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Me Penny Hack : «L’argent numérique ne sera pas compatible avec la liberté économique»

Dans cet entretien, Me Penny Hack, avocat d’affaires, aborde la différence entre la cryptomonnaie et la Central Bank Digital Currency, dite argent numérique. Il évoque aussi les conséquences que peuvent avoir l’argent numérique ou digital sur nos droits et nos valeurs démocratiques.

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Quelles sont les différences entre une cryptomonnaie et la Central Bank Digital Currency ? 

Essentiellement, la cryptomonnaie est une monnaie numérique telle que le « bitcoin », dans laquelle des transactions financières sont vérifiées, enregistrées et conservées par un système décentralisé utilisant la cryptographie, plutôt que par une autorité publique centralisée. 

Ce système permet à n'importe qui, n'importe où, d'envoyer et de recevoir des paiements en échappant à des restrictions d’un système centralisé. Les cryptomonnaies n’ont aucune valeur légale. 

Par contre, la « Central Bank Digital Currency » (CBDC) est une monnaie numérique émise par une Banque centrale. La valeur est liée à la monnaie officielle du pays émetteur. Dans le contexte de Maurice, la Banque de Maurice (BoM) a le rôle de soutenir les services financiers du gouvernement, son système bancaire et commercial, de définir la politique monétaire et d'émettre de la monnaie numérique.

A-t-on déjà un cadre légal qui permet la CBDC à Maurice ?

Oui, la base de ce cadre légal existe déjà. Selon la « Bank of Mauritius Act », la BoM est la seule institution qui peut émet de la monnaie numérique à Maurice.

La conception de cette monnaie numérique est déterminée par la BoM avec l'accord du ministre des Finances. À cette fin, la BoM peut formuler des règlements pour régir le cadre dans lequel les transactions numériques peuvent être émises par la Banque. Et aussi d’être détenues ou utilisées par le public. 

La banque centrale peut déjà ouvrir des comptes et accepter des dépôts. Elle peut également payer des intérêts sur ces dépôts au gouvernement. Ceci concerne aussi les institutions contrôlées par le gouvernement, par exemple, des corps paraétatiques, les institutions financières telles que la Financial Services Commission (FSC) ou les banques, les sociétés statutaires ou corporations privées, comme le Central Electricity Board (CEB), la Central Water Authority (CWA) ou Air Mauritius, les « Receiver Managers » ou les liquidateurs de toute institution financière en liquidation. Avec un tel système, nul besoin d’imprimer des billets ou de fabriquer des « coins ».

La Banque de Maurice a le rôle de soutenir les services financiers du gouvernement, son système bancaire et commercial, de définir la politique monétaire et d'émettre de la monnaie numérique.»

D’après vous, quand est-ce que la Banque centrale emmétra cette roupie digitale ?

Je n’ai pas de date, mais la BoM a publié en juin 2023 un document consultatif sur l'émission d'une monnaie numérique (CBDC). Le 26 avril 2023, le gouverneur, lors de l'atelier des banques centrales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, avait parlé sur le thème « L'avenir de la monnaie des banques centrales dans un monde numérique ». Il avait envisagé le déploiement de cette roupie numérique dans le cadre d'une phase pilote, en novembre 2023. Valeur du jour, aucun rapport sur la consultation, n’a été publié.

Quel est l’objectif principal derrière la création de cette roupie numérique ?

La BoM semble avoir l’intention de fournir au public une roupie numérique efficace, sûre et pratique à être utilisée dans la vie au quotidien. Elle semble aussi vouloir suivre l’utopie globaliste de l’Union européenne d’une « cashless society » éliminant la monnaie physique. 
Je crains que ce soit un commencement de tentative du gouvernement de protéger sa position privilégiée et d’exercer davantage de contrôle sur l’argent des gens et même abuser de ce pouvoir. 

Quel sera alors le rôle des banques existantes ?

Forcément, sous le système CBDC, tout argent digital sera tenu par la BoM et non par une banque privée. Les banques ne pourront plus faire un profit à travers les frais administratifs ou intérêts générés via des prêts. Ainsi, nos banques vont être  réduites à un rôle d’agent ou de représentant en service clientèle sans rente et sans pouvoir. Le gouvernement effectivement deviendra le système bancaire à la place des banques existantes créant un dangereux monopole autocratique. 

Quels sont les désavantages d’un argent numérique ?

Il suffit de formuler des règlements appropriés. A priori, cette politique de « cashless society » équivaut à céder le contrôle de votre argent à la BoM. Le grand danger de la CBDC est qu’il n’y a aucune limite au niveau de contrôle que le gouvernement exerce à travers la BoM. 

Qu’en est-il de nos libertés et valeurs démocratiques ? 

Une CBDC donnerait aux agents publics un contrôle total et arbitraire sur l’argent entrant et sortant du compte de chaque personne. Ce niveau de contrôle gouvernemental n’est certainement pas compatible avec la liberté économique ou politique d’une démocratie. Cela comprend le compte de chaque juge, fonctionnaire, chef d’entreprise, avocat et autres professionnels. 
Pire, contrairement au cadre réglementaire existant, la CBDC ne protégerait pas la vie privée ou la liberté. Le cadre, fondé sur les droits constitutionnels de la vie privée ou de la confidentialité bancaire, cesserait d'exister lorsqu'il s'agit de transactions financières. 

À mon avis, le gouvernement doit plutôt favoriser un meilleur accès aux marchés financiers et assurer davantage d’innovation dans les services financiers et la concurrence dans le secteur privé. Le gouvernement doit généralement réduire son monopole sur la réglementation gouvernementale, et renoncer à émettre des CBDC. Car, notre démocratie en dépend.

Ministry of finance

 

 

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