Si le gouvernement veut réaliser son ambition de faire de Maurice un pays à revenu élevé, il faudrait d’abord créer une situation de plein-emploi, affirme Jane Ragoo. Pour la porte-parole de la Confédération des travailleurs du secteur privé, 2016 sera une année décisive car la réalisation des promesses faites eu égard à l’emploi est attendue.
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Dans un rapport publié lundi, StatisticsMauritius prévoit un taux de chômage de 8 % cette année contre une estimation de 7,8 % en 2014. Que vous inspirent ces données ? C’est un chiffre qui a été évoqué à maintes reprises. À notre avis, il y a encore beaucoup de gens qui n’ont pas d’emploi dans le secteur formel. Il n’y a qu’à voir le nombre de marchands ambulants dans les rues. La majorité d’entre eux sont des femmes qui sont obligées de travailler par manque d’emploi stable et afin de joindre les deux bouts. Il y a aussi beaucoup de jeunes qui sont sans-emploi. Par ailleurs, 200 médecins n’ont toujours pas obtenu un job. Par contre, on constate que des permis sont toujours en train d’être accordés aux travailleurs étrangers. Nous comprenons que le nouveau gouvernement est au pouvoir que pendant une année. Toutefois, s’il veut réaliser son ambition de faire de Maurice un pays à revenu élevé (high income economy), il faudrait d’abord qu’il y ait le plein-emploi. Je pense, ici, à des emplois durables avec des salaires décents et non pas des emplois précaires.
On retrouve parmi des gens qui ont obtenu de l’emploi après juillet 2014 et qui sont considérés comme des étant proches de l’ancien régime. Il y a aussi ceux qui ont été licenciés dans le sillage de l’affaire BAI. Il y a eu également des pertes d’emplois au Domaine les Pailles, aux Éditions de l’Océan indien et notamment dans le secteur de la construction. On compte aussi, dans le secteur privé, une centaine de personnes qui auraient perdu leurs emplois après avoir été traduites devant un comité disciplinaire. Quel bilan faites-vous de situation sur le marché de l’emploi cette année ? Nous avons constaté qu’il y avait une frayeur de la part des employés, car ils se sont rendus compte de la facilité avec laquelle ils peuvent se retrouver sur le pavé si l’entreprise est en difficulté. Autre constat : beaucoup de travailleurs se sont rendus compte de l’importance du syndicat. Seuls, ils n’auraient pas pu faire entendre leur voix à tous les niveaux. Nous n’avons qu’à citer les exemples d’Iframac, de Courts, d’Apollo Bramwell, des Éditions de l’Océan indien, de Star Knitwear, des Casinos de Maurice, entre autres. Nous notons aussi qu’il n’y a pas eu de grande création d’emplois alors que beaucoup de promesses ont été faites. Toutefois, nous sommes conscients que beaucoup d’emplois ont été préservés sous la pression populaire, surtout dans le sillage de l’affaire BAI. Selon vous, comment évoluera la situation en 2016 ? Certes, on ne peut pas juger un gouvernement sur une année. Toutefois, 2016 sera une année décisive pour le gouvernement. Les ministres ne pourront pas utiliser le prétexte qu’ils sont en train de faire un constat. Il faudra réaliser les promesses faites. La CTSP veillera au grain. Nous surveillerons de près tout ce qui a trait àl’introduction d’un salaire minimal. Le gouvernement avait promis d’avancer un chiffre. Ce qui n’a pas encore été fait jusqu’à présent. Cherche-t-il à mettre cette responsabilité sur le dos des syndicalistes et du patronat ? Par ailleurs, le ‘Portable Sewerance Allowance Fund’, qui permet aux gens qui ont perdu leurs emplois de bénéficier d’un fonds géré par le gouvernement, n’a toujours pas été introduit. Il y a aussi la loi du travail qui n’a pas été amendée. Sous la pression de la CTSP, 14 ‘Remuneration Orders’ (RO), qui auraient dû être revus depuis 2013, se retrouvent depuis vendredi devant le ‘National Remuneration Bureau’. Or, nous sommes choqués d’apprendre qu’aucun syndicat, à part la CTSP, n’a soumis de proposition. Idem pour ce qui est du patronat. Le plus grave, c’est que ce sont seulement les salaires qui seront révisés. Il n’y aura donc aucune harmonisation des conditions de travail. Nous tenons aussi à faire ressortir qu’il n’y a toujours pas de RO pour les écoles spécialisées, le secteur financier, le secteur des services et le BPO. C’est autant de défis qu’il faudra relever l’an prochain. L’actualité est dominée ces jours-ci par l’affaire des marchands ambulants. Quel est votre regard sur la situation ? C’est un drame ! S’il y a une réelle volonté de trouver des solutions, on peut en trouver. C’est la responsabilité du gouvernement, que ce soit l’actuel ou l’ancien régime, si on se retrouve, aujourd’hui, dans ce cercle vicieux. Entre-temps, le nombre de marchands ambulants ne cesse de grossir. S’il y avait de bonnes conditions de travail et des salaires décents dans certains secteurs, les gens n’auraient pas été contraints de travailler dans la rue. Le gouvernement n’aurait pas dû attendre la période des festivités pour prendre des mesures que je qualifie de barbares. Il faudra mettre sur pied, dès janvier, un comité spécialpour trouver des solutions tout en faisant parallèlement un recensement pour identifier les vrais marchands ambulants.
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