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Les perspectives de la roupie dépendent largement de la différence entre les taux directeurs de la Réserve fédérale et de la Banque de Maurice, ainsi que de la position du commerce extérieur de notre île, explique Irfaan Boodhoo. Le Managing Economist chez Centre for Economics and Business Research n’écarte pas le risque que la roupie continue à se déprécier à court terme. Dans cet entretien, l’économiste évoque aussi la position que Maurice doit adopter face aux tensions commerciales entre les grandes puissances.
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Depuis que Donald Trump a été élu président des États-Unis, le dollar s’est renforcé. Cette tendance va-t-elle perdurer ? Et comment devrait évoluer la roupie sur les douze prochains mois ?
Le débat sur la question de savoir si les politiques de Donald Trump conduiront à un dollar plus fort ou plus faible reflète l’interaction complexe des forces économiques que son administration a mises en mouvement.
À court terme, les droits de douane pourraient soutenir le dollar. L’effet inflationniste des droits de douane - l’augmentation des prix à l’importation et des coûts de production nationaux - pourrait inciter la Réserve fédérale à maintenir des taux d’intérêt plus élevés. Ce qui attirerait les investisseurs étrangers à la recherche de rendements plus élevés et renforcerait le dollar. La déréglementation et les mesures de relance budgétaire sont également conçues pour stimuler la croissance et attirer les capitaux étrangers.
Toutefois, au fil du temps, l’impact économique des droits de douane (la réduction des échanges, le ralentissement de la croissance et la baisse de la productivité) pourrait affaiblir le dollar à mesure que ces effets structurels se feront sentir.
L’orientation finale du dollar dépend des forces qui dominent. La tension entre les objectifs politiques de Trump - stimuler la croissance tout en affaiblissant le dollar - fait de cette période l’une des plus imprévisibles de mémoire récente pour les marchés des devises. Les investisseurs devraient se garder d’une confiance excessive dans un seul résultat.
Les perspectives de la roupie mauricienne dépendent largement de la différence entre les taux directeurs de la Réserve fédérale et de la Banque de Maurice, ainsi que de la position du commerce extérieur de l’île. Actuellement, ces deux facteurs sont défavorables, ce qui suggère que la roupie continuera probablement à se déprécier à court terme, à moins que des réformes structurelles soient mises en œuvre pour stimuler les exportations. Il semble que la BoM ait attendu que la Fed réduise ses taux plutôt que d’augmenter son propre taux directeur pour rétablir la prime historique par rapport au dollar. Pour les économies de marché émergentes comme Maurice, le maintien de cette prime est crucial. Car il permet d’attirer les investissements étrangers, de limiter les sorties de capitaux et de stabiliser la monnaie en rendant les actifs nationaux plus attrayants pour les investisseurs mondiaux.
Il est temps pour Maurice de changer d’orientation et d’adopter des industries éthiques à forte valeur ajoutée… Il est temps de dépasser nos limites actuelles et d’élaborer une stratégie commerciale qui reflète nos ambitions et nos valeurs.
Une autre inquiétude concerne le renouvellement de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) après septembre 2025. À quel scénario doit-on s’attendre avec Trump aux commandes ?
L’AGOA a permis de stimuler les exportations de nombreuses nations africaines, de créer des emplois et d’encourager les investissements étrangers. Si elle venait à expirer sans être renouvelée, les exportateurs africains pourraient être confrontés à des droits de douane plus élevés, perdant ainsi un avantage concurrentiel sur le marché américain.
Bien que Trump ait mis l’accent sur le rééquilibrage des accords commerciaux afin de réduire les déséquilibres perçus avec divers partenaires, il n’a pas fait mention de l’AGOA en particulier. Cependant, son approche imprévisible de la politique commerciale introduit de l’incertitude.
Le renouvellement de l’AGOA dépendra de l’évolution de la politique commerciale américaine et du soutien du Congrès. Historiquement, l’AGOA a bénéficié d’un soutien bipartisan en raison de ses avantages perçus à la fois pour les économies africaines et pour les entreprises américaines à la recherche d’opportunités de commerce et d’investissement sur le continent.
L’administration de Trump augmentera significativement les droits de douane sur plusieurs territoires : 10 % à 20 % sur l’Union européenne, 25 % pour le Canada et le Mexique et 60 % pour la Chine. Quels sont les risques, mais aussi les opportunités pour Maurice ?
L’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et les principales économies : l’Union européenne, la Chine, le Canada et le Mexique pourrait entraîner un ralentissement de l’économie mondiale. Ce ralentissement pourrait réduire la demande pour les exportations mauriciennes de biens, mais aussi de services (tourisme, services professionnels et financiers), affectant des secteurs autres que ceux directement liés au marché américain, bien que cela semble peu probable à ce stade. Trump semble aimer utiliser des tactiques de menace, mais la mise en œuvre est une autre question. Personne ne sort gagnant d’une guerre commerciale.
Les relations commerciales de Maurice avec les États-Unis, notre troisième marché d’exportation en 2023, doivent être repensées en toute urgence. Plus d’un tiers de nos exportations vers les États-Unis sont constituées de primates vivants, ce qui nuit à l’image de notre pays alors que le monde s’oriente vers des tests sans animaux. Notre deuxième produit d’exportation, l’habillement, a été entaché par des scandales liés à des pratiques d’exploitation de la main-d’œuvre migrante. Des titres comme : « Barbour and owner of Calvin Klein and Hilfiger among brands to pay £400,000 after report alleges illegal hiring fees, deception and intimidation » soulignent les risques pour la réputation du pays.
Que recommandez-vous ?
Il est temps pour Maurice de changer d’orientation et d’adopter des industries éthiques à forte valeur ajoutée. Des produits tels que les sucres spéciaux, les fruits de mer de premier choix et les équipements médicaux de haute qualité représentent des domaines dans lesquels Maurice peut exceller. En montant en gamme, Maurice peut se débarrasser du stigmate d’exportateur à bas coût et à faible valeur ajoutée et se forger une réputation d’une nation de qualité et d’intégrité. Cette évolution nécessite des politiques audacieuses, des investissements ciblés et une stratégie de marque pour attirer des industries et des partenariats de grande valeur. Maurice dispose des ressources et des talents pour réaliser cette transformation. Il est temps de dépasser nos limites actuelles et d’élaborer une stratégie commerciale qui reflète nos ambitions et nos valeurs.
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