À Maurice, où la prostitution a pris de l’ampleur, il reste un sujet tabou, alors que dans certains pays, elle a été légalisée et même considérée comme un métier. Que dit la législation mauricienne sur la prostitution ? Quelles sont les raisons qui conduisent une personne à se prostituer? Où se situent les lacunes ? Quelles sont les solutions pour combattre ce fléau ? Éclairage avec Me Taij Dabycharun.
Dans certains pays, la prostitution est considérée comme un métier et a été légalisée. Or à Maurice, elle est illégale et c’est un délit. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
La prostitution implique la prestation de services sexuels en échange d'une rémunération, habituellement de nature monétaire. Cela constitue un délit grave dans de nombreuses nations, ce qui explique pourquoi des lois sont élaborées pour l'interdire ou la réglementer. En revanche, dans d'autres pays, elle est reconnue comme une profession légale.
À Maurice, l'article 91A de la loi complémentaire au Code pénal de 1870 établit qu'une personne commet un délit si elle sollicite ou importune une autre personne dans un lieu public à des fins immorales. En cas de condamnation, elle encourt une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans ou une amende ne dépassant pas Rs 50 000.
Peut-on obliger une personne à se livrer à la prostitution ?
Non. On ne peut pas contraindre une personne à se prostituer, sinon cela ne relève plus de la prostitution, mais plutôt du trafic d'êtres humains.
L'article 253 du Code pénal sanctionne toute personne reconnue coupable de proxénétisme, d'incitation ou d'exploitation de quelqu'un qui se livre à la prostitution. Selon la loi, quiconque, dans un but lucratif et pour satisfaire les désirs d'autrui, recrute, attire ou entraîne une autre personne à se prostituer, est coupable d'un délit.
Notre législation stipule aussi que quiconque exploite la prostitution ou se rend complice avec le consentement de la personne impliquée, tire profit de la prostitution, partage les gains ou reçoit des paiements pour les services sexuels fournis par une personne se livrant à la prostitution commet également une infraction.
Qu'en est-il du droit de l'individu à disposer de son propre corps selon ses propres souhaits ?
Dans de nombreux pays, la légalisation de la prostitution repose sur l'idée fondamentale que chaque individu a le droit de décider de l'usage de son propre corps. Cela soulève une question de réalisme. Au quotidien, nous sommes témoins de relations extraconjugales ou de rencontres d'une nuit. En quoi ces situations diffèrent-elles de la prostitution ? D'un côté, une personne qui a la responsabilité de subvenir aux besoins de sa famille et à ses propres besoins choisit d'utiliser son corps en échange d'une compensation financière, tandis que de l'autre côté, une personne utilise son corps à des fins de satisfaction personnelle. Alors, pourquoi existe-t-il encore un tabou autour de la prostitution ?
Quelles sont les raisons qui poussent une personne à s'engager dans la prostitution ?
Plusieurs facteurs peuvent conduire une personne à se livrer à la prostitution. L'une des principales raisons est la pauvreté, car il peut arriver qu'une femme se retrouve dans la nécessité de nourrir sa propre famille et qu'elle éprouve des difficultés à trouver un emploi pour subvenir à leurs besoins. Dans de telles situations, la seule option qui semble s'offrir à elle est de recourir à la prostitution pour assurer sa survie et celle de sa famille.
D'autre part, il y a aussi l'attrait de l'argent facile. De nombreuses femmes choisissent de vendre leur corps dans le but de mener une vie luxueuse, en quête d'argent rapide ou de faveurs, en s'engageant dans la prostitution de haut standing.
Dans d’autres cas, une personne se livre à la prostitution parce qu’elle a vécu dans un environnement similaire durant son enfance.
Comment faire la distinction ?
Il existe une distinction claire entre la prostitution, un acte volontaire passible de sanctions en vertu du Code pénal, et la traite des êtres humains, régie par la loi de 2009 intitulée « Combating of Trafficking of Persons Act » qui a été promulguée et est entrée en vigueur le 30 juillet 2009.
Selon cette loi, la traite des êtres humains englobe des actions telles que le recrutement, le transport, l'hébergement ou l'exercice d'un contrôle ou d'une influence sur des individus en vue de les exploiter, souvent à des fins de travail forcé ou d'exploitation sexuelle. La traite des personnes est fréquemment qualifiée de forme contemporaine d'esclavages et constitue une violation flagrante des droits humains.
Quelles sont les conséquences potentielles pour une personne agissant en tant que proxénète ou pour celle qui dirige ou gère une maison close ?
Un individu agissant comme proxénète peut se voir infliger une peine de prison pouvant aller jusqu'à 20 ans, ainsi qu'une amende maximale de Rs 200 000. En ce qui concerne la personne qui exploite ou gère une maison close, elle risque une amende maximale de Rs 200 000 et une peine d'emprisonnement pouvant atteindre dix ans en cas de condamnation.
Comment combattre ce fléau ?
Il est extrêmement difficile d'éradiquer ce problème. Nous constatons que certaines femmes vulnérables, prises au piège des circonstances, sont souvent contraintes d'exercer ce métier considéré comme le plus vieux du monde. Elles ne sont pas responsables de leur situation. Dans de tels cas, il est impératif de mettre en place un mécanisme de soutien visant à les aider à trouver d'autres moyens de subsistance en dehors de la prostitution. Pour cela, la coopération des autorités compétentes est essentielle. De plus, il est crucial de sensibiliser la population aux risques et aux dangers associés à la prostitution.
La prostitution n’est-elle pas liée à la traite des êtres humains (trafic humain) ?
Pas vraiment. Il faut faire la distinction entre la prostitution et la traite d’êtres humains.
Que dit notre loi à ce sujet ?
Malheureusement, comme je l’ai déjà mentionné, la loi prévoit des sanctions pénales si vous vous adonnez à la prostitution.
Quelles sont les lacunes dans notre loi ?
La loi doit être impitoyable envers la traite des êtres humains, sanctionnant sévèrement toute implication dans l'exploitation sexuelle forcée. Cependant, en ce qui concerne la prostitution, il est temps que la loi évolue. Chacun devrait avoir le droit de disposer de son propre corps comme bon lui semble, que ce soit pour des besoins familiaux pressants ou pour satisfaire ses propres désirs. Actuellement, la loi punit ceux qui se livrent à la prostitution, tandis que les coups d'un soir sont largement acceptés sans conséquences légales.
Quelles sont les solutions ?
La solution est claire, pourvu que tout le monde adopte une perspective ouverte : légaliser la prostitution. Il s'agit également de sensibiliser la législation sur la lutte contre la traite des êtres humains et d'informer les individus sur les dangers des relations sexuelles non protégées et des infections sexuellement transmissibles. L'objectif est de prévenir la propagation de ces maladies.
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