Lors de la conférence de presse la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, a fait ressortir que la mesure gouvernementale concernant la gratuité des études supérieures vise à « alléger le fardeau des familles ». Elle souligne que c’est une « mesure historique ».
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« À Maurice, l’État ainsi que les parents, ont mis beaucoup d’accent sur l’éducation gratuite. D’où le fait que l’État n’a pas hésité à investir pleinement dans le capital humain. Nous complétons le cycle de l’éducation gratuite à travers cette mesure. C’est maintenant qu’on peut dire que tous les étudiants ont les mêmes chances. Le but de la gratuité des études supérieures est de démontrer que le financement ne doit pas être un obstacle. Cette mesure a été introduite dans un souci d’équité. Nous ouvrons les portes vers d’autres possibilités. Avec la gratuité des études tertiaires, nous sommes confiants d’atteindre la qualité », a fait ressortir la ministre de l’Éducation.
Cette mesure « historique, complète la chaîne » de l’éducation gratuite. « Toutes les mesures annoncées dans le domaine de l’éducation tertiaire prennent forme. Il est important que nos jeunes terminent leurs études supérieures afin qu’ils puissent s’adapter aux changements dans le monde », a-t-elle dit. Cette dernière a une fois de plus rappelé que 2019 sera l’année de l’enseignement supérieur et de la formation technique.
Elle a ensuite souligné que le pays doit produire des gradués en matière de robotique, Blockchain et d’intelligence artificielle. « Nous devons nous assurer à ce que ces créneaux disposent d'une main-d’œuvre formée. Les portes se sont ouvertes à travers Polytechnics Mauritius », a-t-elle poursuivi. Elle a, dans la foulée, annoncé que l’Université des Mascareignes débutera des cours axés sur l’intelligence artificielle et la robotique.
Kiran Bhujun : «On peut toujours accueillir d’autres étudiants»
Kiran Bhujun, Officer-in-Charge à l’University of Technology Mauritius, souligne que la gratuité des études ne sera pas au détriment de la qualité. « Bien au contraire », a-t-il fait comprendre. Il souligne qu’actuellement, il y a des aspirants étudiants qui se voient refuser une place à l’université car ils ne répondent pas à certains critères. « C’est simple : si l’étudiant n’a pas les compétences requises, il ne sera pas admis », dit-il. « Au sein de l’UTM, nous avons un nombre limité de places. Il y a certains cours qui regroupent une vingtaine d’étudiants, alors que d’autres en comptent une quarantaine », précise-t-il.
Dinesh Somanah : «L’accent sera toujours mis sur la qualité»
Dinesh Somanah, directeur de l’Université des Mascareignes (UDM), indique, de son côté, que cela fait trois ans qu’il est le directeur. « Nous avons toujours mis l’accent sur la qualité et cela ne va pas changer. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Université de Limoges, ce qui est un autre gage de qualité », indique-t-il.
Dinesh Somanah ajoute que l’UDM peut accueillir jusqu’à 1 500 étudiants. « Actuellement, nous comptons 1 000 étudiants. En accueillir davantage ne posera pas de problème », affirme-t-il.
Temoignages
La décision du Premier ministre de rendre les études supérieures gratuites soulève des interrogations chez certains étudiants. À l’instar de Pooja Gokhool, qui pense poursuivre des études en PGCE à temps partiel au MIE après son Diploma. Selon elle, il faut bien réfléchir avant d’introduire cette mesure : « Je pense que c’est bien pour ceux qui n’ont pas les moyens. Toutefois, il faut savoir d’où viendra l’argent qui servira à subventionner ce projet et ce qu’il adviendra des diplômés-chômeurs ? ».
Komal Reesaul, étudiante à plein temps en dernière année à l’Université de Maurice, est, elle, d’avis que dorénavant les étudiants devront être « plus sérieux dans leurs études ». « Je suis contente que les cours soient gratuits. Ceux dont les parents n’ont pas les moyens pourront maintenant aspirer à obtenir une licence. Mais, tous gagneront à être plus appliqués. Je crains cependant que cela entraîne une baisse dans le niveau. »
Selon Manjeeta Foolchand, diplômée au MIE à temps partiel, avec la mesure annoncée « les étudiants n’auront plus à travailler, pour payer leurs cours ». « Ils pourront se consacrer totalement à leurs études », explique-t-elle.
D’autre part, ceux qui souhaitaient entamer des études à plein temps et ne pouvaient le faire à cause de problèmes financiers sont soulagés. Deepsingh Burma, qui attend les résultats du Higher School Certificate, admet que sans cette mesure, il lui aurait été difficile de réunir l’argent pour les tuition fees. « C’est un soulagement », dit-il.
Kunal Reesaul, étudiant en troisième année, explique que, pour sa part, il a déjà payé les frais universitaires. « Je ne sais pas si on va me rembourser, car j’ai déjà tout payé depuis le mois d’août. Cependant, c’est encourageant », affirme-t-il.
Faizal Jeeroburkhan, pédagogue : «Il y aura une baisse dans la qualité des cours»
Il évoque d'emblée une absence de consultations, de planification et de préparation. Pour le pédagogue Faizal Jeeroburkhan, cette mesure a été prise sans consulter la Tertiairy Education Commission (TEC) et les universités publiques. « On ne peut prendre des mesures sans aucune préparation. La mise en application sera très difficile probablement, surtout en ce qui concerne les infrastructures, logistiques et finances. Qu'en serait-il du personnel académique et administratif ? Avec la gratuité le nombre va augmenter et aussi la demande », souligne-t-il. Faizal Jeeroburkhan prévoit une baisse dans la qualité des cours. « En ce moment, certaines institutions font face à des problèmes. Avec cette mesure, la situation sera plus grave et ce sont les cours qui vont souffrir. Actuellement, il y a un gros problème de mismatch et nous avons déjà environ 10 000 gradués-chômeurs. Est-ce que nous produirons encore plus?» s'interroge-t-il. Selon lui, les institutions tertiaires ne peuvent fonctionner sans la recherche. « Avec une hausse du nombre d'étudiants, cela pourrait être négligé. S'il y avait eu une préparation pour cette mesure, il y aurait dû avoir un document avec des guidelines. Mais, à ce stade, je crains que la qualité des cours va baisser. Avec l'endettement du pays, comment l'État financera-t-il ces institutions? Il faut trouver environ Rs 1 milliard », dit le pédagogue.
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