Le cas de Rowena Raffin met en lumière une réalité souvent ignorée. C’est celle des jeunes qui se retrouvent avec un enfant sur les bras, sans avoir la maturité pour assumer le rôle de parents. Ces jeunes, en pleine construction de leur identité, sont confrontés à des responsabilités qu’ils ne sont pas prêts à assumer. Dans beaucoup de cas, il y a un manque de soutien et ils se sont désemparés face aux exigences de la parentalité. Cette situation pousse à penser qu’une école des parents peut aider les jeunes à relever les défis de la parentalité.
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La parentalité est un voyage complexe, parfois semé d’embûches et parfois les parents doivent relever ces défis par eux-mêmes. Le rôle des parents est exigeant de la grossesse aux premières années de vie de l’enfant, puis à l’heure de l’adolescence. Dans un monde en constante évolution, marqué par le numérique, avec de nouvelles attentes sociales et un environnement de plus en plus stressant, beaucoup de parents se sentent dépasser.
Le cas de Rowena Raffin, qui est accusée du meurtre de sa fille de 18 mois, met en lumière que certains parents sont dépassés par les événements. Des observateurs proposent une école des parents pour accompagner les jeunes. Ce qui renforcera leurs compétences parentales et créera un environnement plus sain pour les enfants.
Le concept est peu développé à Maurice, mais il semble pourtant pertinent pour répondre aux besoins d’une frange de la population qui est vulnérable.
Pour Edley Maurer, travailleur social et responsable de l’ONG SAFIRE, le besoin de soutenir les parents se fait sentir pour les familles vulnérables. Celles-ci sont souvent confrontées à des conditions de vie précaires. « Il ne suffit pas de donner une aide ponctuelle. Il faut un suivi permanent qui permette aux parents de comprendre les besoins émotionnels, éducatifs et psychologiques de leurs enfants », explique-t-il.
Approche inclusive et accessible
Edley Maurer ajoute qu’il est important d’aider les parents dans les régions les plus vulnérables. L’accompagnement est vital pour ces personnes qui en ont le plus besoin.
« L’idée de l’école des parents s’inscrit dans une logique de proximité, de soutien et de réponse aux défis spécifiques de chaque famille. Le manque de préparation à la parentalité et des défis socio-économiques peuvent causer des crises familiales. Un accompagnement adapté dès le début de la grossesse, ainsi qu’un suivi continu au fil des années, pourrait changer la donne pour de nombreux parents », estime-t-il.
Toutes les familles vulnérables ne bénéficient pas des programmes d’aide. « Il faut aller vers ces familles. Si on ne le fait pas, on ne les aide pas à accéder à ces ressources. L’idée d’un accompagnement direct, à domicile, permettrait de toucher ces parents isolés qui n’ont pas toujours accès à des services de soutien », préconise-t-il.
Éducation et préparation
L’accompagnement prénatal et postnatal est un des domaines où l’école des parents pourrait avoir un impact décisif. L’absence d’une préparation adéquate avant la naissance explique que de nombreux jeunes parents sont désemparés. Trop souvent, les futurs parents ne sont pas suffisamment informés sur les besoins physiques et psychologiques d’un enfant. Il faut les éduquer sur les premiers mois de la vie d’un bébé et sur l’importance de l’environnement familial pour un bon développement.
Monique Dinan, membre fondatrice du Mouvement d’aide à la maternité, met en exergue que l’éducation et la sensibilisation sont primordiales. « Ce n’est pas parce qu’on devient mère qu’on est prêt à tout ce qu’implique cette situation. Certaines jeunes femmes se retrouvent seules, sans soutien, et sont incapables de gérer la pression de la parentalité. Il faut les sensibiliser. Il en va de même pour les pères qui doivent assumer leur part de responsabilité », dit-elle.
Elle est d’avis que la société doit offrir un soutien à ces femmes et moins les juger et les condamner. « Il faut comprendre et compatir. Beaucoup de ces femmes, comme Rowena, n’ont pas été préparées à devenir des adultes responsables, à gérer leur sexualité et à accepter les responsabilités liées à la maternité. » Elle ajoute que l’éducation à la sexualité est un outil important pour mieux préparer les mères en devenir.
Christiane Pasnin, de Caritas Solitude Lakaz Lespwar, met en avant le manque de soutien que connaissent de nombreuses jeunes mères. « L’accompagnement dès l’hôpital, puis pendant les premiers mois après la naissance, est essentiel », explique-t-elle. « Beaucoup de jeunes filles, de milieux défavorisés, n’ont pas les ressources nécessaires pour faire face à la maternité. Elles se retrouvent seules, sans soutien moral, financier et psychologique. C’est dans ces moments-là qu’un accompagnement plus structuré peut faire une grande différence », indique-t-elle.
L’école des parents pourrait donc intervenir dès la grossesse, en offrant des ateliers d’information sur les soins à apporter à un bébé. Elle devrait aussi aborder les aspects psychologiques de la maternité et les responsabilités parentales. Ces ateliers doivent non seulement être pratiques, mais aussi fournir un soutien émotionnel et psychologique aux parents.
Questions
L’école des parents serait utile dans certains quartiers dans lesquels les conditions de vie sont difficiles et les familles peuvent être stigmatisées ou marginalisées. Cependant, elle serait tout aussi importante pour d’autres parents de milieux divers qui se retrouvent désemparés. Selon Virginie Bissessur, psychologue et directrice de Pédostop, l’école des parents offrirait un espace d’écoute et de formation, mais aussi de discussion. Ce qui aiderait à répondre aux questions les plus pressantes des parents. Comment gérer les crises de colère de l’enfant ? Comment comprendre ce que traverse l’adolescent ? Quels sont les besoins émotionnels et cognitifs de l’enfant selon son âge ?
Elle fait observer que l’approche doit être bienveillante et non punitive. « L’objectif n’est pas de juger les parents, mais de les aider à comprendre les comportements de leurs enfants et à développer des stratégies pour mieux communiquer et gérer les conflits. Souvent, les parents se sentent perdus, démunis face à des situations qu’ils ne savent pas gérer. » Elle précise qu’une approche basée sur l’écoute et la compréhension mutuelle est essentielle pour une parentalité réussie.
Défis
Une des particularités de l’école des parents serait d’intégrer dans son programme une préparation au couple et à la parentalité précoce. En effet, de nombreux jeunes se retrouvent parents sans avoir réfléchi aux enjeux de leur relation de couple ou de leur responsabilité parentale.
C’est ce qu’explique le sociologue Rajen Suntoo qui considère qu’il est essentiel d’avoir une préparation au mariage et à la vie familiale avant même d’avoir un enfant. « Les premiers cinq ans d’une vie de couple sont cruciaux. S’ils ne sont pas bien vécus, les parents risquent de se retrouver rapidement dans une situation de crise, sans avoir les outils nécessaires pour s’en sortir », fait-il ressortir.
De plus, une partie de la jeunesse, encore adolescente, se retrouve souvent confrontée à la maternité avant d’avoir acquis les ressources émotionnelles, psychologiques et sociales nécessaires pour assumer cette nouvelle responsabilité. Pour ces jeunes, l’accompagnement en amont et post-accouchement est essentiel.
« L’école des parents devrait non seulement préparer à la parentalité, mais aussi fournir un soutien pour le développement de la maturité émotionnelle et sociale », poursuit le sociologue.
Soutien structurel
Enfin, pour que l’école des parents ait un impact sur la société, elle doit fournir un soutien continu. Priscilla Bignoux, responsable du département couple et famille de l’Action familiale, insiste sur la nécessité de structurer des espaces réguliers de soutien. « Les parents apprennent sur le tas, et il est important qu’ils puissent régulièrement bénéficier de ressources et d’outils pour mieux comprendre et accompagner leurs enfants. C’est un travail de longue haleine », avance-t-elle.
Selon elle, la parentalité réussie repose sur une série de ressources et de soutiens réguliers, à la fois émotionnels, pratiques et éducatifs. En outre, l’école des parents ne doit pas uniquement être une série d’ateliers théoriques. Elle doit être un lieu de rencontre et de partage, où les parents peuvent échanger leurs expériences, partager leurs difficultés et se soutenir mutuellement.
« L’école des parents doit offrir un accompagnement complet et continu, en allant à la rencontre des familles vulnérables et en intégrant une approche bienveillante et respectueuse des difficultés rencontrées. Elle pourrait devenir un pilier pour renforcer le tissu social et aider les parents à mieux élever leurs enfants », dit Priscilla Bignoux.
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