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Horaires: ces employés qui cumulent jusqu’à 72 heures par semaine

Quelque 200 000 employés à Maurice travaillent quotidiennement à des heures indues, avancent les syndicalistes. Certains font jusqu’à 72 heures par semaine alors que la règle dans les pays industrialisés est de 8 heures quotidiennement. Employés et syndicats réclament des amendements à la législation.

Meera, agent de sécurité: « Je n’ai plus de vie familiale »

Meera, une mère de famille d’une cinquantaine d’années, a toujours l’air épuisée. Ce n’est guère étonnant quand on sait que, depuis une dizaine d’années, elle travaille 12 heures par jour et cela six jours sur sept. « C’est vrai que j’ai signé un contrat à cet effet, mais ce n’est pas aussi évident de travailler autant d’heures. Je n’ai plus de vie familiale », explique Meera. Et pour cause, chaque matin, elle doit être sur son lieu de travail dès 6 heures du matin et ce jusqu’à 18 heures. « Je quitte la maison à 5 heures et ce n’est qu’à 19h30 que je rentre chez moi. J’ai qu’un fils unique et je le vois à peine », décrie-t-elle.

Les différentes heures de travail imposées à Maurice

  • Les agents de sécurité et les gardiens doivent travailler 12 heures par jour.
  • Les employés qui ne sont pas régis par les ‘Remunerations Orders’ (Ndlr : ceux travaillant dans le secteur des services, les Tics ou encore les cadres administratifs) sont tenus de travailler 90 heures par quinzaine.
  • Les employés, qui sont régis par les ‘Remunerations Orders’, doivent travailler 45 heures par semaine.
  • Les employés de l’hôtellerie sont, eux, tenus à travailler 48 heures par semaine.

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Certains jours, quand elle doit aller travailler à Flic-en-Flac, Meera doit quitter son domicile à 4h30 du matin pour rentrer chez elle à 19h45. D’où son cri de cœur pour que la loi soit amendée en vue de réduire le nombre d’heures de travail des agents de sécurité. « À mon âge, c’est difficile de trouver un autre emploi. Je suis donc contrainte de travailler comme agent de sécurité. Mes collègues et moi, nous aurions souhaité travailler 8 heures par jour, comme la majorité des employés. Nous n’en pouvons plus avec ce rythme. Nous sommes tout le temps fatigués. Il faut trouver une solution », réclame Meera, qui a intégré ce poste après que l’usine de textile où elle a travaillé pendant 19 ans a délocalisé ses activités à l’étranger. Pourquoi ne pas en parler avec l’employeur ? « Aucun d’entre nous n’ose le faire, car nous craignons d’être renvoyés. Or, nous avons bien besoin de cet emploi », fait ressortir Meera, qui ne touche qu’un salaire de base de Rs 9 000.

Ce que dit la loi

Un agent de sécurité doit travailler 12 heures par jour. Ces heures incluent l’heure du déjeuner (une heure) et deux tea breaks (10 minutes chacun). Il a droit à au moins un jour de congé un dimanche une fois par mois.

Pascal, superviseur dans une usine de textile: « Nous acceptons les horaires imposées au risque de perdre notre emploi »

La vie professionnelle de Pascal, un père de famille de 4 enfants âgé de 51 ans, a changé du tout au tout en 2009. Cette année-là, l’usine où il travaille comme superviseur a mis 150 à 200 employés à la porte. « À l’époque, on travaillait comme suit : un jour le matin, on travaillait la nuit le lendemain et le jour suivant, on avait un congé. Mais, comme le nombre de personnel a été réduit, nos heures de travail ont également changé », indique-t-il. Ainsi, Pascal et ses collègues travaillent 6 jours le matin, de 7 heures à 18 heures, soit plus de 60 heures par semaine et la semaine ensuite 6 jours le soir, de 18 heures à 7 heures du matin. « Nous sommes obligés de nous conformer à ces horaires au risque de nous retrouver nous aussi sur le pavé », fait il ressortir. Et d’ajouter : « Depuis 2009, nous ne sommes également pas payés pour les heures supplémentaires. Par contre, nous recevons une ‘allowance’ si nous travaillons les dimanches, mais il faut que nous insistions pour le recevoir ». Tout comme Meera, Pascal réclame, lui aussi, que les heures de travail soient  réduites.

NOTE: Les noms utilisés sont fictifs, car ces employés ont peur de subir des représailles de la part de leur employeur.

Reeaz Chuttoo, syndicaliste: « Un employé n’est pas une machine »

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« La loi du travail à Maurice ne définit pas le ‘night work’ et le ‘day work’. Elle ne comporte également aucune disposition sur l’impact des ‘odd and irregular hours’ sur la santé des travailleurs. Pour résumer, la loi actuelle ne protège nullement les travailleurs », martèle Reeaz Chuttoo. Pour le syndicaliste, il y a une « surexploitation » des travailleurs par les entreprises. « Beaucoup de gens sont endettés et sont contraints de travailler à n’importe quelle heure. Ce qui a un impact sur leur vie familiale et sociale. Certains enfants voient, en effet, leurs parents qu’une ou deux fois par semaine, car ces derniers partent travailler très tôt et reviennent tard. Ces travailleurs tombent aussi souvent malade, car ils mangent beaucoup de ‘fast food’, vu qu’ils n’ont pas le temps de préparer leur repas. Plusieurs études réalisées par l’Université de Maurice l’ont démontré, mais nos décideurs politiques n’amendent pas la loi, car ils subissent des pressions du secteur privé qui finance leur campagne électorale. Or, la règle dans les pays industrialisés, c’est 8 heures de travail, 8 heures de loisirs et 8 heures de repos par jour », explique-t-il. D’où son insistance pour que la loi soit revue. « Il faut introduire des garde-fous qui reconnaissent qu’un employé n’est pas une machine », recommande-t-il.
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