Inde: l'arrestation d'un étudiant pour sédition alimente un débat sur la liberté d'expression

La polémique provoquée par l'arrestation pour sédition d'un étudiant dans une prestigieuse université indienne a mis en lumière le fossé croissant entre intellectuels de gauche et le gouvernement nationaliste. Le leader étudiant Kanhaiya Kuma est accusé d'avoir entonné des slogans anti-indiens lors d'une manifestation le 9 février au sein de la Jawaharlal Nehru University (JNU) de New Delhi pour marquer le troisième anniversaire de l'exécution d'un séparatiste du Cachemire. Depuis, des milliers d'étudiants et de professeurs manifestent à travers le pays pour dénoncer cette arrestation, accusant le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi de se servir d'une loi datant de l'époque coloniale britannique pour faire taire toute voix dissonante. Le gouvernement refuse de céder et prévient: toute personne qui aurait un comportement « anti-national » subira un sort similaire. Scènes extraordinaires, des avocats proches de la droite nationaliste hindoue ont frappé Kanhaiya Kumar au tribunal et lancé des pierres sur des journalistes, sous le regard indifférent de la police. Universitaires comme étudiants craignent que cette arrestation ne fasse partie d'une campagne de répression délibérée contre la JNU, considérée comme le repaire d'une intelligentsia de gauche fière de son indépendance d'esprit. « A leurs yeux, il s'agit d'un campus anti-pouvoir, dont l'idéologie s'oppose à celle du BJP, le Bharatiya Janata Party (BJP) de M. Modi », dit à l'AFP Gulshan Sachdeva, professeur à l'école des études internationales de la JNU. « Ils cherchaient un prétexte, il s'agissait d'envoyer un message », ajoute-t-il. L'arrestation du leader étudiant n'est que le dernier en date d'une série d'incidents survenus dans des campus indiens et qui visent à museler les voix dissidentes, disent les critiques. « Nous condamnons les excès de l'Etat lors des incidents qui se sont produits dans divers établissements et les tentatives de la droite hindoue d'étouffer l'opposition et les différences », écrivaient la semaine dernière 42 chercheurs et universitaires membres de l'Institut indien de technologie de Bombay, un établissement de premier plan. Depuis son arrivée triomphale au pouvoir lors des législatives de 2014, Narendra Modi n'a eu de cesse de faire avancer la cause de l'Inde sur la scène internationale et de renforcer le sentiment de fierté nationale. Mais d'après ses opposants, ses efforts ont ragaillardi les nationalistes et nourri l'intolérance. Leurs craintes ont été confortées par une série d'attaques violentes contre des intellectuels laïcs […] En signe de protestation, des écrivains ont refusé des prix littéraires, en dénonçant le silence du Premier ministre. La manifestation du 9 février était destinée à commémorer l'exécution d'Afzal Guru, condamné pour l'attaque meurtrière contre le Parlement indien en 2001. Le condamné avait toujours clamé son innocence et certains opposants ont estimé que son procès n'avait pas été équitable. Kanhaiya Kuma dément avoir crié des slogans anti-indiens lors de ce rassemblement mais a critiqué en public le nationalisme de droite. Le ministre de l'Intérieur Rajnath Singh a averti que toute personne qui scanderait des slogans qui « tentent de remettre en question l'unité et l'intégrité de la nation ne serait pas épargnée ». La presse indienne, qui a consacré de multiples unes à cette affaire, estime que le gouvernement a eu une réaction disproportionnée. Avec AFP
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