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La polytoxicomanie corse la situation

« Certaines mères sont prises en otage par leurs enfants et subissent leur dictat », dit Cadress Rungen.

Cinquante ans déjà qu’il est engagé dans le combat contre la toxicomanie. Cadress Rungen avait 17 ans à l’époque. Là où d’autres auraient jeté l’éponge, surtout face à l’aggravation de la situation, lui continue de se battre. Son espoir repose sur la détermination des proches, principalement des mères, qui, après les « atrocités » qu’elles ont vécues, ont retrouvé goût à la vie et réappris à aimer leur enfant toujours sous l’emprise de la drogue. 
Travailleur social à Lakaz A, Cadress Rungen parle de situation « chaotique ». Cela, pour diverses raisons, dont le rajeunissement et la féminisation de la toxicomanie, ainsi que l’accessibilité des drogues. Il y a encore quelques années, il était impensable de voir des usagers de drogue de moins de 25 ans, poursuit-il. Mais de nos jours, certains tombent dans cette spirale dès l’âge de 13 ans, constate Cadress Rungen. 

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Le rajeunissement de la toxicomanie a diverses répercussions, notamment dans la population carcérale, avec plus de jeunes en prison. Par extension, il y a également de plus en plus de « jeunes mères » qui se présentent au centre de Lakaz A en quête d’aide et de soutien. Ces mères sont traumatisées par les agissements de leurs enfants et ce qu’ils leur font subir, certaines étant même battues. « Ces mères ne vivent pas une ‘souffrance’ mais une ‘atrocité’ », affirme-t-il.

Dans certains cas, les parents ne peuvent plus asseoir leur autorité, les enfants s’imposant à la maison pour obtenir leur dose de drogue, ajoute Cadress Rungen. « Certaines mères sont prises en otage par leurs enfants et subissent leur dictat. Certaines ont dû abandonner leur maison pour fuir leur violence. Pour d’autres, leur maison a été vidée, leurs enfants ayant vendu leurs biens pour se procurer de la drogue », explique-t-il. Cela est dû à l’usage de drogues synthétiques qui changent le comportement des consommateurs, les rendant souvent incontrôlables, dit-il. La situation est tellement chaotique que certaines mères, lassées de la souffrance qu’elles endurent, ont voulu attenter à leur vie, révèle-t-il.

L’accessibilité des drogues est une des causes de la détérioration de la situation. « La drogue est présente dans toutes les communautés, toutes les régions et toutes les sphères de la société », observe Cadress Rungen, fort de son son constat personnel à travers son expérience à Lakaz A et au Centre d’accueil de Terre-Rouge. Ces centres s’occupent de l’accompagnement et de la réhabilitation des usagers de drogue et du soutien à leurs proches.

Si autrefois les usagers de drogue avaient une certaine « discipline » et ne prenaient qu’un seul produit, aujourd’hui, il y a des polyconsommateurs qui passent d’une drogue à l’autre et qui sont violents dans certains cas, ce qui traumatise la famille, souligne Cadress Runge. Il arrive également que plusieurs membres d’une même famille soient dans la drogue, ce qui fait que certains sont blasés et ont abdiqué devant l’ampleur de la situation. Ainsi, ce qui était « anormal » avant, est devenu « normal », fait-il ressortir. 

Avec l’évolution du profil des usagers de drogue, leur comportement a également changé, rendant la réhabilitation plus compliquée en raison de la polytoxicomanie. « Avant, il était facile de placer les usagers de drogue dans un programme de réhabilitation. Mais aujourd’hui, c’est devenu compliqué du fait qu’ils consomment plusieurs drogues. Il y a une plus grande évaluation à faire avant de les accepter. » Les parents sont souvent appelés en premier afin qu’ils comprennent le programme et soient informés sur la manière d’accompagner leur enfant ou leur proche. Le programme comprend la réhabilitation, la réinsertion, et la réintégration, ainsi que la prévention de la rechute, ce qui peut prendre plusieurs mois. Et avec le nombre de cas à gérer et le peu de place disponible pour chaque programme, la liste d’attente est longue, précise Cadress Rungen.

« La drogue entraîne une déshumanisation de l’individu, et pour le relever, il faut l’accompagner comme un enfant, lui réapprendre à marcher, à avoir une hygiène de vie et une hygiène personnelle », explique-t-il. Les rechutes sont nombreuses car on ne peut changer du jour au lendemain le comportement d’une personne qui est dans la drogue depuis de nombreuses années.

Face à cette situation, Cadress Rungen estime que les autorités ne devraient pas se satisfaire de la quantité d’arrestations et de drogues saisies. Il insiste sur l’accompagnement des parents. Lakaz A, comme bon nombre d’ONG, fait face à un manque de personnel. Il déplore également que certains professionnels ne restent pas longtemps en raison des salaires, car ces ONG n’ont pas beaucoup de moyens. Mais grâce aux différentes aides que reçoit le centre, dont celle de la National Social Inclusion Foundation (NSIF), Lakaz A parvient tant bien que mal à apporter l’accompagnement et le soutien nécessaires à ses bénéficiaires.

Garder l’espérance malgré le désespoir

Engagé dans la lutte contre la drogue depuis bientôt un demi-siècle, Cadress Rungen révèle qu’il est parfois désespéré devant l’ampleur de la situation. L’ignorance et l’indifférence freinent le combat. 

On ne peut s’arrêter aux statistiques et évaluer le taux de réussite ou d’échec compte tenu du fait que le processus de réhabilitation, de réinsertion et de réintégration est un travail de longue haleine, fait-il comprendre. Cadress Rungen plaide également pour la prévention et éviter les rechutes.

Cependant, grâce aux témoignages des mères qui, après le désespoir et le désarroi, arrivent à aimer de nouveau leurs enfants et à revivre leur vie, l’espoir renaît. « Cela peut sembler une goutte d’eau dans l’océan, mais c’est un commencement », dit-il. Cadress Rungen, qui est aussi diacre, affirme qu’il est guidé par sa foi. Il puise également son soutien et son réconfort auprès de son épouse et de leurs deux enfants, qui sont aussi engagés que lui, ainsi que dans les retraites spirituelles.

 

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