Jean Lucas Ryan Laurette s’exprime pour la première fois depuis sa remise en liberté conditionnelle le lundi 21 novembre 2022. Dans un entretien accordé à Al Khizr Ramdin, l’homme de 23 ans revient sur le déroulé de l’opération de la PHQ Striking Team chez lui à St-Pierre, sur sa relation avec son père Bruneau Laurette et sur les revenus de ce dernier.
Qui est Jean Luca Ryan Laurette ?
J’ai 23 ans et j’habite St-Pierre. Je travaille dans le secteur bancaire. Je suis le fils de Bruneau Laurette.
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Que s’est-il passé le vendredi 4 novembre lorsqu’une équipe de la police a fait une descente chez vous ?
La veille, j’étais chez ma belle-mère (NdlR : Dominique Raya, la compagne de Bruneau Laurette) dans le Nord. Le lendemain, bien que souffrant, je me suis rendu au travail. Mes supérieurs ont toutefois constaté que je n’allais pas bien. Ils m’ont suggéré de prendre un jour de congé. Je suis rentré à St-Pierre vers 9h30.
Votre père était-il présent ?
Non, j’étais seul. En rentrant, je me suis reposé et j’ai déjeuné. Mon père est arrivé peu avant midi. Je lui ai parlé brièvement. Il a pris de mes nouvelles car il était étonné de me voir à la maison à cette heure-là. Je suis ensuite sorti car je devais me rendre au guichet automatique. J’ai pris ma motocyclette. Lorsque je suis retourné, mon père était dans sa chambre. Je suis allé me reposer dans la mienne.
À quel moment la police a-t-elle débarqué chez vous ?
Aux alentours de 13 heures. Alors que je dormais, j’ai entendu du bruit. C’était comme si quelqu’un tentait d’ouvrir la porte. Je suis sorti de ma chambre. Je suis tombé nez à nez avec trois individus encagoulés qui se trouvaient déjà à l’intérieur de la maison car ils sont passés par la fenêtre. ‘Zot dir mwa pa bouze’. J’ai paniqué. Je suis resté figé.
Pendant ce temps, ils se sont précipités vers la porte pour l’ouvrir. Au moment où celle-ci s’ouvrait, mon père est sorti de sa chambre en sous-vêtements, ayant lui aussi entendu du bruit. Plusieurs personnes se sont précipitées sur lui. Sans lui fournir la moindre explication, ils l’ont menotté.
Mo papa gagn so kas de manyer prop ek onet."
N’ont-ils pas produit de mandat de perquisition ?
Du début jusqu’à la fin de l’opération, en ce qui me concerne, je n’ai rien vu. Je ne sais pas si mon père, lui, a pu voir le mandat. Durant l’opération, j’étais assis sur le canapé, accompagné de quelques personnes. Mais le « focus » était sur mon père. À un moment donné, un officier est tombé sur un objet d’antiquité qui était posé sur un meuble.
Quel est cet objet d’antiquité ?
C’est supposément le « revolver » qu’ils ont trouvé chez nous. C’est en fait un objet décoratif. Ils m’ont d’ailleurs demandé ce que c’est. Je leur ai dit « enn dekorasion ». Cinq officiers m’ont ensuite conduit dans ma chambre. C’est à ce moment-là qu’ils m’ont informé qu’il allait y avoir une perquisition dans la maison, y compris dans ma chambre. Je n’avais aucun problème avec cela. Je les ai laissé faire leur travail.
Qu’ont-ils trouvé ?
Rien !
Et dans la chambre de votre père ?
À ma connaissance, ils n’ont rien trouvé non plus.
À quel moment avez-vous été informé que la drogue a été trouvée ?
45 minutes voire une heure après. Pendant tout ce temps, j’étais séquestré dans ma chambre qui faisait l’objet d’une fouille, jusqu’au moment où ils ont pris mon père et ils sont sortis. Ils sont montés sur le toit. J’ai été informé que je devais moi aussi aller sur le toit.
Mais à peine ai-je fait quelques pas que j’ai vu mon père descendre et prendre la direction du garage. On m’a alors demandé de rester à l’intérieur. J’y suis resté cinq à dix minutes. Lorsque je suis sorti, j’ai vu de nombreux policiers sur les escaliers que je n’avais pas vus jusqu’ici. J’étais étonné.
Une fois au pied de l’escalier, un officier m’a dit : « Misie, nou finn gagn trwa gro sak haschich dan loto ou papa. » On m’a fait avancer jusqu’au coffre. Un officier a retiré un sac et l’a posé par terre. Il a retiré un paquet de ce sac. Il me l’a montré et m’a demandé : « Ou kone kiete sa ? » Je lui ai dit : « Zame monn trouv sa. »
Ensuite ?
Un officier m’a informé que j’allais devoir les accompagner. ‘Inn dir pou bizin pran mwasi ale’. Étant donné que je n’avais rien à me reprocher, j’ai dit ok. J’ai demandé à récupérer mes effets personnels : téléphone, porte-monnaie, carte d’identité, etc.
Une fois dans ma chambre, un officier m’a approché. De par son apparence, j’ai cru identifier l’ASP Jagai. ‘Parski monn deza trouv so bann foto dan lapres’. Il m’a dit : « Ou papa kontan fer TikTok ! ». Je lui ai répondu par la négative.
Les officiers ont ensuite saisi mon ordinateur. C’est en descendant les escaliers qu’ils m’ont passé les menottes. Ils m’ont mis dans un véhicule. Mon père, lui, a fait le trajet dans sa voiture. Je suis resté silencieux durant le trajet vers les Casernes centrales. ‘Mo pa ti interese osi pou koz ek zot’.
Quel était votre état d’esprit à ce moment-là ?
Sur le moment, je pense que je ne réalisais pas vraiment ce qu’il se passait. J’étais animé par la colère. ‘Nou kone sa bann zafer la pa ti dan loto mo papa. Nou kone nou pa dan sa bann zafer la.
Definitivman, sa kre enn laenn for’.
Il nous disait toujours de faire attention, estimant que si ses détracteurs ne parvenaient pas à l’atteindre, ils essaieraient à travers son entourage."
Beaucoup de questions sont posées sur le train de vie de votre père. Il ne travaille pas. Il roule dans une berline. D’où viennent ses revenus ?
C’est une très bonne question. En ce qui concerne mon père, je le dis haut et fort : ‘mo papa gagn so kas de manyer prop ek onet’. Il y a des personnes, que ce soit à Maurice ou à l’étranger, qui le soutiennent dans son combat en lui apportant une aide financière. Ce qui lui permet, à son tour, d’aider d’autres personnes.
Il voyage aussi à l’étranger, notamment pour faire des formations. Il était récemment aux Seychelles. Évidemment, il ne fait pas cela gratuitement.
Sans compter le fait que nous sommes trois dans cette maison : mon père, ma sœur et moi. Nous travaillons tous. Nous avons de bons postes dans de bonnes entreprises. J’ai un salaire qui me permet de vivre aisément, en subvenant à mes besoins et en me faisant plaisir. ‘Nou pa manz kaviar, nou viv lavi modesteman’.
Votre père roule dans une grosse cylindrée et vous aussi à ce qu’il paraît.
Moi ? ‘Enn ti motosiklet sa misie. Enn 250 cc’.
Comment vous êtes-vous procuré cette motocyclette ?
Comme je l’ai dit, je suis un employé de banque et je suis éligible à des prêts bancaires. Justement, j’ai contracté un prêt en 2020, comme en témoigne le contrat que j’ai avec la banque. La moto m’a coûté Rs 130 000.
Revenons à la grosse cylindrée de votre père, une BMW 750Li. Vous savez comment il a pu s’acheter un tel véhicule ?
Vous parlez d’une grosse cylindrée, mais il s’agit d’une voiture de 2002. ‘Ou kapav al verifie pri bann loto sa lane la’. Je pense que cela doit être autour de Rs 250 000 à Rs 300 000. ‘Monn deza dir li. Kan pou vande, Rs 200 000 pa pou gagne ek sa masinn la. (…) Li ena so bann ti kapris, ti defo’.
Vous avez l’habitude de l’utiliser ?
Très rarement, vu que j’ai ma moto. La dernière fois où je l’ai utilisée, c’était le 2 novembre, soit deux jours avant l’arrestation. Je l’ai dit aux enquêteurs. J’avais emmené ma grand-mère et ma sœur à Odysseo.
Nou pa manz kaviar, nou viv lavi modesteman."
Votre père est considéré comme un fervent opposant du pouvoir. Il mène un combat depuis 2020 et il est aujourd’hui étiqueté comme trafiquant de drogue. Que pensez-vous de tout cela ?
J’ai un mépris pour la justice et la force policière. C’est chagrinant et dégoûtant qu’à Maurice, nous ayons atteint un tel niveau. Il se peut que mon père soit devenu gênant pour certaines personnes.
Auriez-vous pensé que quelque chose pourrait lui arriver un jour ?
Définitivement. Nous étions même préparés à cela. Mais nous ne nous attendions pas à des coups bas pareils.
Consommez-vous de la drogue ?
Pas du tout. Je ne fume même pas une cigarette, aussi étonnant soit-il.
Vous êtes convaincu de l’innocence de votre père ?
À 100 %, voire plus.
Mais il se peut que vous ne le connaissiez pas à 100 % ?
Non. Je connais mon père. Depuis notre enfance, nous savons pertinemment qu’il a toujours été contre la consommation de drogue. Son propre frère a été victime de la drogue. Mon père était toujours là pour le soutenir. Il l’a accompagné dans sa cure de désintoxication et il lui a trouvé un travail.
‘Depi nou lanfans, se pa sa ki nou papa finn inkilke nou’. (…) Il est clair qu’il est en train de faire les frais de son combat. Il nous disait toujours de faire attention, estimant que si ses détracteurs ne parvenaient pas à l’atteindre, ils essaieraient peut-être à travers son entourage, ses enfants. C’est ce qu’il s’est passé.
Bien que préparés, nous ne nous attendions pas à de tels coups bas."
On prétend que votre père aurait d’autres maisons hormis celle où vous vivez actuellement en location ?
‘Mo ti a kontan trouv sa bann lakaz la mwasi’ (rires).
Vous ne parlez pas du tout de votre mère. Pourquoi ?
Pendant que j’étais incarcéré, cela a fait un an depuis que ma mère est morte. Nous habitions à Rose-Hill avec elle. Depuis sa mort, nous habitons avec mon père.
Pensez-vous pouvoir retrouver un jour votre père en liberté, après cette saisie de drogue estimée à quelque Rs 230 millions ?
Je n’ai aucun doute là-dessus. ‘Kan ou pena nanien pou repros ou, to ou tar laverite pou sorti’. Quand la vérité sortira, cela va faire très mal.
Ils sont nombreux à soutenir votre père. Avez-vous un message pour eux ?
Je leur dis un grand merci de m’avoir soutenu et du soutien qu’ils apportent à mon père.
L’entretien peut être visionné dans son intégralité sur la page Facebook de Defimedia.info et sur la chaîne YouTube de TéléPlus.
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