- La saturation du centre de Mare-Chicose au cœur du problème
«L’opérateur du centre de déchets aura à assumer ses responsabilités. De premières observations indiquent que des déchets inflammables qui ne sont pas supposés être au centre de Roche-Bois s’y trouvaient. Il faudra à présent attendre les résultats de l’enquête pour en savoir plus », a déclaré Bhagutsingh Beerachee, directeur de la Solid Waste Management Division du ministère de l’Environnement.
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24 heures après l’incendie qui a entraîné la fermeture du centre de dépôt de Roche-Bois, les premières hypothèses sur les origines du sinistre font surface. Elles sont basées sur les témoignages des employés impliqués dans le transfert des déchets du dépôt de Roche-Bois vers le centre d’enfouissement de Mare-Chicose. Ceux-ci pointent vers un problème majeur : la saturation du centre de Mare-Chicose.
« Depuis plusieurs mois, il devient de plus en plus difficile pour les responsables du site de Mare-Chicose de traiter tous les déchets acheminés vers ce centre », explique un employé. « Soit ils refusent carrément de réceptionner les déchets, soit ils sont acceptés en quantités réduites. Et les déchets non acceptés sont renvoyés vers le centre de Roche-Bois. »
Les autorités auraient été alertées sur la saturation de Mare-Chicose. Ce qui s’est passé au centre de Roche-Bois pourrait également se produire dans d’autres dépotoirs, car tous ces sites font face à la même situation. La saturation de Mare-Chicose entraîne le retour quotidien de déchets vers les dépotoirs, augmentant ainsi les risques d’incidents similaires.
Les chauffeurs qui entrent dans les dépotoirs sont souvent contraints de circuler sur des amas d’ordures qui n’ont pas pu être transférés vers Mare-Chicose. « Circuler dans le dépotoir de Roche-Bois ou même celui de La Chaumière ou encore de La Brasserie est devenu un véritable danger. Il est difficile de rouler dans ces centres en raison des montagnes de déchets qui s’y trouvent. La vérité, c’est qu’on est sur une véritable bombe à retardement avec ces dépotoirs », relate un chauffeur. Deux jours avant l’incendie au dépotoir de Roche-Bois, environ onze camions contenant une centaine de tonnes de déchets auraient été retournés à Roche-Bois.
Bhagutsingh Beerachee explique cette situation par le retard du projet d’expansion verticale de Mare-Chicose. « Un contrat était sur le point d’être accordé en 2023 pour mener ces travaux d’expansion verticale. Mais à la dernière minute, le Central Procurement Board (CPB) a annulé l’exercice d’attribution de contrat », indique-t-il.
« À la suite à cette décision du CPB, le ministère de l’Environnement a été contraint d’accorder un contrat à travers un exercice d’Emergency Procurement. Ce qui a retardé le rythme du traitement des déchets, car nous ne pouvions pas traiter de grosses quantités », ajoute le directeur. Ce n’est finalement qu’un contrat de Rs 3 634 999 964 a été accordé au consortium Sotravic Ltée/Strata en juillet. « Les travaux d’expansion verticale vont durer cinq ans. Mais dans deux mois, la situation va commencer à s’améliorer, car il y a actuellement une phase de transition », ajoute-t-il.
Ehsan Juman : «il faut délocaliser le centre de déchets de Roche-Bois»
Le député de la circonscription n° 3 (Port-Louis Maritime/Port-Louis est), Ehsan Juman, propose de délocaliser le centre de déchets de Roche-Bois, parce qu’il se trouve dans une zone résidentielle. Le centre de Roche-Bois est entouré de lieux où sont stockés des produits pétroliers, en raison de sa proximité avec le port. « Le dépotoir de Roche-Bois est saturé de déchets. Ont-ils été brûlés plutôt qu’être transférés vers Mare-Chicose ? » se demande-t-il.
Joanna Bérenger : «un problème systémique»
« Le problème est systémique. Mais je crois que ce qui se passe reflète soit un manque de planification et de vision de ce gouvernement, soit les conséquences de la corruption et de l’incompétence qui ont empêché la mise en œuvre de projets nécessaires », avance Joanna Bérenger. Selon la députée du Mouvement militant mauricien (MMM), la capacité du site de Mare-Chicose était de deux millions de tonnes de déchets pendant une période de dix-neuf ans.
« Aujourd’hui, plus de dix millions de tonnes de déchets ont été enterrées sur ce site d’enfouissement. Depuis plus de trois ans, il est saturé, et le gouvernement, qui est au pouvoir depuis dix ans, le savait ! Pourtant, ce n’est que maintenant que des contrats sont accordés pour créer des ‘espaces’ et l’extension verticale.
Alors qu’un des projets annoncés en 2019 prévoyait cette extension à court terme », ajoute-t-elle. Selon elle, « cette incompétence est en train de conduire à dessituations comme celle d’aujourd’hui. »
Descente de la police scientifique pour déterminer l’origine du feu
Une descente de la police scientifique, accompagnée d’autres experts, a eu lieu à la station de transfert d’ordures de Roche-Bois dimanche. Les experts ont procédé à des prélèvements sur les lieux en vue de déterminer l’origine de cet incendie. Ils ont cependant eu certaines difficultés à accéder aux divers points souhaités. L’exercice devrait reprendre ce lundi 29 juillet. Ces prélèvements ont pour but d’identifier la présence de divers produits et surtout d’identifier s’il y a des substances spécifiques utilisées sur les lieux qui pourraient avoir causé l’incendie.
D’autre part, l’état de santé de l’opérateur d’une pelleteuse, qui a subi des brûlures lors de l’incendie samedi après-midi au dépôt d’ordures, est jugé sérieux par les médecins. Admis aux soins intensifs de l’hôpital PMOC à Candos, depuis samedi soir, ce ressortissant indien de 32 ans, a été piégé dans la cabine de la pelleteuse où il travaillait. Deux autres individus sur place ont également subi des brûlures. L’un d’eux a été admis dans une clinique privée de la capitale, tandis que l’autre a quitté l’hôpital samedi soir après avoir reçu des soins.
Entre-temps, les camions de déchets ayant l’habitude de jeter leurs contenus au dépôt de Roche-Bois devront se diriger vers les stations de transfert de Poudre-d’Or et de La Chaumière.
Les braises restantes seront éteintes d’ici mardi
Depuis que l’incendie a éclaté au dépotoir de Roche-Bois, samedi, les autorités, dont les pompiers travaillent d’arrache-pied pour éteindre complètement le feu. Dans un communiqué émis au courant de la journée du samedi 27 juillet, le ministère de l’Environnement soutient que l’incendie est sous contrôle et que les braises restantes seront éteintes d’ici mardi. De plus, il est indiqué qu’une excavatrice a été déployée pour briser le stock de déchets afin de faciliter la tâche des pompiers. Ces derniers, selon le chef de la station des pompiers, M. Bhugun du Mauritius Fire and Rescue Services (MFRS), ont travaillé toute la nuit de samedi pour maîtriser l’incendie.
Le National Environmental Laboratory, qui surveille la qualité de l’air ambiant près de la station, a publié un deuxième rapport, hier dimanche, montrant qu’il n’y a pas de pollution dans les zones habitées. « Aucune colonne de fumée ni de nuisance olfactive n’a été détectée dans les zones résidentielles et l’estuaire des oiseaux de Rivulet Terre-Rouge. Les gaz toxiques et les composés organiques volatils ont été testés aux endroits suivants : près du centre communautaire et la plage publique de Baie-du-Tombeau, le parc de loisirs de Roche-Bois, l’entrée du sanctuaire des oiseaux et à la route Abattoir. Les résultats préliminaires de l’analyseur de gaz portable ont montré que l’air ambiant était à un niveau sûr », rassure le ministère de l’Environnement.
En outre, Anwar Husnoo, ministre des Collectivités locales et de la Gestion des risques de catastrophes, et Kavy Ramano, ministre de l’Environnement, de la Gestion des déchets solides et du Changement climatique ont effectué une visite sur le site tôt dimanche matin. Accompagnés des officiers du ministère, ils ont évalué la situation.
Pour sa part, l’employé blessé, souffrant de brûlures à la jambe, a été transporté à l’hôpital Victoria, Quatre-Bornes, pour recevoir des soins.
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