Alors que nous célébrons, cette année, le 48e anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance, l’heure est au bilan. Quelles ont été les avancées dans le monde du travail dans une île Maurice post-indépendante ? Nous avons posé la question à plusieurs acteurs dans le domaine.
Ashok Subron: «Les acquis sont en train d’être rongés»
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«Les travailleurs sont, certes, mieux lotis que sous ceux ayant opéré sous l’ère coloniale. Mais c’est au prix d’énormes sacrifices et de douleurs, à travers de longues luttes syndicales dans les années 70’, que les travailleurs ont pu améliorer leurs conditions de travail dans une île Maurice post-indépendante. » C’est le constat que dresse Ashok Subron, militant syndical au sein de la General Workers Federation.
Parlant des avancées, il évoque une dose de protection contre les licenciements abusifs avec la mise sur pied du Termination of Contract Service Board ; des règlements concernant les horaires de travail, soit huit heures par jour ; et des salaires égaux pour les femmes. Il parle aussi de la compensation salariale annuelle qui apporte une bouffée d’air frais aux salariés se trouvant au bas de l’échelle.
Ce qu’Ashok Subron déplore, toutefois, c’est le fait que des droits acquis aient été remis en question sous l’Employment Relations Act et l’Employment Rights Act en 2008. Il fait référence au démantèlement du Termination of Contract Service Board. Ou encore, à la déréglementation des horaires de travail.
Dans plusieurs secteurs, ce sont désormais 12 heures par jour que les travailleurs effectuent et le dimanche est devenu un jour normal de travail. Autre point noir au tableau, selon le syndicaliste : la remise en question de la sécurité d’emploi, les procédures de licenciement ayant été assouplies pour des raisons économiques.
Mais, pour Ashok Subron, le plus gros contentieux dans l’île Maurice post-indépendante est le droit de grève. Il regrette le fait que ce droit soit toujours restrictif, malgré des amendements apportés à l’Employment Relations Act. « On ne peut pas avoir de négociations collectives dignes de ce nom s'il y a une restriction sur le droit de grève », martèle-t-il. Raison pour laquelle il se bat toujours pour que ce droit soit inclus dans la Constitution.
Une autre inquiétude du syndicaliste est le retour à la précarisation de l’emploi, comme c’était le cas avant l’indépendance du pays. Il est impensable, dit-il, qu’on recrute sur contrat même pour l’emploi le plus simple. Dans la foulée, Ashok Subron rappelle la tenue d’une grande manifestation contre la privatisation dans plusieurs secteurs, dont le port, le samedi 19 mars, à Port-Louis.
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Jane Ragoo: «Les travailleurs toujours limités dans leurs droits»
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Pour la présidente de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), les travailleurs font toujours l’objet de représailles quand ils militent pour leurs droits. Ce que Jane Ragoo regrette c’est que 48 ans après l’indépendance, les travailleurs ont toujours des difficultés à se joindre à un syndicat. « La loi garantit la libre adhésion à un syndicat, mais avec la répression patronale, les travailleurs du secteur privé ont peur de franchir le cap. »
De plus, déplore-t-elle, les droits des travailleurs sont limités sous l’Employment Relations Act et l’Employment Rights Act. « Ces deux législations sont pires que l’Industrial Relations Act et le Labour Act. » La syndicaliste dénonce le fait que les travailleurs courent toujours le risque d’être licenciés pour des raisons économiques. Mais Jane Ragoo reconnaît que nombre de femmes ont intégré le monde du travail, dont la plupart opèrent dans la zone franche. « Elles sont certes financièrement indépendantes. Mais à quel prix ? »
La syndicaliste ne veut pas brosser un tableau noir de la zone franche, qui, dit-elle, fait vivre plusieurs familles. Mais elle déplore les conditions de travail. Elle fait état de longues heures, de faibles salaires et le fait que plusieurs femmes du secteur jouissent très peu d’une vie sociale. Jane Ragoo souhaite, ainsi, que l’EPZ Remuneration Order soit revue dans les plus brefs délais.
Autre point mis en exergue par la syndicaliste : l’absence de Remuneration Orders dans certains secteurs, comme les centres d’appels, qui donnerait lieu à des abus. « Des employés sont contraints d’accepter les salaires qu’on leur offre », s’insurge-t-elle.
Pradeep Dursun, de la MEF: «Tous ont contribué au développement du pays»
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Pour le directeur de la Mauritius Employers’ Federation (MEF), Pradeep Dursun, tout le monde, qu’il s’agisse des employeurs ou des employés, a apporté sa contribution à la construction d’une île Maurice moderne. Un succès qu’il attribue aussi à la stabilité politique et sociale qu’a connue le pays depuis l’indépendance.
Pradeep Dursun reconnaît que c’est aussi le mouvement des travailleurs qui est à la base de l’indépendance. Il se réjouit que tous les mauriciens se soient retroussés les manches pour apporter leur pierre à l'édifice. En ce qui concerne le monde du travail dans une île Maurice post-indépendante, Pradeep Dursun parle de structures mises en place pour faire respecter les droits des travailleurs. À commencer, dit-il, par une refonte du ministère du Travail, la liberté syndicale et la mise sur pied d’institutions comme le Remuneration Board.
Pour ce qui est des lois du travail, le directeur de la MEF soutient qu’elles doivent répondre à certaines réalités. Ce qui signifie, dit-il, qu’elles doivent protéger les travailleurs tout en veillant aux intérêts des investisseurs et à la viabilité des entreprises face à la compétition internationale.
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Rashid Imrith: «Défi relevé par les fonctionnaires»
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Le président de la Fédération des syndicats du secteur public en est convaincu : la fonction publique s’est grandement transformée après l’indépendance. « Je peux dire, sans fausse modestie, que les fonctionnaires ont été à la base du succès économique et social de l’île Maurice post-indépendante », lance Rashid Imrith. Il fait notamment référence à la mise en application de plans de travail, à court, moyen et long terme dressés par le ministère du Plan et du développement économique.
Rashid Imrith reconnaît aussi que les fonctionnaires jouissent de plusieurs acquis, notamment la révision de leurs conditions de travail et de leurs salaires tous les trois ans par le Pay Research Bureau. Ils bénéficient aussi, ajoute-t-il, d’autres acquis, tels que les vacation leaves et les passage benefits, qui n’étaient, à l’époque, réservés qu’à des privilégiés.
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