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Lindsay Rivière : «Pravind Jugnauth a sous-estimé la frustration populaire» 

« Le gouvernement dirigé par le tandem Ramgoolam/Bérenger est là pour durer. Tous les membres du gouvernement auront un rôle à jouer afin d’assurer sa pérennité », a affirmé Lindsay Rivière, observateur politique. C’était lors de l’émission « Raz-de-marée électoral : le jour d’après » animée par Nawaz Noorbux. 

RÉVOLTE POPULAIRE 

« Cela a été un mouvement historique et impressionnant que l’on retrouve pour la troisième fois depuis l’Indépendance », a déclaré Lindsay Rivière. Selon lui, tout le monde pensait au début de la campagne que la bataille électorale serait plus serrée. Cependant, au fil de la campagne, un changement s’est opéré avec une accumulation de frustrations qui s’est exprimée. Paul Bérenger, fin tacticien, a même prédit un raz-de-marée, ce qui s’est finalement concrétisé. « Ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu une grande communion entre le peuple et l’opposition pour diverses raisons », a-t-il ajouté. Un mouvement de colère et de frustration, exacerbé par les « Moustass Leaks », a révélé la profondeur de la crise en politique mauricienne, appelant à un sursaut citoyen. 

Lindsay Rivière a également souligné une communion extraordinaire avec le peuple, une discipline de vote inédite et une volonté de renverser un régime qui ne répondait plus aux aspirations des Mauriciens. Selon lui, deux facteurs ont été déterminants lors de ces élections : la gouvernance et le programme politique proposé. Finalement, c’est la gouvernance qui a été décisive. Il y a eu également un non-respect des contre-pouvoirs, du Parlement, de la presse, et du judiciaire, souligne-t-il. Le clanisme et le copinage ont aussi joué, « ki dimoun pa kontan ditou ». Tout cela a poussé la population à rejeter le modèle de gouvernance en place. Les « Moustass Leaks » ont confirmé les soupçons du peuple sur ce qui se passait dans les coulisses du pouvoir, selon Lindsay Rivière. Cela a alimenté un mouvement de frustration et de colère, permettant à l’Alliance du Changement de remporter près des deux tiers du suffrage, avec le gouvernement sortant relégué à 27 % des voix. 

LEÇONS À TIRER

« Pravind Jugnauth doit d’abord reconnaître que la direction qu’il a donnée au pays n’était pas en accord avec les aspirations de la nation mauricienne », a affirmé Lindsay Rivière. Selon lui, la culture politique mauricienne s’est construite autour de principes démocratiques légués par le régime colonial britannique, notamment la tolérance et le fair-play. Pour l’observateur politique, « Pravind Jugnauth a sous-estimé la frustration populaire et s’est éloigné du modèle démocratique mauricien ». Il a rappelé que le pays avait glissé vers un modèle plus autoritaire, proche de certains régimes sud-américains ou asiatiques. « Pravind Jugnauth et son équipe ont mal jugé l’humeur de la population. Ils étaient enfermés dans une bulle, reproduisant leurs propres mensonges sans écouter le peuple », ajoute-t-il. 

Selon Lindsay Rivière, la grande leçon à retenir est qu’il faut rester à l’écoute des citoyens. « Un gouvernement ne peut se comporter comme s’il avait 70 % des voix quand il n’en a obtenu que 37 % en 2019 » a-t-il souligné. Depuis l’avènement du gouvernement MSM en 2014, une déclaration de l’ex-ministre Anil Gayan a retenu son attention : «Government is Government, Government decide ». Ce qui laissait entrevoir une certaine intolérance et un autoritarisme qui se sont accrus selon lui. « Il faut absolument revenir à une certaine normalité démocratique », a-t-il déclaré.
 
DÉFIS À RELEVER 

Restaurer la normalité démocratique est crucial pour permettre au Parlement de fonctionner avec un Speaker respectueux des normes selon lui. « Il faut redonner au Parlement ses lettres de noblesse et restaurer le fonctionnement des institutions comme prévu par la Constitution », a insisté Lindsay Rivière. 

Les défis économiques sont également nombreux, car la situation financière est préoccupante selon lui. Les 60-0 obtenus par le gouvernement peuvent entraîner des tensions au sein de l’alliance du Changement, car il n’y a pas de réelle opposition. « Avec un gouvernement de 26 ministres et 10 PPS, les back-benchers auront un rôle de garde-fou important, posant des questions pertinentes sans être des béni oui-oui, » a-t-il fait comprendre. Il estime que c’est Joe Lesjongard, en tant que leader de l’opposition, avec Adrien Duval, incarneront l’opposition face au gouvernement, après la désignation des députés correctifs, selon Lindsay Rivière. Il souligne aussi que la presse peut jouer un rôle de contre-pouvoir en réclamant plus de liberté et un Freedom of Information Act. 

Selon Lindsay Rivière, le tandem Ramgoolam/ Bérengers aura maintenir une discipline au sein du gouvernement pour éviter les conflits internes. «Chacun aura son rôle à jouer », conclut-il.
 

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