Interview

Me Neelam Ramsaran-Jogeea : «Amender la loi pour criminaliser le viol conjugal»

Me Neelam Ramsaran-Jogeea Me Neelam Ramsaran-Jogeea

Selon nos législations, le viol conjugal n’est pas un délit, dit Me Neelam Ramsaran-Jogeea. Or, dans certains pays, c’est condamnable. Il existe toutefois un  moyen de protéger une femme : le ‘protection order’. Pour l’avocate, il est temps d’amender la loi pour criminaliser contre cette violence conjugale.

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Comment notre législation définit-elle le viol et qu’encourt une personne reconnue coupable de ce délit ?
Le crime de viol n’est pas défini dans la législation mauricienne. Le Criminal Code, dans son article 249(1), qui est relatif au viol, prévoit les peines pour le viol sans pour autant le définir. Ledit article évoque que si une personne est jugée coupable de viol, elle risque une peine de servitude pénale, qui ne doit pas être moins de dix ans.

Cet article ne donne pas de détails sur les éléments constituant le viol, ni même une définition de celui-ci, comme le fait le Code pénal en France ou la Sexual Offences Act en Angleterre.

Toutefois, les juridictions pénales mauriciennes acceptent la définition de viol comme étant « le coït illicite avec une femme qu’on ne sait ni point consentir » ou encore « le fait de connaître charnellement une femme sans la participation de sa volonté ».

Les éléments constitutifs du viol sont la conjonction sexuelle normale et illicite (pénétration), imposée avec violence ou plutôt en l’absence de consentement de la femme et l’intention criminelle du violeur.

Le viol existe-t-il légalement dans le mariage ?
Le viol conjugal n’est pas un délit, selon nos lois. Notre Code pénal est  inspiré de la doctrine française. Il était traditionnellement jugé que le mari, mais non le concubin, ne pouvait se rendre coupable de viol en employant la force pour contraindre sa femme à avoir des relations sexuelles.

Selon la doctrine française, un époux avait un « devoir conjugal » envers l’autre. Or, ce devoir conjugal a été aboli en France et le viol conjugal est condamnable depuis 1992.

Le viol conjugal est aussi reconnu en Angleterre (marital rape) et c’est un délit pénal répressible de la prison à vie. De plus en plus de pays ont criminalisé le viol conjugal. Cependant, le Code pénal mauricien, malgré qu’il soit un héritage de la colonisation française, n’a pas été influencé par les vagues de réformes en France sur le viol conjugal.

Le viol conjugal ne figure toujours pas dans nos lois. Notre Code pénal ne reconnaît pas l’existence du viol au sein du mariage et il n’y a pas de précédent à Maurice s’agissant du viol dans le mariage.

Toutefois, je suis au courant qu’Aurore Perraud, ministre de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille, travaille en collaboration avec les autorités sur un amendement pour criminaliser le viol conjugal et je pense qu’il est grand temps que cet abus soit condamné.

«Une personne peut demander à la justice la rupture du lien conjugal si l’un des époux ne remplit pas son devoir conjugal»

Qu’en est-il de la sodomie dans le mariage ?
La sodomie est interdite par l’article 250(1) du Criminal Code. Reconnue coupable pour ce délit, une personne encourt une peine de servitude pénale n’excédant pas cinq ans.

La sodomie est illégale, même au sein du mariage. Il y a plusieurs cas où le mari a été poursuivi pour sodomie après avoir été accusé par son épouse. Cette loi ne tient pas compte du consentement de la personne sodomisée. L’époux peut être poursuivi et condamné même si l’épouse était consentante au moment de l’acte de sodomie.

Une femme peut-elle se rendre coupable de viol si elle impose des relations sexuelles à son époux qui n’est pas consentant ?
L’auteur du crime d’un viol ne peut être qu’un homme et la victime, une femme. Une femme qui impose des relations sexuelles à un homme ne peut se rendre coupable de viol, en l’absence d’acte de pénétration d’organe sexuel sur la victime. L’intromission des doigts ou des objets ne constitue pas l’acte de pénétration sexuelle au sens de la loi réprimant le viol.

En revanche, une femme peut être complice d’un viol commis par un homme sur une autre femme.

La femme n’a-t-elle pas un devoir conjugal envers son époux ?
Le devoir conjugal envers son époux en tant que tel n’est pas explicitement examiné par notre loi. Il résulte d’une autre obligation, prévue par l’article 215 du Code civil, qui stipule que les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie.

Cette communauté de vie implique le devoir conjugal de la femme envers son époux. Donc, une personne peut demander à la justice la rupture du lien conjugal si l’un des époux ne remplit pas du tout le devoir conjugal.

Est-ce que le viol peut être considéré comme forme de violence conjugale ?
Les dispositions de droit sur la violence conjugale sont inscrites dans la Protection from Domestic Violence Act 1997. Cette loi ne mentionne pas expressément le viol, mais il est inscrit que la « domestic violence » inclut des actes sexuels forcés. Si une femme fait face à des actes sexuels non consentis par force, menace ou intimidation, elle peut faire la demande d’un « protection order ».

Justement, comment la femme peut-elle se protéger des violences ?
Le « protection order » est une solution immédiate à la violence conjugale. L’époux contre lequel cette mesure légale a été initiée doit arrêter immédiatement tout acte de violence. Il ne pourra plus harceler physiquement, moralement et émotionnellement la victime ni la forcer à avoir des relations sexuelles. À part le « protection order », cette loi prévoit aussi « l’occupation order » pour ordonner à l’agresseur de quitter la maison et « l’ancillary order », qui empêche l’agresseur d’approcher la victime à une certaine distance. Ces ordres de la Cour peuvent durer jusqu’à deux ans.

 

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