Mercredi 20 décembre, Mgr Michel Moura a été nommé évêque du vicariat apostolique de Rodrigues par le pape François. C’est une nouvelle mission pour ce « zanfan Plaisance » qui a connu un parcours atypique.
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«Les voies du Seigneur sont impénétrables. » Et Michel Moura ne pourra pas dire le contraire. De « kouper kann » à apprenti maçon en passant par charpentier, postier, « Accounts clerk » et assistant « Resident Manager » pour l’Outer Islands Development Corporation (OIDC), il a connu un parcours atypique avant de devenir prêtre à l’âge de 44 ans. Aujourd’hui, à 61 ans, il a été appelé à une nouvelle mission : être le pasteur de l’Église de Rodrigues en tant que vicaire apostolique nommé par le pape François le mercredi 20 décembre.
Ainsi, celui qui était « loin de la foi » a découvert l’amour du Seigneur à l’âge de 33 ou 34 ans. Pour y répondre, il s’est engagé dans la prêtrise. Et pourtant, rien ne présageait qu’il emprunte cette voie, d’autant que plus jeune, Michel Moura avoue avoir vécu ce qu’il qualifie de « crise de la foi », se révoltant contre Dieu.
À la fin de son cycle secondaire, sa priorité est de trouver un travail pour subvenir aux besoins de sa famille. « J’avais réussi mes examens de Higher School Certificate (HSC). Avec le pays plongé dans une crise économique aiguë, le chômage battait son plein. Pour moi, il fallait que j’apporte ma contribution à la vie de la famille pour lui permettre de subsister », raconte-t-il.
À l’époque, la plus grande préoccupation de ses parents, Émilie Louise et Bénédict Moura, est de trouver du travail pour pouvoir nourrir et vêtir la famille. C’est le métier de « kouper kann » qui se présente à lui. Cette expérience, qu’il commence avec trois de ses frères, sera formatrice et continue à le façonner jusqu’à présent, affirme-t-il.
« Nous avions formé une petite équipe et nous avons souffert au début car c’est un métier très dur. Mais au fil du temps, j’ai appris ce que signifie travailler de ses mains, ce que signifie la valeur d’une roupie », dit-il.
Grand virage
Ce métier forge en lui le courage de ne jamais baisser les bras face à l’adversité. « Cela a été très formateur et jusqu’à présent, je ressens beaucoup de courage ayant été forgé par ce que j’ai vécu dans le passé », affirme le nouvel évêque de Rodrigues.
Il participe également à des sessions de formation à l’Institut pour le développement et le progrès (IDP), où, avec le soutien d’Eshan Rahman, Jean-Noël Adolphe et le père Robert Fleurot, entre autres, il se forge une identité mauricienne. Il développe ainsi une conscience vive de ses droits et devoirs de citoyen, lui permettant de vivre une amitié profonde avec des Mauriciens de toutes les confessions religieuses.
C’est à Agaléga, et à travers sa formation dans le Groupe 40 (formation chrétienne adressée aux jeunes pour leur permettre de vivre leur relation avec Dieu et avec les autres), que Michel Moura fait un grand virage, en plaçant le Seigneur au centre de sa vie. Embauché comme clerc de comptabilité auprès de l’OIDC à Agaléga, il voit sa vie se transformer.
En répondant à l’invitation des Agaléens pour participer à la Liturgie de la Parole le dimanche, il y prend goût, même si pour lui, c’était davantage un engagement social. Il est émerveillé qu’une petite communauté chrétienne puisse maintenir une présence de l’Église malgré ses faibles moyens et l’absence habituelle de prêtres et de religieuses.
Très vite, il réalise qu’il lui manque un bagage spirituel, ce qui l’incite à suivre la formation du Groupe 40, changeant ainsi sa manière de situer sa foi. « Ayant pour projet de repartir pour Agaléga, j’ai voulu avoir davantage de formation d’Église pour mieux répondre aux besoins des personnes sur place. » Et en poursuivant son cheminement, Michel Moura finit par abandonner tous les métiers qu’il a pu exercer pour embrasser la prêtrise. Il est ordonné le 26 août 2006 à Plaisance.
Il confie qu’il a volontairement choisi que son ordination sacerdotale soit célébrée à Plaisance car la localité est stigmatisée. « On colporte toutes sortes de noms sur les habitants de la région, parfois à raison, mais la plupart du temps, il y a des personnes de grandes valeurs qui vivent à Plaisance, Stanley, Trèfles, Camp-Levieux, dont on ne reconnaît pas suffisamment le potentiel et toute la patience des parents pour élever leurs enfants dans un bon cadre et les aider à avoir un avenir à la fois pour la localité et les familles », souligne-t-il.
Signal fort
Le nouvel évêque ajoute qu’il a ainsi voulu donner un signal fort pour dire qu’il ne suffit pas de regarder le côté sombre des choses, mais également voir les très belles choses qui se vivent. « Cette ordination se voulait être une manière pour qu’on arrête de mettre des étiquettes sur des personnes ou des régions car il n’y a pas que ce qui est mauvais dans ces localités », soutient-il.
Il en est de même à la paroisse de St Esprit, Bel-Air, où il est actuellement curé. « Le quartier de cité Caroline porte le stigmate du trafic de drogue, mais pourtant il y a des gens remarquables qui y vivent et qui font un travail de terrain pour assainir la situation et pour que les personnes puissent être traitées avec dignité », dit-il.
Originaire du quartier de Plaisance et nommé évêque, cela lui fait penser à une phrase de l’Évangile qui dit : « Qu’est-ce qui peut sortir de bon de Nazareth ? » Ce qui lui donne envie de dire : « Partout où on accueille la lumière du Seigneur, il y a des choses très bonnes qui peuvent sortir. »
Son ordination aura lieu le 19 mars 2024
À l’issue de sa visite éclair de deux jours jeudi et vendredi, à Rodrigues, Mgr Michel Moura a annoncé la date de son ordination épiscopale qui se fera le mardi 19 mars 2024, le jour de la fête de St Joseph. Il a choisi comme devise « Ma grâce te suffit ». Mgr Michel Moura succède à Mgr Alain Harel, devenant ainsi le deuxième évêque depuis que l’église de Rodrigues a été détaché du diocèse de Port-Louis et élevé en vicariat apostolique en 2002.
Né le 28 septembre 1962 à Vacoas, Michel Moura grandit à Plaisance après la mort de son père en 1974. Il effectue sa scolarité primaire à la Plaisance Hugnin Government School, et ses classes secondaires au collège Léoville L’Homme, Rose-Hill, pour ensuite faire son HSC au collège Eden.
Il est issu d’une fratrie de neuf enfants : sept garçons et deux filles.
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