepipienne.
« J’ai déjà réalisé un travail en braille sur l’immeuble de ‘Lizie dan Lame’ à Forest-Side », indique-t-elle. Depuis, Nisha s’est mise au braille afin de s’imprégner de la réalité des non-voyants. Les idées se bousculent déjà dans sa tête. « Nous allons présenter un projet axé sur les ‘blind spots’ de Maurice, dans les écoles, collèges, supermarchés et galeries commerciales. Mais je pense que, commencer par le Metro Express, qui sera la plus grosse entreprise régionale de transport public, montrera que Maurice est véritablement soucieux du bien-être des personnes autrement capables, à commencer par les non-voyants et malvoyants. »
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