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Lindsey Collen de Lalit sur Diego Garcia : « Le ‘deal’ que l’ex-PM a commencé à négocier était un troc »

Le franc-parler de Lindsey Collen de Lalit fait d’elle une observatrice très pointue de la géopolitique. Et concernant les Chagos et Diego Garcia, le deal de l’ex-PM était, pour elle, un ‘barter system’ politique, au détriment du pays.

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Pourquoi Navin Ramgoolam a-t-il exprimé des réserves pendant la campagne électorale quand Pravind Jugnauth a brandi l’accord entre Maurice et le Royaume-Uni par rapport aux Chagos et à Diego Garcia ? 

Peut-être que le Premier ministre Navin Ramgoolam se rend compte du danger de négocier la souveraineté quand on l’a remportée. C’est un résultat juridique devant la Cour internationale de justice et politique, par un vote éliminatoire contre les États-Unis et le Royaume-Uni devant l’Assemblée générale des Nations unies. J’espère que lui et son émissaire, le procureur général Gavin Glover, qui se trouve à Londres pour des « négociations », se rendent compte de ce danger. Shakeel Mohamed, avant les élections, avait souligné « l’illégalité » constitutionnelle du traité envisagé et il avait raison. 

La victoire remportée par Maurice devant les Nations unies signifie que le pays a été illégalement occupé par le Royaume-Uni et les États-Unis pendant 57 ans, et que des réparations sont donc dues à la République. De plus, des réparations sont dues à tous les Chagossiens et à leurs descendants parce qu’ils ont été déplacés. Ce qui est contraire au droit international et constitue un crime contre l’humanité. Ainsi, le « deal » que Pravind Jugnauth a commencé à négocier est un troc. La République de Maurice troque sa souveraineté contre de l’argent qui lui est dû à titre de réparations pour une occupation illégale de 57 ans. 

Le nouveau Premier ministre a demandé que l’accord de Diego soit revu, car il ne connaissait pas tous les détails…

Ces négociations étant « secrètes », elles se sont déroulées dans le dos de tout le monde, et même dans celui de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une répétition de ce que le Premier ministre britannique Harold Wilson avait fait à Sir Seewoosagur Ramgoolam dans les années 60. 

Ce sera la première fois qu’un dirigeant mauricien « vann Diego », pour reprendre le slogan, si le Premier ministre va de l’avant avec le traité décrit dans la courte déclaration commune de l’année dernière. Nous demandons au Premier ministre Navin Ramgoolam de rendre toutes les négociations publiques. Il devrait révéler tous les détails devant l’Assemblée nationale dès que possible. 

Les Chagos doivent constituer une nouvelle circonscription avec deux députés

Diego Garcia doit-elle être louée ? 

Non, il ne faut pas louer Diego Garcia. Elle doit être intégrée à la République de Maurice et la base militaire qui s’y trouve doit être fermée, nettoyée et convertie en infrastructures civiles à l’usage de la République de Maurice. Les Chagos doivent constituer une nouvelle circonscription avec deux députés. Et une assemblée régionale doit être créée, comme c’est le cas à Rodrigues. Il s’agira d’un contrôle démocratique ordinaire. Ce qui inversera l’occupation militaire coloniale. Nous devons, au lieu de la « légaliser », nous appuyer sur le principe de l’intégrité territoriale et obtenir la fermeture pure et simple de la base. 

C’est un bail de 99 ans…

Oui, c’est ridicule. Au pire, il était de 50 ans, puis réduit à 20 ans. Aujourd’hui, l’occupation est fixée à 99 ans, renouvelables, s’il vous plaît. 

Le nouveau Premier ministre britannique est favorable à l’octroi d’une tranche initiale couvrant plusieurs années de paiements de couverture…

Il s’agit d’un pot-de-vin initial. Après avoir terrifié le nouveau gouvernement en lui faisant croire que l’économie mauricienne allait s’effondrer, l’équipe américano-britannique pense qu’elle peut simplement distribuer de l’argent. Nous ne pouvons qu’appeler l’argent offert par son vrai nom, celui de la mafia : « l’argent du sang ». Compte tenu des dangers de la base militaire américaine et de l’histoire des guerres illégales, des guerres sales, des guerres sanguinaires et du financement actuel d’un génocide par les États-Unis...

Le loyer annuel est estimé à plus de 90 millions de livres sterling. Le jackpot pour nous ? 

Personne n’a encore confirmé les chiffres. La presse de droite au Royaume-Uni semble publier un chiffre, puis l’abaisser à zéro la semaine suivante. Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas que le Royaume-Uni et les États-Unis doivent des réparations à la République de Maurice pour six décennies d’occupation illégale et aux Chagossiens, pour leurs déplacements forcés. 

Il est quelque peu frivole de considérer qu’il s’agit d’un « jackpot ». Il servira aux États-Unis à déclarer des guerres de toutes sortes, sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle, et à attaquer les pays qui nous ont soutenus devant l’Assemblée générale des Nations unies. Aujourd’hui, nous abandonnons nos véritables alliés et, en échange de l’argent qui nous est de toute façon dû, nous prenons nos distances de tous les pays qui nous ont soutenus.

Nous parlons de location, mais qu’en est-il des autochtones, de leur relogement ? 

Il y a des Chagossiens qui veulent rentrer chez eux. D’autres veulent être libres de visiter et de retourner ensuite où ils vivent actuellement - à Crawley, à Pointe-aux-Sables ou ailleurs. Tous les Mauriciens ont également le droit de circuler librement, dans la République. 

Qu’en est-il des autochtones qui ne sont plus de ce monde ? Les héritiers directs doivent-ils avoir droit à une compensation ? 

Bien sûr. C’est un dû. Tout comme les réparations à l’État de Maurice pour l’occupation illégale pendant 57 ans.

Pourrions-nous manger à la table des Chagossiens de souche pour réaliser nos budgets nationaux qui les concernent au premier chef ? 

Les Chagossiens sont aussi des Mauriciens. C’est le droit international. Ce n’est plus seulement Lalit qui le dit. La Cour internationale de justice l’indique clairement. C’est là que l’ancien « Plan B » du Royaume-Uni a échoué. Ils pensaient que les Chagossiens étaient peu nombreux et qu’ils pouvaient donc être « achetés » par des passeports britanniques et d’autres incitations financières, puis organiser un « référendum ». Mais le référendum autorisé par le droit international concerne le « peuple » de la colonie de Maurice de l’époque, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, tous les Mauriciens doivent voter. Les Mauriciens ne vont pas voter pour démanteler le pays.

Le Premier ministre britannique est confronté à une forte opposition qui l’accuse de « vendre » le Royaume-Uni et de faire payer ce bail aux contribuables. Qu’en pensez-vous ? 

Ces hommes politiques de droite et d’extrême droite sont principalement des personnes atteintes du syndrome de la « nostalgie coloniale ». Ils veulent que l’« empire » soit « prolongé ».

Et ils s’inquiètent de voir les îles Malouines, les îles Falkland et Gibraltar suivre le même chemin. Cette aile droite et extrême droite du Royaume-Uni s’allie à certaines droites des États-Unis qui prétendent parler au nom de Donald Trump. Nous pouvons deviner que Trump pourrait vouloir ou prétendre vouloir « acheter » n’importe quel pays dans le monde - s’il veut annexer le Canada, envahir le Panama et le Groenland. Ce sont les signes d’un empire en déclin, d’un empire sur le point de s’effondrer. Je parle de l’empire américain, qui s’affaiblit à mesure que les nouveaux géants économiques de l’est se renforcent. La République de Maurice doit éviter de s’allier à cet empire occidental moribond. Les empires mourants sont dangereux.

Depuis que Diego Garcia est occupé par les États-Unis, celui-ci paie un loyer au Royaume-Uni, qui s’est enrichi sur le dos de Maurice. Ce sera encore le cas, devons-nous leur demander des comptes sur le plan financier ? 

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont tous deux occupé illégalement notre territoire. Bien entendu, ils doivent des réparations colossales. Nous ne devons pas « négocier » l’abandon de notre souveraineté pour obtenir ces réparations. Nous devons les exiger et rester fidèles à nos principes jusqu’à ce que nous les obtenions. 

Nous ne devons pas « négocier » l’abandon de notre souveraineté pour obtenir ces réparations

Il y a eu une guerre des clans entre le groupe d’Olivier Bancoult et celui qui réclame que l’ensemble des Chagos reste britannique…

Le groupe des Réfugiés Chagos est un groupe élu au pouvoir, qui contrôle le Fonds fiduciaire pour les Chagossiens. Il représente la plupart des Chagossiens. Dans le passé, un autre groupe, le Groupe social chagossien, était au pouvoir. Il était dirigé par Fernand Mandarin et Hervé Lassemillante. En revanche, beaucoup de ceux qui se trouvent au Royaume-Uni - sans compter un couple enfermé pour fraude - sont des personnes pour lesquelles le Royaume-Uni a dépensé des millions. C’était pour essayer de consolider une « identité » chagossienne par opposition à une « identité mauricienne ». Mais le Royaume-Uni ne peut pas contourner le droit international sur la décolonisation, comme nous l’avons mentionné plus haut.

Ces jeunes sont de la troisième génération, est-il normal qu’ils se disent plus britanniques que britanniques ? 

Les gens peuvent s’appeler comme ils veulent. En général, lorsque les gens vivent dans un endroit, ils y obtiennent naturellement des droits démocratiques.

Quelle est la position de Lalit sur la question de la location de Diego Garcia pour 99 ans ? 

Lalit est opposé à ce que Diego Garcia soit loué. Nous demandons au gouvernement mauricien de fixer un « calendrier » pour la fermeture de la base militaire et le nettoyage. En tant que parti, nous demandons une fermeture immédiate. Les États-Unis possèdent environ 800 bases militaires à l’extérieur de leurs frontières. Elles doivent toutes être fermées. Elles sont la forme actuelle de la « colonisation » et, en tant que telles, elles sont oppressives et antidémocratiques. En outre, elles polluent les mers et l’air et représentent un danger - je veux parler de la guerre nucléaire. 

Si nous louons Diego Garcia, est-ce la fin de la non-militarisation de l’océan Indien ? 

L’océan Indien est aujourd’hui complètement militarisé - et il faut inverser cette tendance, en commençant par la fermeture de la base militaire américaine de Diego. Car l’Inde et le Pakistan sont des puissances nucléaires. Nous devons nous efforcer de fermer tous les ports aux navires militaires et tous les aéroports aux avions militaires. Nous sommes en faveur de la négociation pour le désarmement mondial. 

Avec l’arrivée prochaine de Donald Trump, qu’arrivera-t-il à Diego Garcia ? 

La politique étrangère de Donald Trump présente deux aspects contradictoires : c’est un « homme fort » qui aime dominer. Mais il méprise ce qu’il appelle à juste titre « les guerres éternelles ». Or, lorsqu’un empire s’étiole, comme c’est le cas pour l’empire américain, c’est sa chute économique qui entraînera sa fin. Souvent, la « surenchère » militaire quand un empire se croit plus fort qu’il ne l’est en réalité l’entraîne dans sa chute. Il n’est donc pas possible de prédire comment les USA tomberont. Mais ils tomberont…
 

 

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