L’historien Jocelyn Chan Low commente les mouvements d’allégeance en fin de mandat du gouvernement. Selon lui, le transfugisme ne plaît guère aux Mauriciens. Il est d’avis que la moralité aura un grand rôle à jouer lors des prochaines législatives.
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Le MMM, est à nouveau secoué par des défections. Est-ce inévitable ? Et à quoi l’attribuez-vous ?
Des secousses au sein d’un parti, surtout à la veille des élections, sont inévitables. Cela se passe dans tous les partis. Avec la préparation de la liste des candidats, il y a souvent des frustrés. Il y a des personnes qui labourent le terrain mais qui, finalement, n’ont pas de ticket. Elles se sentent lésées. Sans oublier les opérations de débauchage qui, selon moi, est un coup monté. J’explique cela par le fait que le MSM et le MMM ne seront pas en alliance. De ce fait, c’est la stratégie du MSM pour avoir le ‘hindou-belt’ à cause du Parti travailliste. Le MSM a aussi perdu une autre tranche de l’électorat avec l’affaire BAI. Il lui faut maintenant puiser dans le bassin du MMM.
Que pensez-vous du mercato politique qui a lieu sur la scène politique ?
C’est un jeu dangereux. Ils ne réalisent pas que les Mauriciens n’aiment pas les transfuges. D’ailleurs, cela fait de mal à la démocratie mauricienne. Il y a 60% de personnes qui sont indécises. Des jeunes ne veulent pas voter, dégoûtés par des pratiques malsaines. Débaucher des membres d’autres partis n’apporte nullement de l’air frais. Bien au contraire, cela dégage une mauvaise idée des politiciens comme étant des opportunistes. Ce qui est mauvais pour la démocratie mais aussi pour l’image des politiciens. Cette pratique pourrait accentuer l’abstention aux élections.
Est-ce réaliste que le MMM aille seul aux élections en présentant Paul Bérenger comme Premier ministre ? Quelles sont ses chances face à Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam ?
Je pense que c’est réaliste. Si le MMM a décidé d’aller seul aux élections, car on sait que s’il y a une alliance avec le PTr, l’électorat ne va pas suivre. Idem pour une alliance avec le MSM. Pour qu’une alliance soit plébiscitée, il faut que l’électorat soit s’accord. Si la lutte est serrée et si le MMM arrive à faire élire 10 députés, le parti peut, par la suite, décider de ce qu’il veut faire. Toutefois, les défections actuelles ne changeront rien à la donne politique. La chance de Paul Bérenger reste la même. C’est un fait que le MMM a ses assises dans plusieurs circonscriptions.
C’est confirmé que Navin Ramgoolam sera le principal challenger de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre. D’après vous, qui pourra séduire le plus les électeurs en termes de personnalité ?
C’est vrai que Navin Ramgoolam porte des casseroles. Toutefois, il reste une personne charismatique. Et puis, cela dépend de quel électorat on parle. Le PTr a quand même 30% de l’électorat. Le nom Ramgoolam est inscrit dans les gènes de certains. C’est un nom magique pour les ‘die hards’. Pour d’autres, quand on évoque le parti des rouges, on fait référence à sir Seewoosagar Ramgoolam. Le Parti travailliste est un grand parti et a son électorat. Cependant, tout dépendra aussi de la façon dont la campagne sera menée. Navin Ramgoolam a certainement sa stratégie et il a une bonne équipe.
Pensez-vous que l’alliance MSM-ML pourra remporter les élections générales sur la base de ses réalisations et avec les nouveaux alliés comme Kavi Ramano, Steeve Obeegadoo et les nouveaux dissidents du MMM ?
L’alliance MSM-ML a certainement un bilan. Mais aussi des casseroles. Est-ce qu’elle pourra faire la population oublier les scandales ? Certes, l’alliance gouvernement a réussi des exploits à travers les Jeux des îles de l’océan Indien, la Workers Rights Act ou encore le Budget. Elle a amené un souffle nouveau. Sauf que le transfugisme gâte un peu cette image de parti propre et intègre. Auparavant, on disait que les paroles s’envolent, les écrits restent. Aujourd’hui, avec l’avènement de la technologie, même les paroles restent. Cela aurait été mieux si le MSM présentait une équipe 100% neuve sans des transfuges et qui font des girouettes politiques et sans des personnes qui traînent des casseroles. Ces mouvements d’allégeance seront contre-productifs.
Concernant l’unification de la famille militante, pensez-vous que ce soit possible pour Ivan Collendavelloo de réunir les anciens militants sous son leadership ?
Une vraie unification de la famille militante serait une alliance entre Ashok Subron, Jack Bizlall, Lalit et quelques-uns au sein du MMM. Ce sont ces personnes qui représentent réellement les valeurs du militantisme.
De son côté, Navin Ramgoolam continue de répéter que le PTr ira seul aux élections. Est-ce le bon choix ?
Le Parti travailliste, à la différence du MSM, a créé une base solide dans certaines régions. Ainsi, le PTr peut se passer du PMSD. Mais je pense, qu’au final, les rouges trouveront un arrangement avec le parti de Xavier-Luc Duval. Ce sera une alliance plus compatible.
Qu’adviendra-t-il alors du PMSD ?
Comme je le disais plus haut, le PMSD et le PTr pourront devenir alliés. C’est plus facile pour les Bleus de s’aligner avec les Rouges que de retourner avec le MSM. Toutefois, tout est possible en politique.
Pensez-vous qu’à travers un ‘four-cornered fight’ on pourrait savoir le poids électoral réel de chaque parti ?
C’est sûr qu’on saura le poids réel de chaque parti si chacun brigue les suffrages en solo. Néanmoins, les circonscriptions étant inégales en termes de nombre d’électeurs, d’ethnicité et autres, c’est le nombre de députés que pourra faire élire chaque parti qu’on connaîtra vraiment leurs forces.
Partagez-vous l’idée de ceux qui pensent qu’une alliance post-électorale est plus compliquée et peut être source d’instabilité politique ?
Qu’une alliance soit pré-électorale ou post-électorale, il y a toujours une instabilité en cas de cassure. Cependant, s’il y a une alliance pré-électorale qui arrive à se faire élire au gouvernement et que par la suite il y a une cassure, c’est un coup dur. Surtout en ce qui concerne la légitimité du gouvernement. Si une alliance post-électorale se casse, c’est plus ‘propre’.
Quels vont être les principaux facteurs qui détermineront le choix des électeurs ?
Inévitablement, ce sera l’ethnicité. La moralité politique aura également un rôle prépondérant à jouer. Toutefois, il y aura également le ‘money politic’ qui jouera pour certain. A ce jour, une grande majorité de personnes est indécise et pour cette majorité c’est la moralité qui compte.
A l’ère digitale, pensez-vous qu’on aura droit à une campagne 2.0 nécessitant moins de dépenses électorales ?
Comme chaque élection générale, il y aura beaucoup de dépenses. Des banderoles, des meetings et tout ce qui va avec. Les habitudes seront toujours là. On misera aussi sur le digital. Donc, il y aura un mélange des choses traditionnelles et des nouveautés.
On témoigne également de la renaissance des publications partisanes mais cette fois-ci sur internet. Comment expliquer ce phénomène ?
Maurice, comme dans grand nombre de pays africains, il y a une grande pénétration de téléphones portables. Il y a l’internet partout. La presse traditionnelle a elle-même migré sur l’internet. C’est clair que les journaux en ligne sont importants, car le paysage médiatique a changé. C’est aussi un fait que les publications partisanes auront un certain impact. Or, de nos jours, les Mauriciens sont éduqués et lisent sur tout ce qui se passe en ligne. 60% de l’électorat ne savent pas encore qui voter. Je suis sûr que ces personnes voteront en fonction de leur conscience, prenant en compte une dose de moralité et qui travailleront pour le pays. Une grande majorité de la population a aujourd’hui marre des opportunistes et du népotisme. Elle veut un changement de la culture politique. Elle veut du sang neuf, de l’intégrité et de la moralité. On n’a qu’à prendre le cas de Jack Bizlall qui a fait un score honorable lors de l’élection partielle au No.18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes). Cette grande majorité dont je parle veut des personnes qui ‘walk the talk’.
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