Jayen Cuttaree : le politiquement correct

Le plus rouge des mauves s’en est allé. Jayen Cuttaree, l’homme aux sept victoires aux élections générales, a connu un parcours politique riche. Homme de dialogue et d’ouverture, Jayen Cuttaree a symbolisé la fidélité.

Il aura été de ces rares politiciens à avoir entretenu de bonnes relations avec les dirigeants politiques de tous bords. Que ce soit sir Anerood Jugnauth, sir Satcam Boollell, sir Seewoosagur Ramgoolam ou Navin Ramgoolam. Jayen Cuttaree pouvait se permettre de dialoguer avec ces différents leaders et ce, peu importe le contexte politique du moment. Un événement qui peut bien l’illustrer s’est produit en 1982. Dans son livre ‘Ennemis Intimes’, Jean Claude de l’Estrac évoque une discussion entre SAJ, le Premier ministre de l’époque, et Jayen Cuttaree qui était, lui, ministre du Travail. Paul Bérenger, qui occupait le poste de ministre des Finances, était obligé d’appliquer des mesures d’austérité et il était mal à l’aise avec cette idée. « …alors que pendant des décennies, le ministre, en tant que négociateur syndical, n’avait cessé de militer en faveur de la classe laborieuse et il appréhendait donc la réaction populaire », raconte le livre. Paul Bérenger proposa alors au chef du gouvernement de solliciter un nouveau mandat électoral. Une suggestion qui n’a pas manqué d’irriter le Premier ministre d’alors et qui s’en est allé se confier à Jayen Cuttaree.

Le pédagogue, Dev Virahsawmy, soutient que c’est en raison de sa grande ouverture d’esprit et de sa capacité de dialoguer avec les autres que Jayen Cuttaree pouvait facilement se mettre à la même table avec les politiciens de tous bords politiques.

Originaire de Rose-Hill, l’enfant, issu d’une famille de conditions sociales très modestes, est un ancien élève du collège Royal de Curepipe. C’est dans cet établissement des hautes Plaines-Wilhems, qu’il avait fait la connaissance de plusieurs camarades qui finiront par devenir ses frères d’armes politiques. Notamment Prem Nababsing.

Jayen Cuttaree, s’est aussi mis au service du Parti travailliste pendant la campagne électorale de 1959, et aussi en 1967 lorsqu’il avait fait campagne avec les rouges pour l’indépendance. Visiblement très apprécié par l’establishment rouge, Jayen Cuttaree composera une petite équipe avec Vijay Joypaul, dont la tâche consistait à rédiger la motion à être déposée à l’Assemblée législative pour réclamer l’indépendance. « Vijay et Jayen avaient travaillé sur cette motion pendant une semaine entière à Phœnix, au domicile d’un des conseillers de SSR », témoigne Jugdish Joypaul, journaliste au Défi Media Group.

Cette proximité politique avec les rouges ne l’empêchera cependant pas de rallier les rangs du Mouvement Militant Mauricien (MMM).
Jugdish Joypaul explique qu’à son retour au pays dans les années 80, Jayen Cuttaree a vu l’effritement de ses affinités avec le Parti travailliste. Il décida ainsi de se joindre au MMM.

« Un pur-sang mauve ». C’est en ces termes que son fidèle ami, Rajesh Bhagwan le décrit. « Jayen a été avec le MMM dans les grandes victoires comme dans les plus grandes défaites du parti. Il a su se montrer loyal et n’a jamais pensé à quitter le navire mauve », déclare le député du Beau-Bassin/Petite-Rivière. Pour Rajesh Bhagwan, le cher disparu était un excellent gestionnaire ayant à son actif plusieurs projets de développement pour la ville de Beau-Bassin/Rose-Hill. « Il a aussi été l’artisan de la National Housing Development Company en 1991 lorsqu’il était ministre du Logement », dit-il.

Le président du Parti travailliste, Patrick Assirvaden, qui a côtoyé Jayen Cuttaree pendant la campagne électorale de 2014, soutient que celui-ci avait un flair politique extraordinaire. « Je me souviens d’une conversation avec lui. C’était avant une de nos conférences de presse. Il m’avait demandé mon avis sur le déroulement de la campagne. Je lui avais dit que tout allait bien. Il m’avait étonné en me disant qu’il y avait un problème avec notre alliance. Il m’avait dit que les militants ne s’étaient pas mobilisés pour notre premier grand meeting et qu’il n’y avait pas de cohésion entre les activistes rouges et mauves. Le temps lui a donné raison », dit-il. Patrick Assirvaden ne manque pas non plus de rendre hommage à la pérennité de Jayen Cuttaree, qui a toujours su se faire élire.