‘Les premiers musulmans de l’île Maurice’, le documentaire d’Ajmal Bhoyroo, qui retrace les circonstances dans lesquelles les premiers musulmans sont arrivés à Maurice, a été lancé le 5 octobre au Centre Culturel Islamique. Le CD a bénéficie de plusieurs sponsors, parmi lesquels la Mauritius Film Development Film Corporation (MFDC) et Le Défi Media Group.
« La réalisation de ce film n’était pas ma priorité, raconte Ajmal Bhoyroo. Je m’étais inscrit pour le festival de Court métrage de la MFDC pour un autre projet. Durant mes recherches, je suis tombé sur le livre d’Assad Bhuglah consacré à la vie du docteur Idrice Goomany, ça a été un déclic pour moi. » A partir de là, il va d’abord se mettre en contact avec Assad Bhuglah pour se documenter, puis réfléchir à des points saillants de la première immigration musulmane à Maurice.
On les appelait déjà les ‘lascars’, ces marins et constructeurs de péniches auxquels Mahé de Labourdonnais fit appel pour son grand projet d’infrastructures a Port-Louis. Aujourd’hui encore, on mesure le génie du gouverneur français grâce a la construction d’un réseau de canalisations qui conduisent toutes à la mer. Mais sans cette main-d’œuvre, provenant du Sud de l’Inde, des communautés d’esclaves musulmanes du littoral-est de l’Afrique, ces grands travaux n’auraient jamais vu le jour. Pourquoi avoir fait appel aux musulmans de l’Inde ? Tout simplement parce que ces derniers faisaient partie des troupes de l’empereur turc Tippu Sultan, qui avait envahi l’Inde et qui s’était battu aux cotés des Français contre les Britanniques. Mais par-dessus tout, c’est à cause de leur habilité comme constructeurs que Mahé de Labourdonnais avait besoin d’eux.
Au nom du Code Noir
À Port-Louis, ils contribuaient surtout à la construction des navires et des ouvrages en bois. Si les Français reconnurent leur qualité professionnelle, ils ne leur accordèrent, cependant, aucun lieu de culte au nom du Code noir. Toutefois, ces ‘Lascars’ ne se révoltèrent guère, car ils placèrent leur patience entre les mains de leur ‘créateur’. Une attente qui finit par payer lorsque l’administration française décida de leur trouver un lieu de culte à la rue Pagoda qui, comme son nom l’indique, abritait une pagode.
Au moment où Maurice célèbre ses 50 ans d’indépendance, le lancement de ce dvd, fait valoir Assad Bhuglah, est l’occasion de rappeler la découverte de l’île par les Arabes, les endroits qui portent leurs noms mais aussi l’apport des musulmans au développement de l’ile. Un film qui a valeur de repère pour ces ‘lascars’ venus du Yémen, de Zanzibar ou de Madagascar, car à l’époque, le commerce favorisait aussi bien l’échange des biens que le mouvement des individus.
Après le passage des Arabes en 1157, qui donnèrent le nom de Dinarobin à Maurice, il faudra attendre la colonisation française pour assister à l’implantation de la première communauté musulmane à Maurice. Celle-ci s’installera au lieu dit Camp des Lascars, raconte le ministre de la Santé, Anwar Husnoo. Mais la plus importante immigration de musulmans survient durant l’‘engagisme’ en 1932, durant lequel ces derniers, comme d’autres communautés indiennes issues de l’Est de l’Inde, seront employés dans les champs de canne. La dernière vague est, elle, constituée de commerçants gujratis, appellés ‘surtees’, du nom de la ville portuaire de Surat.
L’apparition de la première mosquée, en 1805, rendue possible grâce aux services rendus par les musulmans aux Français en Inde, est l’aboutissement d’une 3e pétition adressée à l’administration française à Maurice et réclamant un lieu de culte pour les Musulmans.
L’histoire qui a eu une influence majeure sur Ajmal Bhoyroo a été la vie dramatique du Dr Idrice Goomany, racontée par Assad Bhuglah. Il décrit le courage d’un jeune médecin, le premier dans sa communauté, formé en Écosse et, de retour à Maurice, se voua au traitement des malades dont aucun de ses confrères ne voulait s’occuper. Il y laissera sa vie après avoir été contaminé. C’est sans doute aussi à ce jeune médecin, tout juste rappelé au souvenir national par le nom d’un centre de réhabilitation, que le film d’Ajmal Bhoyroo doit aussi être dédié.
Ajmal Bhoyroo : «C’était assez sensible car il fallait restituer avec exactitude les dates»
Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la présence des premiers musulmans à Maurice ?
De manière tout à fait fortuite. Je me documentais pour participer à un concours lorsque je suis tombé sur l’histoire des musulmans à Maurice. Ça a été le déclic, j’ai laissé tomber le projet et je me suis investi dans des recherches, car je n’avais aucune piste pour commencer.
Pourquoi cette histoire vous a-t-elle fasciné ?
Je voulais comprendre comment les musulmans sont arrivés à Maurice, qui étaient-ils et comment ils ont pu surmonter les obstacles. La première difficulté a été de mettre la main sur la documentation, et c’est là que la collaboration d’Assad Bhuglah a été déterminante. A chaque fois que j’ai eu besoin de lui, il a toujours été présent. C’était assez sensible car il fallait restituer avec exactitude les dates, les faits historiques. Puis, la MFDC, grâce au Film Rebate Scheme a été d’un apport financier très important.
Combien a couté le projet ?
Je n’ai pas le chiffre exact. À mon niveau, j’ai dépensé Rs 1,3 million. Les effets spéciaux VFX coutent chère, sans oublier les déplacements sur les lieux de tournage, le cachet pour certains artistes.
Quel sera votre prochain projet ?
Ce sera un documentaire consacré à Manilall Doctor qui, il faut le rappeler, était venu à Maurice à la demande du Mahatma Gandhi pour défendre les travailleurs engagés. Comme ce dernier, il était avocat de profession et c’est aussi à ce titre que son combat m’intéresse. Comme pour ma recherche sur les premiers musulmans à Maurice, ce documentaire nécessitera beaucoup de recherches.
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