Les jeunes sont souvent pointés du doigt. Certains ont un comportement qui laisse à désirer. D’autres ont pourtant une attitude exemplaire. Il y en a qui font des efforts. Que recherche la jeune génération ? Pourquoi se comporte-t-elle ainsi ? éléments de réponse.
«Ma fille ne m’écoute plus. Elle ne veut plus aller à l’école. Elle m’a même menacé qu’elle porterait plainte contre moi pour des attouchements si je continue à lui dire d’aller en classe… Pourtant, je n’ai rien fait. » C’est le cri de cœur de Mario, père d’une adolescente de 16 ans, qui a finalement décidé de renoncer. Désormais, il n’adresse plus la parole à sa fille aînée.
Comme lui, Aisha ne sait plus quoi faire devant le comportement de son fils de 18 ans. Ce dernier rentre et sort quand il veut. « Je ne peux rien dire à mon fils Ismaël. Il ne nous obéit pas. Chaque week-end, nous voyons défiler plusieurs jeunes à la maison. Ils sont tous pareils. Ils n’ont aucun respect… »
Aisha remonte dans ses souvenirs. Et c’est avec des larmes aux yeux, qu’elle relate que son fils Ismaël avait fait une crise d’épilepsie à l’âge de 13 ans. Les parents ont suivi les conseils des médecins. Et le diagnostic d’un neurologue s’est avéré juste : la maladie ne va durer qu’un moment. « Pendant sa maladie, Ismaël est devenu le chouchou de la famille. Nous avons veillé à ce qu’il ne manque de rien et qu’il soit toujours entouré. Aujourd’hui, nous sommes déçus. Il ne nous écoute plus. Nous sommes comme des étrangers pour lui… », se lamente sa mère.
Les jeunes aiment être écoutés
Fort de ses 25 ans d’expérience avec les jeunes de Baie-du-Tombeau, Rozy Khedoo insiste que les jeunes ont besoin d’être écoutés. « Lorsque nous nous adressons aux jeunes, il faut les encourager à parler du sujet qu’ils veulent aborder, à peser le pour et le contre, sans les critiquer. Après les avoir écouté, il est important de les inviter à réfléchir et à faire une synthèse de ce qu’ils ont évoqué. »
La travailleuse sociale fait ressortir que les jeunes aiment partager des sujets qui les touchent directement. Il y va de la sexualité, du viol, de la drogue, de l’alcool, des problèmes familiaux et des problèmes relationnels entre autres. « C’est choquant ce que peuvent vous dire les jeunes, mais il faut les comprendre. Au fond, ils aiment bien partager et être écoutés… »
Attitude des parents
Pour comprendre les jeunes, il faut évoluer avec son temps, soutient Rozy Khedoo. « Les parents ne doivent pas avoir peur de leurs enfants. Il faut les comprendre et leur parler avec respect. En tant que parents, il faut aussi mettre des barrières. Si vous sentez l’odeur de la cigarette chez votre enfant, il faut pouvoir lui dire que vous avez le droit de fouiller dans ses affaires. La communication est importante… »
Notre interlocutrice va plus loin pour dire que l’enfant n’est pas méchant. « Souvent lorsqu’un enfant de 3 ou 4 ans fait une bêtise, au lieu de l’arrêter, le parent rigole. Il grandira ainsi pensant que ce qu’il fait est bien… »
Ainsi, elle conseille au papa et à la maman, d’accorder leur violon. « L’enfant est rusé. Il est un grand observateur. Il sait si ses parents ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ainsi, il ira vers celui ou celle qui lui donnera ce qu’il désire. Il est important que les parents se concertent sur les différents sujets », conseille-t-elle.
Dean Rungen : « Nous ne pouvons pas généraliser… »
Dean Rungen, du Groupe A/Lacaz A, souligne que les jeunes ont énormément de talents, mais il est important de les encadrer. « Nous ne pouvons pas généraliser. 50 % des jeunes ne respectent pas les lois alors que l’autre moitié se comporte très bien… » Celui qui œuvre auprès des jeunes croit fermement qu’il faut donner à chacun sa chance de réussir et de se prouver.
Ainsi, chaque lundi, entre 15 heures et 17 heures, les jeunes se réunissent à Lacaz A de la rue Saint-Georges à Port-Louis pour discuter des thèmes de l’actualité et aussi des problèmes auxquels ils font face. « Les jeunes en général affirment n’avoir pas de soutien. D’autres avouent que c’est difficile d’être jeunes. Il ne faut pas hésiter de les valoriser lorsqu’ils font quelque chose de bien. Parfois, nous voyons que le verre à moitié vide mais il faut aussi voir l’autre moitié qui est remplie. Chaque jeune possède du talent. Il est important de le reconnaître. »
Outre les rencontres du lundi, des activités sont aussi organisées les week-ends. Dean Rungen nous confie qu’à ce jour, l’organisation a pu réunir 500 jeunes au Foyer Fiat.
Temoignages
Axelle Figaro :
« Il ne faut pas catégoriser tous les jeunes comme des délinquants. C’est seulement une minorité qui ne savent pas se comporter correctement en public. D’autres, essaient toujours d’attirer l’attention. Mais on doit l’avouer : il y a érosion des valeurs chez les jeunes. »
Azhar Jugoo :
« De nombreux jeunes gardent les valeurs que leurs parents les ont inculquées depuis l’enfance. L’école et la famille sont des éléments clés pour la transmission des valeurs. Certains jeunes ont malheureusement tendance à les oublier, cela peut être dû aux problèmes familiaux ou la mauvaise fréquentation des amis. Il faut savoir garder ses valeurs, savoir les transmettre et savoir encadrer ces jeunes. Car, ils sont l’avenir de notre pays. »
Joël Nankoo :
« La société devrait cesser de généraliser concernant le mauvais comportement de certaines ‘mauvaises pousses’. Car, il y en a eu et il y aura toujours des parents qui sauront bien élever leurs enfants afin qu’ils deviennent des jeunes responsables et consciencieux. Il existe toujours des jeunes qui savent bien se tenir en société. Il faudrait juste prendre exemple sur eux et aider ceux en difficulté. L’avenir de notre jeunesse en dépend. »
Kenmanee Dalleedoo :
« La jeunesse est très vulnérable, beaucoup de jeunes n’ont pas la chance d’avoir une vie aisée. Par exemple, ceux issus de milieux difficiles auront tendance à perdre confiance en eux et tomber dans le désespoir. Nous avons tous des valeurs mais une vision différente du monde. Ce sont les circonstances qui peuvent tout changer. »
Stephan Toussaint : «Les activités sportives enseignent des valeurs aux jeunes»
Le ministère de la Jeunesse et des Sports offre diverses activités aux jeunes et aux parents. Le ministre Stephan Toussaint nous en parle.
Le comportement des jeunes est souvent pointé du doigt. Que fait votre ministère pour venir en aide à ceux qui ont un comportement difficile ?
D’abord, il faudrait comprendre pourquoi les jeunes ont un comportement difficile. Au niveau du ministère de la Jeunesse et des Sports, il y a une série d’activités et de programmes qui les aident dans leur relation avec les autres. Les activités sportives enseignent des valeurs aux jeunes. Exemples : la discipline, le respect de l’autrui, et la persévérance, entre autres. Les 28 centres de jeunesse à travers l’île sont des lieux conviviaux pour leur épanouissement et leur développement. Le projet ‘Café Parent’ est une plateforme où les parents peuvent partager les bonnes pratiques en vue d’aider leur prochain dans leur relation avec leurs enfants.
Le Duke of Edinburgh’s Award Program aide les jeunes à développer leur aptitude, leur sens du service et l’esprit d’aventure. Le programme de formation en ‘life skills’ équipe les jeunes pour faire face aux nombreux défis de la vie. Les activités inter quartiers offrent d’excellents loisirs pour aider les jeunes à combattre les fléaux sociaux.
Certains jeunes affirment qu’il n’y a pas suffisamment d’activités pour eux et trouvent pour prétexte de mal se comporter. Partagez-vous cette opinion ?
Le mauvais comportement n’est pas dû uniquement aux manques d’activités. Il y a d’autres raisons qui y contribuent. Au niveau de l’individu lui-même, de sa cellule familiale et de son environnement. Certes, les activités aident grandement mais il faut aussi voir plus loin.
Certains parents affirment ne plus avoir de contrôle sur leurs enfants. Comment leur venir en aide ?
La plateforme ‘Café Parent‘ permet aux parents de se rencontrer et de partager librement leur expérience. Certains sont encouragés à partager de bons conseils à ceux qui sont en difficulté avec leurs jeunes enfants. Le dialogue entre parents et enfants doit être encouragé à tous les niveaux. Il faut saisir des occasions en famille, partager des repas en évitant les smartphones, regarder un bon film ensemble et sortir en famille. Les parents intéressés peuvent prendre contact avec les officiers des centres de jeunesse .
Avis d’une psychologue
Anjali Bungaleea : « La génération actuelle est fragmentée par le monde virtuel… »
La psychologue Anjali Bungaleea est d’avis que notre société change rapidement nos perspectives sur nos relations interpersonnelles. « Les jeunes sont exposés à une culture de vie différente de celle de la génération de leurs parents et enseignants. La génération actuelle est fragmentée par le monde virtuel voire par les technologies modernes de la communication. »
Les jeunes ont des sentiments d’insécurité, juge la psychologue Anjali Bungaleea. Ils le manifestent par la solitude et la tristesse.
« Les problèmes familiaux et environnementaux développent chez beaucoup de jeunes des sentiments négatifs : la méfiance, un sens d’infériorité extrême, l’indifférence par faute de ne pas trouver leur place parmi les autres. Ainsi, ces jeunes n’ont aucun désir, ils ne peuvent pas planifier leur vie personnelle, professionnelle et familiale avec des objectifs concrets que ce soit à court ou à long terme. »
Ces situations ont plusieurs conséquences : ils ne veulent ni étudier, ni travailler, ni s’engager pour fonder leur propre famille. Une seule raison : manque de confiance. Toutefois, la psychologue souligne que tout n’est pas perdu et qu’il y a des moyens pour y remédier. Pour cela, il faut : « une culture du respect, de dialogue et d’écoute. Il est crucial de confronter ouvertement les jeunes avec une interaction libre pour pouvoir transmettre un apprentissage informel sans tension ni force. Le rôle de la famille, essentiellement les parents, est primordial. Cela devient malheureusement problématique puisque les jeunes se sentent, sous-évalués, ont du mal à s’exprimer par peur d’être constamment jugés. »
Dans le cas des familles séparées, divorcées ou même recomposées, le problème s’amplifie par deux facteurs, insiste la psychologue. « L’absence ou l’indifférence des parents ou l’hyper protection découragent les jeunes à être indépendants et les empêchent d’apprendre à faire des choix. Il faut donc les encourager dans des projets socio-culturels dès leur jeune âge, à se joindre aux ateliers de travail pendant les vacances scolaires ou après les heures de classes. Ainsi, ils apprendront à se connaître et à s’engager auprès des autres. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !