
Face à la flambée des prix, l’Association pour la protection des consommateurs de l’île Maurice (Acim) plaide pour des mesures plus ciblées afin de protéger les foyers les plus vulnérables.
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Le gouvernement a annoncé une baisse de prix sur certains produits surgelés et en conserve. Est-ce une réponse suffisante à la flambée des prix ?
C’est un pas dans la bonne direction, surtout avec la hausse des prix des légumes qui se poursuit depuis l’année dernière, sans la traditionnelle baisse saisonnière en hiver. Toutefois, cette décision, qui inclut aussi les lé-gumes empaquetés, demeure insuffisante. Il faut se rappeler que les prix des légumes frais dans le commerce au détail ont grimpé bien plus fortement que ceux des foires.
L’inflation reste pourtant une préoccupation majeure. Comment expliquer que, malgré les aides et les me-sures gouvernementales, le panier de la ménagère se vide aussi vite ?
Le panier de la ménagère comprend une variété de produits et services tels que l’alimentation, la santé, l’éducation, les transports, l’équipement domestique, les vêtements et bien d’autres. Or, la plupart de ces caté-gories ont subi des hausses de prix. En conséquence, non seulement le panier de consommation technique (défini par l’indice des prix à la consommation), mais aussi celui qui se remplit réellement en magasin sont lourdement impactés.
L’Acim a souvent dénoncé le manque de transparence dans la fixation des prix. Avez-vous été consulté avant ces annonces et estimez-vous que ces baisses sont réellement justifiées ?
L’Acim plaide depuis longtemps pour un contrôle plus strict des prix sur un plus grand nombre de produits que ceux actuellement régulés. Les baisses de prix, lorsqu’elles ont lieu, sont bien souvent illusoires, la véritable concurrence étant trop souvent de façade. La transparence sur le calcul des prix, notamment les marges (mark-up), ne devrait pas être laissée à la seule responsabilité des importateurs. Notre rôle reste le plaidoyer, les campagnes de sensibilisation et la participation aux comités lorsqu’elle y est invitée. Certains estiment que les distributeurs et importateurs bénéficient trop souvent d’une liberté totale sur leurs marges.
Faut-il un contrôle plus strict des prix sur les produits de base ?
Le marché mauricien est caractérisé par son exiguïté, la domination de certains opérateurs dans divers sec-teurs qui dictent les tendances des prix, un manque réel de concurrence – cette dernière étant souvent fac-tice – et une liberté de fixation des prix qui tient davantage de l’affichage idéologique que d’un véritable libé-ralisme économique. Plusieurs pays, pourtant acquis aux principes du libéralisme, ont mis en place un contrôle des prix. Parmi eux, on peut citer des pays européens, dont la France et l’Allemagne, mais aussi la Russie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine et l’Inde, qui applique un MRP (Maximum Retail Price ; NdlR).
Au-delà des produits surgelés et en conserve, quels autres postes de dépenses pèsent aujourd’hui le plus lourd sur le budget des foyers mauriciens ?
Comme évoqué plus haut, les dépenses médicales – incluant le coût des médicaments, des consultations et des soins dentaires –, représentent une charge importante. S’ajoutent à cela les vêtements, les chaussures, les boissons non alcoolisées et plusieurs autres produits du quotidien. Sans oublier les repas populaires, tels que les gâteaux divers, dholl puri et pains fourrés, entre autres.
Le gouvernement affirme que ces mesures visent à soulager les ménages les plus modestes. Ces baisses toucheront-elles vraiment les plus démunis ?
Ces mesures toucheront une partie des ménages les plus modestes, ainsi qu’une frange de la classe moyenne aisée, et au-delà. Il est essentiel d’avoir une vision claire et une évaluation objective du pouvoir d’achat des plus démunis afin de réellement les soulager dans leurs dépenses et leur donner le sentiment que leur porte-feuille est protégé.
L’Acim milite depuis longtemps pour une réforme en profondeur du système économique. Quelles me-sures prioritaires préconisez-vous pour lutter contre la vie chère ?
Le système économique est largement dominé par le grand capital, qui influence profondément les choix de politique économique. Le manque de vision claire et ouverte, le poids de l’argent et l’absence d’une véritable inclusion de ceux et celles qui souhaitent contribuer freinent trop souvent l’émergence d’un développement véritablement accessible à toute la population. La lutte contre la vie chère passe par plusieurs mesures essen-tielles : la réduction des coûts à l’importation, une politique d’encouragement aux pratiques de jardinage pour les ménages les plus modestes, une véritable autosuffisance alimentaire et le développement de nos capacités de pêche, tant industrielle qu’artisanale.
Quels conseils donneriez-vous aux consommateurs pour faire face à la hausse des prix ?
Achetez l’essentiel. Comparez les prix en faisant le tour des marchés et des promotions. Consultez votre famille avant de faire des achats importants. Plantez vos propres légumes lorsque cela est possible. Plusieurs écono-mistes estiment que la dépréciation de la roupie est l’un des principaux facteurs de l’inflation.
Le gouvernement en fait-il assez pour stabiliser la roupie et protéger le pouvoir d’achat ?
La dépréciation de la roupie influe négativement sur le coût des produits importés, les rendant plus chers. Dans certains cas, le commerce international en devises nationales pourrait s’avérer une solution bénéfique. La montée du dollar a longtemps pesé sur notre pouvoir d’achat, contribuant à son érosion.
Ces baisses ciblées ne risquent-elles pas de masquer des hausses sur d’autres produits de première néces-sité ?
La possibilité existe. Il faut néanmoins commencer par certains produits, mesurer leur impact et explorer d’autres solutions. L’Acim a souvent dénoncé l’existence de cartels et d’ententes entre certains importateurs.
Voyez-vous dans ces récentes mesures un effort pour casser les monopoles ou une simple opération de communication ?
Je pense que le gouvernement est conscient des dangers réels de l’inflation et s’attelle à la combattre. Toute-fois, il faut prendre le taureau par les cornes. Ne pas agir reviendrait à laisser le système perpétuer une poli-tique de commerce exploitant les consommateurs à outrance.
On parle souvent de « shrinkflation », cette pratique où les marques réduisent discrètement les quantités sans baisser les prix. Avez-vous constaté une aggravation de ce phénomène à Maurice ?
Ce phénomène existe et a pris une ampleur réelle, surtout depuis la crise de la Covid-19, lorsque les consom-mateurs ont perdu leurs repères en matière de prix.
Avec la montée des prix, de plus en plus de familles se tournent vers les produits de moindre qualité. Y a-t-il un risque pour la nutrition et la sécurité alimentaire ?
Ce risque est bien réel. Les ménages les plus modestes se tournent vers des produits de qualité inférieure. Cer-tains planteurs augmentent les doses de pesticides et mettent leurs produits sur le marché sans toujours res-pecter les délais prescrits pour chaque légume. La consommation devient involontairement malsaine, avec des conséquences directes sur la santé.

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