La douleur de Claudino

Jacques Brel, célèbre chanteur, implorait dans sa chanson « Ne me quitte pas » la femme de sa vie de ne pas le laisser. De même, Claudino Henriette, aimait profondément son épouse et a tout fait pour lui sauver la vie. Il répétait sans cesse à l'intérieur de lui-même : « Ne me quitte pas ». Malheureusement, elle est partie. Désormais rempli de colère, l'homme pense que sa femme serait encore en vie si...

Le 19 avril 2023, Marie-Claire Henriette âgée de 53 ans et résidant à Pointe-aux-Sables, avait un rendez-vous à l'hôpital Dr A. G. Jeetoo. Comme c’est généralement le cas, le rendez-vous avait été fixé à 9h00 du matin. Elle attendait donc l’ambulance qui devait venir la chercher. Cependant, l’ambulance est arrivée à 9h45, sans oxygène ni médecin ou infirmier à bord, ce qui a été catastrophique pour cette patiente qui avait besoin d'oxygène à domicile.

Claudino a expliqué aux ambulanciers la situation critique de sa femme et leur a clairement indiqué qu'elle ne pouvait pas être transportée sans oxygène. Le service ambulancier a alors contacté une autre ambulance qui se trouvait à proximité, mais celle-ci non plus n'avait pas suffisamment d'oxygène pour répondre aux besoins de la femme de Claudino et lui permettre de respirer jusqu'à son arrivée à l'hôpital.

Pris de panique et craignant à juste titre pour la vie de sa bien-aimée, Claudino appelle Radio Plus pour expliquer la situation et demander de l'aide. Finalement, une troisième ambulance arrive, équipée comme il se doit, mais malheureusement, cela a pris beaucoup de temps. Plusieurs heures se sont écoulées depuis le début de cette tragédie et il est déjà 14h30 lorsque la troisième ambulance arrive. Malgré les efforts des secours, la femme de Claudino décède quelques heures plus tard.

C'est un véritable coup de massue pour cet homme qui aimait tant sa femme. Il ressent une douleur insupportable dans sa poitrine et son cœur semble se déchirer. Il ne peut s'empêcher de penser : « Si seulement la première ambulance avait disposé de l'oxygène nécessaire dès le départ. Comment ont-ils pu ne pas se rendre compte que la patiente en question était sous assistance respiratoire à domicile ? N'y a-t-il pas une vérification systématique avant que l'ambulance ne quitte la cour de l'hôpital ? À cause de cette négligence impardonnable, plusieurs heures précieuses ont été perdues. Si les ambulanciers avaient fait leur travail correctement, ma femme serait encore en vie ».

Depuis cet événement tragique, Claudino essaie de rester fort devant ses enfants et ses petits-enfants. Cependant, il est évident que quelque chose en lui s'est irrémédiablement brisé. Malgré ses efforts pour s'en sortir, ses pensées sont désordonnées et il lui est impossible de se concentrer. Comment pourrait-il en être autrement ? Les souvenirs de sa femme bien-aimée l'assaillent constamment et il se demande sans cesse ce qui aurait pu être fait différemment pour éviter cette perte si douloureuse.

Leur rencontre

Claudino, né il y a 49 ans à Rodrigues, a vécu une enfance difficile. Il est le quatrième enfant d’une fratrie de sept garçons et cinq filles. À l'âge de 5 ans, il perd sa mère, suivie de son père deux ans plus tard, laissant Claudino orphelin à l'âge de seulement 7 ans. Il fréquente l'école jusqu’à la Grade 3. Ensuite, pour subvenir à ses besoins, il devient gardien de troupeaux avant d'être embauché dans un magasin local. À l'âge de 13-14 ans, le patron du magasin lui offre l'opportunité d'aller travailler à Maurice et Claudino emménage chez son patron chinois. Plus tard, il part vivre chez un oncle à Terre-Rouge et devient maçon. 

Quelques années après, Claudino rencontre Marie-Claire Agathe chez l'un de ses cousins, qui est également venu travailler à Maurice. Marie-Claire travaille alors dans une usine de textile. Les deux jeunes gens tombent amoureux et commencent à vivre ensemble. Cependant, ils ne se marient pas tout de suite et attendent 15 ans avant d'officialiser leur union. « Nous voulions nous connaître mutuellement avant de nous marier », explique-t-il. Le couple a eu trois fils, Marcelino, McEnroy et Marcelio. Ils sont aujourd’hui âgés de 32 ans, 28 ans et 24 ans.

Après la naissance de leurs petits-enfants, Marie-Claire reprendra son poste de machiniste dans une usine de textile. Claudino n'aimait pas qu'elle travaille, mais elle a décidé de reprendre son activité professionnelle. Cependant, son travail prend fin brutalement après un accident. Sa main gauche est écrasée sous une machine à presser, mettant ainsi un terme plus ou moins définitif à sa carrière. Après l'accident, elle ne pourra pas travailler pendant six mois.

Santé déclinante

À partir de ce moment, la santé de Marie-Claire commence à se détériorer. Après trois ans de traitement, en décembre 2021, elle subit une mastectomie du sein gauche. Claudino témoigne : « Elle a été admise à l'hôpital un jour, puis opérée le lendemain, sans même me prévenir. Au départ, ils devaient seulement retirer une grosseur, mais finalement, ils ont enlevé tout le sein. Pendant sa chimiothérapie, l’eau s’est accumulée dans son corps. En janvier dernier, elle a commencé à beaucoup tousser. À partir de février, sa situation s’est détériorée et elle a été admise à l’hôpital pendant 15 jours avant de rentrer à la maison. Une semaine après, elle a été de nouveau hospitalisée suite à des problèmes respiratoires ». 

Marie-Claire subit une intervention chirurgicale pour retirer l'excès d'eau de son corps. Après avoir quitté l'hôpital Dr A. G. Jeetoo, elle est transférée à Med Point, où elle reste deux semaines de plus. Claudino réalise l'ampleur de la détérioration de la santé de Marie-Claire et décide de lancer un appel à la générosité des Mauriciens dans l'émission Explik Ou Ka de Radio Plus. Il explique qu'il a besoin d'un lit médicalisé et d'un concentrateur d'oxygène. Heureusement, un généreux donateur, nommé Nathan Julie, répond rapidement à l'appel et fournit à Claudino les deux équipements vitaux dès le même jour. 

Recevoir ces deux éléments en temps voulu est une chance rare, mais Claudino est ravi de les avoir rapidement obtenus pour assurer la survie de sa bien-aimée, en particulier le concentrateur d'oxygène. Claudino aura l'esprit tranquille pendant quelques semaines jusqu'à ce jour fatidique du 19 avril 2023 où la santé de sa femme Marie-Claire prendra un tournant tragique.

Aujourd'hui, Marie-Claire repose au cimetière de Pailles, laissant Claudino inconsolable. Il est encore hanté par ce matin qu'il n'oubliera jamais : « Depuis tôt le matin, elle me demandait quand l'ambulance arriverait », confie-t-il, avant d’ajouter, les yeux pleins de larmes : « Et voilà ce qui est arrivé. Si la première ambulance avait été équipée d'un concentrateur d'oxygène, elle serait encore à mes côtés aujourd'hui ».

Profondément attristé et rempli de colère, Claudino a rédigé une lettre au surintendant de l'hôpital Dr A. G. Jeetoo, avec une copie adressée au ministère de la Santé, pour dénoncer ce qu'il considère comme une négligence flagrante.