Live News

Fuyant les violences dans leur pays : une famille congolaise obtient l’asile à Maurice pour un an

Les Lunganyu sont à Maurice depuis le 6 juillet 2024.
  • Le Haut-Commissariat des Nations unies a officiellement reconnu le statut de réfugiés aux Lunganyu
  • Cette protection internationale est valable jusqu’au 26 février 2026

Àl’île Maurice, une famille de réfugiés congolais vient de franchir une étape décisive dans son parcours. Le 19 février 2025, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a officiellement reconnu le statut de réfugié à Lohata Freddy Lunganyu, qui a fui avec les siens les violences de la République démocratique du Congo (RDC). Cette décision leur garantit une protection internationale sur le sol mauricien, écartant tout risque d’expulsion vers leur pays d’origine où leur sécurité serait compromise.

Publicité

« This is to certify that the below named persons are Refugee under the United Nations High Commissioner for Refugees, pursuant to its mandate and should be protected from forced return to a country where they would face threats to their lives or freedom, pending a final decision of his refugee status. UNHCR would appreciate any assistance the Government of Mauritius can extend to them in the interim period », peut-on lire dans le document envoyé aux autorités mauriciennes.

L’histoire de cette famille commence à Uvira, où Lohata Freddy Lunganyu est né en décembre 1982. Confronté à l’instabilité grandissante en RDC, il a pris la douloureuse décision de quitter sa terre natale, arrivant à Maurice le 6 juillet 2024 avec les siens. La protection accordée par le HCR s’étend à l’ensemble de sa famille : son épouse Nancy Osaka Nkulu, 36 ans, et leurs quatre enfants - trois garçons et une fille - dont le plus jeune est né sur le sol mauricien. Leur âge s’échelonne de quelques mois à 12 ans.

Depuis ses bureaux de Pretoria, le HCR orchestre une collaboration étroite avec les autorités mauriciennes pour assurer à la famille Lunganyu un accès aux ressources humanitaires et juridiques essentielles. Cette protection temporaire, valable jusqu’au 20 février 2026, représente une première étape vers leur reconstruction. Si l’instabilité persiste en RDC, leur avenir pourrait se dessiner soit à Maurice de façon permanente, soit dans un pays tiers prêt à les accueillir.

Me Erickson Mooneapillay, directeur du Pro Bono Clinic et expert en droits humains accompagnant la famille, souligne le caractère exceptionnel de cette situation : « La reconnaissance du statut de réfugié, y compris pour le nouveau-né mauricien, témoigne de la gravité de la situation. La famille Dimanja fuit une guerre civile qui a déjà déraciné plus de 230 000 personnes depuis le début de l’année. »

Face aux enjeux de responsabilité nationale, la position de Maurice reste complexe. Le pays n’st pas signataire de la Convention de Genève sur la protection des réfugiés, mais des signes encourageants émergent. « Après une décennie de réticence, nous percevons une ouverture gouvernementale », affirme Me Mooneapillay. « Les discussions avec le bureau du Premier ministre et le HCR laissent entrevoir des perspectives positives, notamment concernant le transfert de la famille et une possible adhésion de Maurice à la Convention. »

Toutefois, des défis majeurs persistent. Si l’expulsion n’est plus envisageable, les parents se trouvent dans l’impossibilité de travailler et de subvenir aux besoins familiaux. « Il est particulièrement préoccupant que les enfants soient privés de droits sociaux fondamentaux, notamment l’accès à l’éducation primaire », déplore Me Mooneapillay. Il conclut sur une note d’espoir : « J’appelle ce gouvernement à orientation sociale à garantir ces droits essentiels, même en l’absence d’adhésion à la Convention. La raison finira par prévaloir. »

 


Le combat des Lunganyu en quête d’un avenir

Les Lunganyu portent dans leur chair les cicatrices d’un passé tragique. Leur histoire prend racine à Bukavu, en République démocratique du Congo. La mort de leur première fille, fauchée par les violences d’un conflit armé, est l’élément déclencheur. « Les nuits qui ont suivi, nous avons marché sans relâche. Ma femme, mes deux enfants survivants et moi avons traversé des rivières en bateau, le ventre creux, les pieds meurtris, jusqu’à atteindre la Zambie », raconte Lohata Freddy Lunganyu.

En Zambie, le camp de réfugiés leur offre un abri, mais pas d’avenir. Pendant quatre longues années, ils vivent dans le dénuement. Les enfants, privés d’école, passent leurs journées dans l’enceinte du camp, tandis que leurs parents se battent pour leur offrir ne serait-ce qu’un repas par jour. C’est là que le petit Noah voit le jour. « Chaque matin, je me réveillais avec la douleur de voir mes enfants grandir sans éducation, alors que j’avais eu cette chance dans mon pays », confie Lohata Freddy Lunganyu.

Porté par l’espoir d’un nouveau départ, il vend les terres de ses ancêtres. Avec ces maigres économies en poche, il trace une route vers les Îles Cook, ce petit paradis du Pacifique qui promettait un nouveau chapitre de leur vie. Le périple les mène d’abord au Zimbabwe, un voyage qu’il décrit comme « une marche sur le fil du rasoir ». À Harare, ils investissent leurs dernières ressources - 5 500 dollars - dans des billets d’avion de la compagnie mauricienne, traçant un itinéraire qui devait les mener aux Îles Cook via l’Afrique du Sud, Maurice et l’Australie. 

Mais le rêve se brise sur le tarmac de l’aéroport mauricien le 6 juillet 2024. Face aux agents d’mmigration exigeant un visa de transit australien, leurs espoirs s’évaporent. « On m’avait pourtant assuré que ce document n’était pas nécessaire », répète Lohata Freddy Lunganyu.

Nancy, épuisée et enceinte, s’effondre sous le poids du stress. Tandis que les ambulanciers l’emmenaient vers l’hôpital, Lohata Freddy Lunganyu s’est retrouvé seul avec ses trois enfants, dans un pays inconnu. Le lendemain, quand les autorités lui ont suggéré de retourner au Zimbabwe sans sa femme, il a catégoriquement refusé. Le 10 juillet 2024, Tabiri vient au monde par césarienne. Un nouveau-né qui, paradoxalement, n’existe sur aucun papier officiel, malgré sa naissance sur le sol mauricien. 

Pour la famille, déjà à bout de forces, une nouvelle épreuve commence. Les frais d’hôtel s’accumulant, la famille se retrouve à la rue. Caritas Maurice leur vient en aide, en leur trouvant un toit temporaire, et alerte l’UNHCR à Pretoria. Un permis de séjour temporaire leur a été accordé.

Aujourd’hui, les enfants, privés d’école, regardent passer les autres écoliers depuis leur fenêtre. Leurs parents, les mains liées par les restrictions légales, ne peuvent même pas travailler. Les heures s’égrènent dans leur refuge précaire, chargées du poids de l’incertitude. « Nous ne demandons pas la lune, juste une chance de reconstruire notre vie, d’offrir un avenir à nos enfants », lance Lohata Freddy Lunganyu. « Nous avons déjà trop souffert. »

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !