Peut-on organiser une manifestation sans craindre de représailles ? Quelles sont les limites imposées aux manifestations ? Quels sont les pouvoirs des autorités en la matière ? Que disent nos lois sur le sujet ? En cas de débordement, que risquent les manifestants ? Et si les autorités abusent de leurs pouvoirs, quels sont les recours et sanctions possibles ? Éclairage avec Me Shaiya Beechook.
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Qu'est-ce qu’une manifestation ?
- Une manifestation, c’est l’acte d'exprimer publiquement son opinion, point de vue ou son sentiment sur quelque chose.
- Elle peut être faite dans le but de montrer un accord ou un désaccord. Le mot généralement utilisé lorsque l’opinion exprimée vise plutôt à montrer un désaccord est « protestation ».
- Une manifestation peut être menée par un individu ou un groupe de personnes.
- De nos jours, les gens utilisent également les réseaux sociaux pour exprimer leurs opinions à travers des postes.
Point important
« Le droit de rassemblement est un droit fondamental protégé par notre Constitution ».
En quoi consiste la notification au CP ?
La notification doit être en écrit et préciser :
- La date, le lieu, l'heure de début et de fin de la réunion ;
- Si elle a lieu dans les locaux privés de quelqu'un, le consentement écrit de cette personne est nécessaire ;
- Si une procession doit avoir lieu, des détails sur le lieu de départ et la destination sont nécessaires.
- Noms et adresses des organisateurs.
- Il est important de souligner à ce stade que l'obligation des organisateurs se limite à informer / notifier le CP.
- Si le CP interdit ou a l'intention d'imposer des conditions au rassemblement, il doit en informer les organisateurs dans les 48 heures suivant la réception de la notification.
- Il incombe au CP de prouver pourquoi il a interdit le rassemblement.
Que disent nos lois ?
- À Maurice, la loi encadrant les réunions publiques et les infractions commises lors de celles-ci est le Public Gathering Act 1991 (PGA). Notre Code pénal prévoit également certaines provisions pour pénaliser certains actes commis lors des rassemblements illégaux.
- Selon l’article 3 de la PGA, les organisateurs d’un rassemblement public ou une procession publique doivent notifier en écrit, le commissaire de police (CP), sept jours avant la date prévue du rassemblement. Ce dernier est défini comme ayant 12 personnes ou plus.
- L'obligation de notification s'applique lorsqu'un groupe compte 12 personnes ou plus.
- Si le groupe est composé de moins de 12 personnes, il n'est pas nécessaire de notifier le CP.
La sanction
En cas de violation de l’article 3 de la PGA, la personne encourt une amende ne dépassant pas Rs 25 000 et une peine d'emprisonnement maximale de quatre ans.
Point à retenir
« En vertu de l’article 8 du Public Gathering Act, il existe également une restriction sur les rassemblements publics ou d’organiser une réunion publique ou une procession à Port-Louis le jour où l'Assemblée nationale se réunit et siège, à moins que l'autorisation écrite du CP ne soit reçue »
S'il y a abus des autorités, quels sont les recours d’un manifestant ?
En cas d'abus de la part des autorités, notamment de la police, le manifestant peut porter plainte auprès de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC).
Les limites d’une manifestation
Il est important de faire la distinction entre un rassemblement légal et illégal. Si un rassemblement légal a lieu, il est interdit sous la PGA de :
- Détenir une arme offensive lors d'un rassemblement public
- Se comporter de manière inappropriée lors d’un rassemblement public
- Agir de manière à perturber un rassemblement public légal ou à inciter d’autres personnes à perturber le rassemblement public
- Inciter d’autres personnes à agir de manière violente, c’est-à-dire à commettre une agression ou à causer des dommages matériels
Quand est-ce qu’une manifestation est jugée illégale ?
Une manifestation est considérée comme illégale à Maurice en vertu de l’article 139(2) du Code pénal :
- Lorsque deux personnes ou plus se rassemblent dans l’intention de commettre une infraction
- Ou si l’intention est bonne, mais que les participants se conduisent de manière à provoquer une rupture de la paix ou atteinte à l’ordre public,
Selon la PGA :
- si un avis de rassemblement public n'est pas donné au CP conformément à l'article 3 de la PGA ;
- ou si le CP a interdit le rassemblement pour des raisons protection publiques, mais les organisateurs continuent à le faire.
Les droits d’un manifestant
- L'article 13 de notre Constitution protège la liberté de réunion et d'association des citoyens de l'île Maurice.
- Il stipule que nul ne peut se voir refuser le droit de se réunir librement et de s'associer avec d'autres personnes, de former des syndicats ou d'autres associations pour la protection de ses intérêts.
- Le droit de manifester est un droit fondamental protégé par notre constitution.
Point à retenir
Une procession publique, selon la PGA, peut se dérouler dans un lieu public, à pied ou en véhicule avec 12 personnes ou plus après avoir notifié le CP. La tenue d'une procession à des fins religieuses, d'un mariage ou d'un enterrement, n'est pas considérée comme une procession publique, donc aucune notification, n’est nécessaire pour ces raisons.
Une manifestation pacifique
- Une manifestation pacifique est un rassemblement public qui exprime un mécontentement à l'égard d'une question, d'une politique ou d'un individu en particulier, mais dans des mesures calmes.
- Contrairement aux émeutes, les manifestations pacifiques sont des marches, des rassemblements, des « sit-in » et aussi des grèves de la faim.
- Les manifestants peuvent porter des pancartes, scander des slogans ou prononcer des discours pour transmettre leur message.
- L'objectif d'une manifestation pacifique est généralement de sensibiliser, d'exercer une pression et de promouvoir le changement sans recourir à la violence.
Quel est le rôle des autorités en cas d’une manifestation ?
- Le rôle des autorités est crucial lors d'une manifestation.
- Il consiste notamment à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le maintien de l'ordre public, la sécurité du public et le respect des ordres du commissaire de police.
- En cas de rassemblement illégal, les autorités ont le pouvoir d'arrêter, de disperser, de prendre les mesures nécessaires pour interdire l'accès et empêcher les personnes de participer au rassemblement
- Les autorités peuvent aussi procéder à une arrestation lorsqu’elles ont des raisons de soupçonner qu'une personne a commis ou est sur le point de commettre une infraction qui mettra en danger la sécurité ou l'ordre public.
Que dit la loi s'il y a eu violence envers les manifestants ?
- Les sections pertinentes relatives aux infractions commises par des agents publics, selon notre Code pénal, comme l'abus d’autorité, la torture, la détention arbitraire par un agent public, entre autres, pourraient être applicables.
- S’il y a eu des actes de violence entre manifestants, les provisions relatives aux atteintes à la personne de notre Code pénal s’appliqueraient, par exemple le délit d’agression, insulte, entre autres
Qu'encourt la personne qui participe à une manifestation illégale ?
- Notre Code pénal prévoit aussi quelques articles applicables aux rassemblements illégaux et aux infractions commises lors des rassemblements illégaux.
- Ainsi toute personne participant à un rassemblement illégal selon notre Code pénal est passible d'une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d'une peine d'emprisonnement n’excédant pas cinq ans.
En cas d’émeute
- Une émeute est un rassemblement illégal impliquant un groupe de personnes agissant violemment dans le but de provoquer des troubles publics.
- La participation à une émeute est une infraction passible d'une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas 10 ans (l’article 143 Code criminel).
Possession d’une arme offensive
Toute personne trouvée avec une arme offensive lors d'un rassemblement illégal risque une amende allant jusqu'à Rs 100 000 et une peine de prison pouvant atteindre dix ans.
Dommages aux biens d’autrui et l’État
- En ce qui concerne les dommages des biens d’autrui ou de l’État, la personne peut être poursuivie en vertu de la partie II du Code pénal : Infractions contre les biens (« Offences against Property »).
- Par exemple, pour avoir endommagé des biens publics, une entreprise privée ou un véhicule, la personne peut être passible une amende ne dépassant pas Rs 25 000 et une peine d’emprisonnement maximale de 20 ans.
Ces observations
- Le droit de rassemblement pour des manifestations est un droit démocratique et constitutionnel. Il est essentiel de veiller à ce que ce droit soit protégé.
- Maurice est signataire des accords internationaux qui défendent le droit de manifester, comme l’International Covenant on Civil and Political Rights, qui reconnaît le droit de réunion pacifique.
- Des restrictions sont autorisées uniquement dans des conditions juridiques strictes, notamment l’intérêt de la sécurité publique, de l’ordre ou des droits d’autrui et aussi le 1981 African Charter on Human and People’s Rights.
- Les engagements de l’île Maurice dans le cadre de ces accords visent à protéger les rassemblements pacifiques.
- Ces cadres juridiques sont conçus pour garantir que les citoyens puissent exprimer leurs opinions sans peur et sans crainte de représailles.
- Les trois piliers de notre République, à savoir le parlement, le judiciaire et l’exécutif, doivent assumer chacun leur rôle pour préserver notre démocratie. Il est également important que les branches de l’exécutif, tel que la force policière, n’aillent pas au-delà de leurs pouvoirs pour créer un état de peur pour décourager les gens de participer à des manifestations qui est un droit constitutionnel.
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