Pendant que se tenait un sommet sur Smart Mauritius la semaine dernière, les autorités avaient toutes les peines du monde à gérer les problèmes d’inondations dans des endroits habituels du pays.
Oublieux des morts du 30 mars 2013, le gouvernement se perd en priorités, ce qui cause des pertes à l’économie. Alors qu’il sait éblouir la population avec des projets de plusieurs milliards de roupies, il n’a pas pu trouver quelques centaines de millions pour l’aménagement de drains et pour l’entretien de rivières et de canaux. Si des travaux pressants se heurtent contre une question de déficit budgétaire, comment accepter que l’Etat s’endette lourdement pour mettre en place des smart cities et autre Heritage City ?
Un parfum d’amateurisme a plané sur le pays en ce mercredi où l’Exécutif décréta un arrêt de travail général à onze heures. Si une telle décision ne pouvait être prise trois heures plus tôt, c’est que nos services météorologiques ont un sérieux problème de prévision. Et dire que des climatologues autoproclamés se targuent de savoir ce que sera le climat dans cent ans ! Au lieu d’aller discourir sur le changement climatique, un pays vulnérable aux pluies torrentielles doit impérativement améliorer sa gestion du temps pluvieux.
Car on ne peut pas fermer les écoles et les bureaux à chaque fois que de grosses averses s’abattent sur le pays. Appliquer à l’excès le principe de précaution non seulement paralyse l’économie nationale, mais aussi fait violence à la liberté individuelle. N’y comprendront jamais ces pauvres syndicalistes pour qui toute occasion de cesser le travail est bonne, même si cela représente un coût énorme pour l’entreprise. Et pourtant, quand il pleut des cordes, le travailleur est plus en sécurité sur son lieu de travail que dans un gros embouteillage de plusieurs heures.
C’est l’administration du pays qui doit être « smart », ce dont dépendra notre qualité de vie. Une gestion intelligente de l’économie ne se résume pas à bâtir des villes dites intelligentes. Elle consiste plutôt à répartir les ressources, matérielles, financières et humaines, le plus efficacement possible.
Or tous ces méga-projets, mis en chantier en même temps, vont bouffer des ressources au détriment des autres activités économiques qui en ont aussi besoin pour créer des richesses au présent. Faire sortir de terre une Heritage City au bout de seulement trois ans, c’est une ambition… monstrueuse ! C’est aussi un monstre inflationniste, car les prix des ressources, devenues rares, vont grimper. La loi de l’offre et de la demande est implacable, et les smart cities ne feront pas exception.
Contrairement à ce qu’insinue une chroniqueuse de Mauritius Times, ce n’est pas par peur de perdre leur statut social que des professionnels s’élèvent contre la construction de Heritage City à Highlands. Cette même personne qui déteste tant le « capitalisme débridé » ne se rend pas compte de la vile spéculation immobilière qui sous-tend ce projet de trente milliards de roupies. La hausse inévitable des coûts de construction que celui-ci entraînera va appauvrir les gens de la classe moyenne qui cherchent à devenir propriétaires d’un logement.
La location de bureau à Ebène est actuellement autour de Rs 41 le pied carré. En tenant compte de l’inflation future et de la dépréciation continue de la roupie, on ne voit pas comment on pourra proposer le même prix à Heritage City et, de surcroît, obtenir un rendement des capitaux propres de 30 % ! Alors que le monde connaît des turbulences financières, les étrangers ne se bousculeront pas pour venir résider dans l’arrière-pays d’une île lointaine.
L’économiste Andrew Lawrence a remarqué une corrélation entre la construction de gratte-ciel et les crises économiques. L’Empire State Building ouvrit ses portes en 1931 pendant la Grande Dépression, les Petronas Towers de la Malaisie en 1996 juste avant la crise financière asiatique, et Burj Khalifa de Dubaï en 2010 en plein crash local et global. A Maurice, la Cybercité fut inaugurée à l’heure où l’économie ralentissait (croissance de 2,7% en 2005).
Ce n’est pas que les constructions grandioses entraînent des crises. Mais elles sont les symptômes de grandes distorsions dans l’économie lorsque le taux d’intérêt est maintenu artificiellement bas par la Banque centrale. Une telle politique monétaire accroît la valeur foncière, rehausse les anticipations de profits, favorise des investissements très risqués et entretient l’illusion de « high risk, high return ». A mesure que des promoteurs s’engagent à long terme dans de plus gros projets, les prix relatifs du capital, du travail, de la terre et de l’intêrêt sont faussés. Les processus de production s’allongent, puisqu’on produit ici des biens de capital, et non des biens de consommation. Afin que cela soit soutenable, les gens doivent épargner. Mais ils continuent de consommer.
Le taux d’intérêt finira bien par remonter quand arrivera l’inflation et au moment où s’achèveront les constructions. S’il s’avère supérieur au taux de rendement, l’investissement n’est pas rentable. Certains projets risquent de ne pas être complétés. L’offre excédant la demande, on n’arrive pas à vendre les espaces aux prix prévus et à réaliser les profits attendus. La bulle spéculative explose avec une chute des prix de vente et avec des licenciements dans les sociétés de construction, d’immobilier et de financement. Par conséquent, les dettes ne sont pas remboursées. Le promoteur étant l’Etat, il les laissera en héritage à nos enfants qui paieront plus d’impôts.
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