L’analyste politique et économique qu’est Lindsay Rivière brosse un tableau plutôt sombre du MMM, surtout après l’hécatombe que le parti a connu. Mais, lors des prochaines législatives, les mauves pourraient être une épine dans les pieds du MSM et le faire perdre. Juste pour se venger.
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La marmite politique est en ébullition…
C’était à prévoir. Nous ne sommes plus loin de la dissolution automatique du Parlement. L’annulation probable de l’élection partielle au no 7 va lancer la campagne pour les élections en décembre. La machine politique s’emballe donc.
C’est maintenant la saison des alliances. Le profil des accords électoraux se dessine, de même que se précise la perspective d’une lutte entre trois blocs ou plus. En gros, le MMM semble de plus en plus déterminé à aller seul, en refusant tout accord avec le MSM. Le MSM, tout en continuant à négocier avec un PMSD réticent, semble se préparer à aller avec seulement une alliance de tous les dissidents MMM (ML d’Ivan Collendavelloo, MP d’Alan Ganoo et PM de Steven Obeegadoo). Enfin, le PTr continue de négocier avec le PMSD et le MP, mais envisage aussi d’aller seul.
Le MMM a perdu quelques-uns de ses fidèles lieutenants. Était-ce prévisible ?
Oui, dans la mesure où, alors que rien ne l’y obligeait, il a publié 4 à 7 mois avant les élections sa liste presque définitive de candidats. Ce n’était pas très malin. Pour chaque candidature confirmée, il y a maintenant au MMM 10 frustrés et dissidents potentiels, surtout ceux qui n’ont pas eu de tickets après avoir longtemps labouré des circonscriptions.
Par ailleurs, le refus de la direction du MMM de considérer toute alliance avec le MSM a rendu très nerveux les militants devant affronter les élections en milieu rural, où le MMM n’a pas d’assises importantes et ne peut espérer faire élire ses candidats qu’avec un accord avec le MSM ou le PTr. Il y a, au MMM depuis 2005, une grande fatigue de constater que le parti est condamné à l’opposition. Si certains demeurent solides dans leur engagement, d’autres en ont assez et ont envie d’agir ou de jouir. Il faut s’attendre à d’autres départs. Le MMM ne peut que serrer les dents et laisser partir ceux qui veulent partir. Les messages envoyés par ces divers départs sont très mauvais pour le MMM.
Ces transfuges pourront-ils survivre hors du MMM ?
Ils feront, sans doute, comme tous les autres avant eux. Le MSM leur fera de la place et les casera probablement ici ou là. Survivre est rarement un problème pour les transfuges à Maurice…
Parmi les démissionnaires de cette semaine se trouvent des candidats désignés du MMM aux élections. C’est une première en politique ?
Oui, et c’est ce qui blesse, embarrasse et désole le plus le MMM. On peut donc comprendre la grande colère et la déception de Bérenger et du MMM, car le plus grave dans toute cette affaire, c’est que cela introduit un gros doute envers la liste des autres candidats MMM. Si c’est arrivé une fois, qui dit que ça n’arrivera pas encore, avec d’autres candidats, demain ou après-demain ? à qui donc se fier ? Le MMM doit d’urgence mettre en place des méthodes de screening extrêmement rigoureuses, avant d’accorder des investitures pour les élections qui arrivent. En désignant ses candidats, le MMM engage sa crédibilité auprès des électeurs.
Le MSM pioche dans le réservoir du MMM. Est-ce que cela ne va pas causer des remous au sein du parti avec ceux présents déjà ?
La décision du MSM de venir piquer des candidats MMM désignés est une véritable déclaration de guerre au MMM et élimine, sans doute définitivement, toute chance d’un rapprochement MSM-MMM avant et même après les élections. Cela au cas où un MSM sans majorité claire aurait besoin du MMM pour former un gouvernement. Parler de remous est donc un understatement : le MMM est vert de rage et d’indignation. C’est un véritable coup de poignard du MSM dans le dos du MMM, qui ne le lui pardonnera certainement pas.
Dans une lutte à trois, quelle serait l’issue probable ?
Nous sommes très loin encore de pouvoir juger d’un rapport de forces entre PTr, MMM et MSM. Ce qui est sûr, c’est qu’un three-cornered fight augmente les chances qu’il n’y ait pas de majorité claire, en sièges et en voix, alors qu’une lute entre deux blocs donne l’assurance d’une majorité parlementaire. Sur 11 élections depuis l’Indépendance, une seule fois a-t-on vu un three-cornered fight (1976) et cela a été un désastre absolu, avec un gouvernement travailliste ultra-fragile, une majorité incertaine, des dévaluations et des chantages infects au quotidien contre SSR.
Allons-nous vers une alliance post-électorale PTr-MMM ?
Encore une fois, nous sommes très, très loin d’avoir à évoquer ce scénario. Beaucoup de choses arriveront d’ici les élections et rien ne dit d’ailleurs qu’il n’y aura pas une nette victoire d’un seul parti pouvant former un gouvernement. C’est pendant la dernière semaine d’une campagne que l’électorat se décide vraiment à Maurice.
Toutefois, à voir les événements actuels, on peut déjà constater que le MMM en a plus sur le cœur contre le MSM que contre le Parti Travailliste. S’il devait être en position d’arbitre, il ne faut pas être sorcier pour prédire que le MMM voudra d’abord régler tous ses comptes avec le MSM. Par ailleurs, dès maintenant, le MMM pourrait ne pas gagner les élections, mais certainement faire le MSM perdre ces élections !
Le MSM compte essentiellement sur son électorat traditionnel, alors que le PTr a l’avantage de pouvoir compter aussi sur une autre tranche de la population, même si le MSM présente Ahmad Jeewah comme président…
Il ne faut pas trop simplifier la situation. Toutes les communautés sont divisées électoralement, mais il est objectivement vrai que le PTr a, outre son électorat traditionnel, des renforts importants en milieu musulman. Mais le MSM sait cela. C’est pourquoi Pravind Jugnauth multiplie les initiatives en direction de la « population générale » et du milieu musulman, pour faire du MSM un parti plus national. Tout en étant réaliste, il faut cesser de ne voir les élections qu’à travers les rapports de forces ethniques. Maurice a énormément changé.
Le PMSD, le ML et le MP ne compteraient donc que pour du beurre aux élections ?
Ils comptent, certes, mais ils seront essentiellement des partis d’appoint, pas des acteurs de premier rang.
Le MMM a changé son fusil d’épaule, en alignant davantage de créoles dans certaines circonscriptions. Un forcing de dernière minute ?
C’est un fait nouveau. Mais cette augmentation n’est que marginale (deux candidatures), dans des localités précises où autrefois, il y avait de nombreuses candidatures non-hindoues et, enfin, pour tenir compte des évolutions démographiques.
Paul Bérenger a toujours dit être contre les dynasties, mais Johanna Bérenger sera candidate au no 16. Paradoxe ?
On voit souvent des enfants s’engager professionnellement ou dans d’autres domaines dans des sentiers pris par leurs parents, y compris en politique. Voyez l’Inde (les Gandhi), le Canada (les Trudeau), les États-Unis (Kennedy, Bush), la France (de Gaulle), la Grande-Bretagne (Churchill), le Kenya, etc. Notre pays ne fait pas exception. Si Johanna veut faire de la politique et servir, doit-on l’en empêcher juste parce qu’elle s’appelle Bérenger ? Elle est en politique depuis 2010. D’aileurs, je l’ai entendue sur Radio Plus mardi. Elle n’a pas sa langue dans sa poche et a assez impressionné par sa fraîcheur. Quant à être leadership material pour le MMM, ça c’est une autre histoire. Elle a encore à apprendre et à faire ses preuves. On en reparlera donc dans 5 ou 10 ans.
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