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Grèves de la faim : enfants du silence et du mépris

greve Jane Ragoo estime qu’une grève de la faim est l’ultime recours.

Les grèves de la faim n’ont pas manqué ces dernières années. Certains des acteurs de plusieurs d’entre elles expliquent que c’est la seule option qui reste quand le dialogue est inexistant et que les pieds des décideurs et fonctionnaires ne touchent plus terre.

Depuis le début de l’année, le pays est à sa troisième grève de la faim. Il y a eu celle des plaisanciers, puis celle des prisonniers et l’actuelle de Clency Harmon pour l’instauration d’une Land Court. Les grèves de la faim s’enchaînent si on remonte un peu plus dans le temps. Pourquoi ? Selon des interlocuteurs qui ont participé à ou soutenu des grèves de la faim, la faute est à attribuer à une panne de communication et un manque d’empathie au niveau des décideurs.

« Vous mettez le doigt dans la plaie quand vous abordez le manque de communication, explique la syndicaliste Jane Ragoo, personne n’a envie d’entrer dans une grève de la faim, mais il y a des moments où la communication est coupée ou n’a même pas été lancée. »

La syndicaliste de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) s’était lourdement impliquée dans la grève de la faim des cleaners du ministère de la Santé qui touchaient un salaire de misère inférieur au salaire minimum. Selon elle, les décideurs ont tendance à croire que les grévistes ne sont pas sérieux dans leur entreprise. « Ils ne réalisent pas que les gens ne mettent pas leur vie en danger si ce n’est pas une solution de dernier recours », explique-t-elle.

Dans le cas des cleaners, la syndicaliste explique que ce n’était pas les dirigeants politiques qui étaient le plus à blâmer pour le manque de communication, mais plutôt un fonctionnaire. « Il y avait un officier en particulier au niveau du ministère qui ne nous prenait pas au sérieux, révèle-t-elle, c’était un très haut cadre qui nous a menés en bateau. S’il avait fait son travail comme il le fallait, nous n’en serions pas arrivés là. »

Pourquoi une telle réaction ? Le manque d’empathie envers ceux au plus bas de l’échelle, selon Jane Ragoo. « Quand vous avez atteint un certain niveau, que vous touchez un certain salaire, vos pieds ne touchent plus terre… » estime la syndicaliste.

Salim Muthy a également participé à beaucoup de grèves de la faim ces dernières années. Il assure que toutes les autres options ont été épuisées pour en arriver à cet extrême. « Au départ, nous faisons des revendications, demandons des rencontres, explique le travailleur social. Quand rien n’aboutit, quand il y a une rupture totale de la communication avec l’État, nous arrivons au point où la grève de la faim devient une option. »

Selon notre interlocuteur, à Maurice, c’est souvent le seul moyen de convaincre les autorités de bouger. « C’est souvent le black-out total, poursuit Salim Muthy, par exemple, un High-Powered Committee a été mis sur pied en 2012 pour appliquer une dizaine de recommandations d’une commission d’enquête sur la Sale by Levy et sept ans après, il n’y a toujours rien de concret. »

Mais celui qui démarre une grève sous le coup de l’émotion, par sensationnalisme ou pour se faire de la publicité joue à un jeu dangereux. « Le jeu doit vraiment en valoir la chandelle », assure Salim Muthy.

Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du service public (FSSP), estime, de son côté, que c’est perte de confiance dans les institutions qui est à blâmer. « C’est quand les gens perdent confiance dans les institutions qu’ils ont recours à une grève de la faim, estime le syndicaliste, ils s’attendent à ce que les autres vont être conscientisés par leur acte pour que le combat continue. »
Selon lui, le comportement peut laisser l’impression d’un dialogue de sourds. Ce qui peut finir par convaincre que cela ne sert à rien de poursuivre la discussion. Et de déclencher au final, la grève de la faim.

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Grève de la faim des victimes du plan Super Cash Back Gold.
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Les femmes cleaners en grève pour revendiquer un salaire décent.

 

Comment se prépare une grève de la faim

Salim Muthy a participé à cinq grèves de la faim ces dernières années : trois pour les victimes de vente à la barre, en 2007, 2009 et 2011 ; une pour les ex-planteurs de Riche-Terre en 2011 et une dernière pour les victimes de Super Cash Back Gold de l’ex-BAI en 2017. Il explique qu’on ne se lance pas dans une grève de la faim sur un coup de tête.

« Il faut se consolider au préalable, raconte Salim Muthy, on ne se lance pas du jour au lendemain. » L’ancien gréviste explique qu’au troisième jour de grève, on souffre d’un mal de tête extrême, avec des crampes d’estomac à la clé. Après le troisième jour, les choses retournent à la normale : « On ressent bien une petite faim, mais si on consomme de l’eau, on est o.k. Sinon, ce sont les reins qui peuvent en pâtir. » À partir du 12e jour, la dose de sérum quotidienne devient nécessaire.

Selon Salim Muthy, il n’est pas conseillé à un diabétique, à une personne qui souffre d’hypertension ou d’autres maladies cardiovasculaires de se lancer dans une grève de la faim. « Cela ne vaut pas la peine de traîner les séquelles d’une dizaine de jours de grève de la faim toute sa vie », assure-t-il.

 

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