Inde : le commerce en ligne perce en zone rurale au bénéfice de la poste

Surinder Singh Yadav a franchi le pas et acquis en ligne un pulvérisateur de peinture, rejoignant ainsi des millions d'autres adeptes du commerce en ligne de l'Inde rurale. Un coup de pouce bienvenu pour la poste indienne, qui est la plus grande du monde et en difficulté financière. Yadav, fonctionnaire de 48 ans installé à Ula Hedi, un village du Rajasthan (ouest), raconte que sa famille le pousse souvent à commander des produits vus lors d'une publicité à la télévision. L'apparition du commerce électronique a changé la façon d'acheter de cette famille qui, comme beaucoup d'Indiens des campagnes, vit loin d'une grande ville et a donc difficilement accès à certains biens. Chet Ram, le postier du district de Neemrana qui a livré le paquet de Yadav, parcourt entre trois et huit kilomètres par jour à vélo pour livrer ses paquets dans les villages. « Ces entreprises (d'e-commerce) nous offrent une variété de produits que nous ne trouvons pas sur nos marchés locaux et une qualité à des prix compétitifs, avec une livraison à domicile », souligne Yadav. La poste indienne joue un rôle important en livrant dans les zones rurales les plus reculées et espère que la croissance du commerce en ligne va contribuer à son redressement. Elle a noué des accords avec 400 groupes d'e-commerce depuis deux ans, dont Amazon et le géant indien Flipkart, et livre ainsi tous leurs produits, du téléphone mobile au purin de vache. Son réseau de 155.000 bureaux employant 460.000 personnes lui permet de livrer dans les zones les plus lointaines, souvent situées à des centaines de kilomètres de la ville la plus proche. « Jusqu'à récemment, les habitants de ces zones rurales avaient des aspirations mais aucun moyen d'accéder au marché », relève Kavery Banerjee, secrétaire générale de la poste indienne, auprès de l'AFP. « Nous livrons maintenant du prêt-à-porter féminin et les derniers gadgets électroniques même dans les régions les plus reculées comme Leh ou le Ladakh », dit-elle. Les livraisons de paquets ont été multipliées par 15 en deux ans pour atteindre les 75.000 par jour. Grâce à son partenariat avec la poste indienne, Amazon India peut acheminer des colis dans « toutes les zones de l'Inde ayant un code postal », relève Samuel Thomas, directeur des transports du groupe en Inde. L'absence de sociétés de messagerie fiables hors des grandes villes a conduit la poste indienne à combler ce vide. « Nous livrons désormais beaucoup plus de paquets venant de groupes comme Myntra, Amazon, Flipkart, Naaptol ou d'autres aux habitants dotés de l'électricité, d'un accès à l'internet mobile et de la télévision », explique K.C. Verma, un responsable de la poste du district de Neemrana, à l'AFP. Une clé du succès est la possibilité de payer comptant à la livraison: beaucoup d'habitants des zones rurales sont en effet peu habitués au paiement par carte; ou bien ils n'ont tout simplement pas de compte bancaire; ou, peu au fait du commerce en ligne, ils se méfient des sites de vente sur internet et veulent attendre d'avoir la marchandise en mains pour la régler. Le montant des paiements à la livraison enregistré par la poste était attendu en hausse de 300% sur un an à la fin de l'exercice 2015 (clos fin mars), selon la poste. Le système a aussi ses ratés Sudesh Yadav, épouse d'un agriculteur du village de Daulat Singh Pura dans ce même district de Neemrana, a refusé la livraison du paquet commandé, un kit de nettoyage de voiture : « La société a envoyé le paquet avec une semaine de retard », dit-elle au facteur qui vient d'arriver chez elle par un froid matin de janvier. « Nous en avons acheté un autre entre-temps en ville. Reprenez-le ». La poste indienne, fondée en 1854 à l'époque coloniale, espère que la croissance de l'e-commerce l'aidera à remettre de l'ordre dans ses finances dans le rouge. Elle affiche une perte nette annuelle de 800 millions de dollars. Le ministre des Communications et technologies de l'Information, Ravi Shankar Prasad, a dit en janvier que la poste indienne avait le potentiel pour devenir « la première plateforme de livraison au monde pour le commerce en ligne ». Mais la route est encore longue. La plupart des petits bureaux de poste, comme celui de Neemrana, dépendent d'un réseau de transport public peu fiable pour la réception ou l'expédition de paquets vers les bureaux principaux. Les facteurs utilisent de vieux sacs et des vélos qui rendent difficiles la livraison des paquets les plus gros et les livraisons multiples. La poste indienne ne sait ainsi qu'au bout de deux jours si un paquet avec paiement à la réception a été accepté par un client, un problème qu'elle veut résoudre en dotant ses facteurs de terminaux mobiles. Elle a modernisé ou créé 70 centres logistiques près de bureaux existant depuis deux ans et entend renforcer sa flotte, qui compte actuellement 900 camions. Pour les facteurs des campagnes, ce flux de paquets leur rappelle les années 80 et 90, quand le courrier était plus abondant. « Ces livraisons nous ont redonné de l'activité », se félicite Ratan Lal, un facteur de Neemrana.
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