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Mare-Chicose en feu - Des habitants des environs : « Nos maisons sont noires de fumée »

Ils sont furieux et désorientés. Que ce soit à Cluny, Banane, Rose-Belle ou Union Park, les habitants ne savent plus quoi faire : la fumée émanant du centre d’enfouissement de Mare-Chicose, depuis le 6 novembre, les importune du matin au soir. À tel point qu’ils affirment que la situation est « pire que la COVID-19 », car pendant la pandémie, il fallait aérer, tandis qu’avec cette fumée et cette odeur, ils sont forcés de tout fermer.

Le président du village de Cluny, qui siège aussi au Conseil de district de Grand-Port (circonscription No 11), a été notre guide du jour. Ajay Khedoo nous fait des appels de phare en voyant le logo du Défi Media Group sur le 4x4. Il faut dire qu’il est plutôt avenant et a ameuté quelques familles, amis et autres passants. « Se Bondie kinn amenn zot dan nou vilaz. Ena nouvo depite kinn vini, me zot pann dir nou nanie, zot pe pran kont selma, me zot bizin tann nou lavwa, kone ki nou vre problem. Nou ki kone, nou ki soufer, zot vini apre aler alor ki Le Défi inn anvi zwenn bann abitan bann vilaz ki afekte par sa problem Mare-Chicose-la e nounn aksepte pou koze. »

Lui, il donne l’impression d’être aimé dans le village de Cluny. Il n’a qu’à passer quelques coups de fil et le tour est joué. « Si mo ti kone zot pe vini, mo ti pou dir zot vini tanto, lerla ou ti pou trouve ki Village Hall ti pou ranpli ek ou ti pou tann nou bann doleans lor Mare-Chicose. M». C’est ce qu’il fait. Dhanral Ramasawmy explique, d’abord, que les camions laissent dans leur sillage leurs odeurs nauséabondes : « Chaque lundi matin, les camions commencent à se diriger vers Mare-Chicose. Tous les détritus de viande, de nourritures du week-end sont entassés dans ces véhicules et cela laisse une odeur à faire vomir quand on prend le thé, c’est dégoutant », lâche-t-il. « Une forte odeur de caoutchouc brûlé nous incommode. Mo prezidan enn lasociasion 3e az e bann manb-la dir ki sa fatig zot. J’ai beau faire des demandes pour trouver une solution, mais rien n’y fait ».

Que ce soit Rugoo Dusanrai, qui veut fonder une famille dans son village de Banane, Sunil Ramnawaz dans sa camionnette ou les autres, ils n’en peuvent plus de respirer cet air suffoquant. Un danger pour eux, leurs enfants et leurs « dadis » et « nanis ».

En quête de solutions

Mare chicose
Ces trois femmes parlent au nom de toutes les femmes qui souffrent des yeux et d’un mal de gorge atroces des villages avoisinants : l’air est devenu irrespirable, selon elles.

Elles s’appellent Deviana Ramahsawmy, Sarya Nurmasing et Srimatee Ram. Cette dernière a 74 ans et habite le village depuis son mariage il y a 59 ans. Elles se plaignent toutes de brûlures aux yeux et à la gorge. « Pou bizin al lopital beta, car mo pa bien depi ki dife inn pran dan Mare-Chicose. Mo ena ti-zanfan, monn vye mwa, mo bann vwazinn pe soufer, gete ki kapav fer pou tegn sa dife-la. Tou banane li pran, pa trouv solision mem ? », dit la vieille dame avec peine.

Un Mobile Health Care réclamé

Mobile
Ce monsieur, très posé, demande que le ministère de la Santé dépêche un ‘Mobile Care Vehicle’ pour les vieux de son village.

Cusima Ramlall est catégorique : « Avan ti deza avoy enn Mobile Health Care pou asiste nou bann grand-dimounn ki ena problem pou al lopital ek pass enn zourne laba. Mo dimann nouvo gouvernman avoy sa ‘mobile’-la fer enn check-up ek nou tou. Ena zanfan ki gagn problem respiratwar, pran nou kont inpe ».

Preety
Preety Fakoo est obligée de porter un masque pour vendre ses épis de maïs pour faire tourner la cuisine.

Preety : « Mo ena 3 zenfan, zot pas bien »

On a rencontré une femme qui avait les yeux tout gonflés et avait une petite table devant chez elle avec du maïs frais à Rs 15 la pièce. Elle portait un masque qui nous rappelle la COVID-19. Pourquoi cet accoutrement madame ? Il fait chaud et cela ne gêne-t-il pas ? Preety Fakoo est fâchée et un tantinet résignée : « Il faut trouver un moyen d’éteindre ce feu.

Je suis obligée de porter un masque comme du temps de la COVID-19. Mo bizin travay, mo vann may divan laport. Impossible de bien respirer, nous sommes obligés de fermer les fenêtres, on ne peut plus nettoyer les allées, tout est crasseux. Nos maisons sont noires de fumée ».

En effet, quand nous lui parlions, le vent soufflait en direction de son village. Suffoquant. Elle continue : « J’ai trois enfants de 12, 7 et 3 ans. Zot pa bien. Gramatin kan mo leve 4h, ena enn briyar epe, li irespirab. Mo dimann nouvo gouvernman ed nu, tegn sa dife-la ki pe touf mo bann zanfan, mo bolom, mo mem ek nou vilaz net ».

Deozee Sadasew  exaspéré

« Nou pa pou kapav deplass Mare-Chicose, ek tou bann milyon kinn investi dan sa proze-la depi boukou banane. Si nou pa kapav fer li, deloz nou, » dira Deozee Sadasew. Mais pour aller où ? Dans une ville ou un autre village  ? « Nou pa pe rod Floréal ou bien bann landrwa sic, pa kapav sak banane, nou viv mem zafer. Si pa kapav bouz Mare-Chicose, bouz nou, rod enn landrwa kot kapav akeyir tou nou bann abitan », nous dit-il avec tout le sérieux voulu.

Cluny et Bananes : de la canne, de la banane et des camions d’ordures

Cluny
Que ce soit à Cluny ou Bananes, les bananeraies ont pignon sur rue. 

Cluny est un long village tranquille. En journée, il n’y a presque pas âme qui vive. Mais tout au long de ce chemin très étroit traversent de gros camions remplis d’ordures. Et quand ils croisent une voiture, même de petite taille, ils roulent carrément sur les trottoirs.

Ajay Khedoo, président du village, raconte : « Dibout divan lakour pa kapav, depi 5h dimatin ou zis trouv kamyon lor kamyon e lorla zot roul vit, met paryaz. Si pa fer atansion, zot baye ou ».

La particularité de ce village est que les champs sont vastes et verts avec de jeunes pousses de canne, car la coupe vient de prendre fin. Mais, ce qui est magnifique est la plantation de bananiers. On y voit des « régimes » pour la plupart presque prêtes, enveloppées dans du sac en plastique bleu pour les protéger des envahisseurs que sont les « condés » et autres « martins ».

Mais, à bien y voir, les habitants n’attendent pas grand-chose de nos élus, ils sont d’une simplicité à faire rougir ceux qui habitent les régions urbaines. Sauf que Mare-Chicose, en période de novembre-décembre lâche sa fumée suffocante dans tout le village. Des années que cela dure et toujours pas de solution, nous dit-on.

Ce qu’ils demandent avec colère, c’est que le gouvernement fraîchement élu entende leurs voix et trouve des moyens de prévention, car Cluny est composé de beaucoup de personnes du 3e âge et de bébés.

Quant au village de Banane, il porte bien son nom, avec des bananeraies partout, sans aucune surveillance. « Ici, on respecte l’autre avant tout. On se connaît tous. Nou kouma enn fami. Nou pa kokin nou fami non ? Nou dimande e nou gagne leker kontan », dit Ajay Khedoo.

Ajay
Le président du village, Ajay Khedoo (à g.), a été notre guide et a ameuté sa petite troupe pour qu’elle dise avec son cœur son désagrément de la situation à Mare-Chicose qui les suffoque.

Faute de pluie, la terre remplace

Des centaines de tonnes de terre ont convergé, à travers de gros camions à bascule, vers Mare-Chicose depuis le 6 novembre. La cause : il ne pleut plus des ficelles depuis un certain temps. Ainsi, le gouvernement sortant et celui en place ont décidé, sur avis d’experts, de tenter d’étouffer l’incendie de ce centre d’enfouissement avec de la terre.
Et si le cyclone qui rôde dans les parages venait chez nous ? « Si ce cyclone apporte de la pluie, ce sera tant mieux. Sinon, avec les rafales, cela va causer des problèmes, le feu sera attisé. » soutient une source à Mare-Chicose. 

 

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