La bataille des chiffres entre l’ancien et le nouveau régime concernant la performance économique et financière du pays a marqué les esprits en 2024. D’un point de vue sectoriel, certains défis reviennent avec insistance, influant sur la performance du produit intérieur brut de certains secteurs.
2024 tire à sa fin. L’économie a connu toutes les émotions durant l’année entre le boom économique présenté par l’ancien ministre des Finances Renganaden Padayachy et le tableau noir dressé par le nouveau gouvernement. Le taux de croissance du PIB réel pour 2023 est maintenant estimé à 5,6 %, ce qui est inférieur à l’estimation de septembre pour 2024, qui était de 7 %. Le contraste économique s’est traduit par un premier taux de croissance de 6,5 % pour 2024 et de nouvelles prévisions de 5,1 % pour cette même année.
Dès lors, Sanjay Matadeen, économiste, estime que le bilan économique de cette année ne se fait pas dans des conditions optimales. Pour cause, les économistes se basent sur les informations fournies par le gouvernement et le bureau des statistiques. « C’est la parole de ce gouvernement contre celle de l’ancien régime. Ce sont les mêmes personnes au niveau de Statistics Mauritius qui viennent aujourd’hui publier de nouveaux chiffres. Y a-t-il eu des actions contre ces personnes ? Y a-t-il eu des pressions de la part des deux gouvernements sur ces officiers du gouvernement ? Ils sont protégés par la loi. Le nouveau gouvernement doit pouvoir prouver ce qu’il dit à propos des nouveaux chiffres qui sont publiés », dit d’emblée Sanjay Matadeen.
Maurice n’est pas à l’abri d’un “junk status”. Cela influera sur notre attractivité auprès des investisseurs étrangers.»
D’un point de vue sectoriel, l’économiste fait observer que le secteur touristique a montré des signes de reprise. Le secteur financier s’en sort, mais les secteurs traditionnels sont à la traîne. Le textile traverse des moments difficiles. La différence entre les importations et les exportations ne rétrécit pas et ce n’est pas sans conséquence sur la balance des paiements. « Il y a des indicateurs négatifs comme la dette publique. La roupie est faible », ajoute Sanjay Matadeen.
En effet, entre fin décembre 2014 et fin novembre 2024, la roupie s’est dépréciée d’environ 46 % par rapport au dollar américain. En moyenne annuelle, de 2020 à 2024, la roupie s’est dépréciée de 5,3 % par an.
Toutefois, il convient de rappeler que l’économie mauricienne a franchi l’étape de la pandémie. Cependant, Sanjay Matadeen concède que des mesures adéquates n’ont pas été prises afin de restructurer l’économie et résoudre les problèmes systémiques. Par exemple, le manque de main-d’œuvre et le vieillissement de la population.
Élections
L’année électorale de 2024 a relégué l’économie au second plan. Les surenchères et les promesses ont dominé la vie publique. Les yeux seront désormais rivés sur la prochaine notation de Moody’s pour Maurice. C’est un sujet d’inquiétude, selon Sanjay Matadeen. « Maurice n’est pas à l’abri d’un “junk status”. Cela influera sur notre attractivité auprès des investisseurs étrangers. Il faut donner l’assurance que des mesures correctives ont été prises », dit l’économiste.
Hausse des prix
L’inflation à Maurice a considérablement augmenté durant les dernières années, atteignant un pic de 10,8 % en 2022. Le rapport « State of the economy » publié par le nouveau gouvernement indique que c’est principalement en raison de l’augmentation des prix internationaux et de la dépréciation significative de la roupie par rapport aux principales devises. Le taux d’inflation a progressivement baissé pour atteindre 3,7 % pour la période de douze mois se terminant en novembre 2024, en grande partie en raison de l’effet de base des prix plus élevés des années précédentes. Or, en dépit de la baisse du taux d’inflation, le niveau des prix des biens et des services reste élevé, ce qui érode le pouvoir d’achat de la population. D’octobre 2019 à octobre 2024, les prix de plusieurs produits de base essentiels ont augmenté de manière notable, allant de 10,8 % à 114,4 %.
Dette
Le niveau de la dette brute du secteur public est passé de Rs 238 milliards à la fin de décembre 2014 à Rs 559,1 milliards à la fin de juin 2024. Ce qui représente une augmentation d’environ Rs 32 milliards en moyenne par an durant les dix dernières années. La dette brute du secteur public s’élevait à Rs 559,1 milliards à la fin de juin 2024.
Shamima Mallam-Hassam, présidente du conseil d’administration de Mauritius Finance : «La juridiction mauricienne a perdu en compétitivité»
Il y a des éléments positifs, car la juridiction mauricienne est toujours pertinente pour l’Afrique et l’Inde. Le rapport lancé par Mastercard sur les domiciliations pour les fonds montre que Maurice est la juridiction préférée par rapport à d’autres pays. Cependant, dans l’ensemble, l’année 2024 a été couplée de défis. La juridiction mauricienne a perdu en compétitivité en raison de la bureaucratie, du coût pour faire des affaires et de la lourdeur administrative. Le Business Ready Index publié par la Banque mondiale, en remplacement de l’Ease of Doing Business a classé Maurice à la 19e place alors que le Rwanda figure au 4e rang. Ce ne sont pas des signes positifs pour la juridiction mauricienne.
Challenges
- La « tax uncertainty » avec l’introduction de la Corporate Climate Responsibility (CCR) Levy n’a pas aidé, même si la cause est compréhensible.
- Le traité avec l’Inde et le protocole mis en place cette année a remis en cause un certain nombre de choses et l’axe Maurice-Inde devient incertain.
- Visibilité et atouts.
Ajay Beedassy, président de la SME Chambers : «2024 a été l’une des années les plus difficiles pour les PME»
L’année 2024 a été pire que la pandémie. La covid-19 a été un mal pour un bien, car certaines commandes avaient été redirigées vers Maurice en raison de la fermeture du marché chinois. Au début de l’année 2024, il y avait des commandes pour les PME. Cependant, la profitabilité a été affectée par trois révisions salariales. La promotion pour les exportations des PME n’a pas été à la hauteur. Une autre problématique pour les PME a été l’endettement.
Défis pour les PME
- Réduction mensuelle d’environ 15 000 à 20 000 dollars de ventes en Afrique du Sud.
- Le retard pour faire venir et recruter la main-d’œuvre.
- Le fret a de nouveau augmenté durant les derniers six mois.
Lindsay Morvan, ancien directeur du Mauritius Tourism Authority : «2024 a été une année record pour les recettes et les arrivées touristiques»
Il est indéniable que le secteur touristique a grandement contribué à une reprise de l’économie mauricienne. 2024 a été une année record tant au niveau des recettes touristiques qu’au niveau du nombre de visiteurs. Le secteur est en bonne voie. Il faudrait l’améliorer pour faire encore plus. Il y a eu des avancées concernant la sensibilisation du tourisme durable avec l’apport de la Sustainable Tourism Unit. Il y a eu des collaborations avec le Made in Moris également pour encourager la consommation des produits locaux.
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