Membre du National Advisory Council (NAC), Georges Chung estime que le nouveau corridor aérien reliant Singapour à l’Afrique peut transformer toute notre économie, à commencer par le tourisme, les services financiers et le commerce.
Sir Anerood Jugnauth a annoncé un accord entre les compagnies d’aviation mauricienne et singapourienne. Dans le concret, comment cela va se passer ?
D’abord, ce sera la mise en œuvre du projet qui aura lieu à partir de mars/avril 2016, selon Air Mauritius. Le premier vol aura lieu à partir de cette période. D’ici-là, il y a beaucoup de travail. Du côté d’Air Mauritius, il faudra qu’il peaufine le produit, le rendre plus attrayant par rapport à la concurrence, notamment Emirates. Il faudra aussi parfaire le service des hôtels, les ajuster aux nouvelles données. Il faudra revoir les structures d’accueil à l’aéroport. Il faut qu’il soit ‘user-friendly’ pour le nouveau business model de hub.
Si on connaît déjà les destinations desservies à partir de l’aéroport de Changi, quelles seront celles de l’Afrique orientale ?
Il faudra poser la question à Air Mauritius. Ce sont des sujets internes à Air Mauritius, mais je pense qu’il faudra développer davantage les destinations, surtout à partir des pays de la côte est africaine et aussi ceux situés à l’intérieur de la côte Est. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de telles destinations que nous forgerons nos avantages compétitifs sur le plan de la distance. C’est là où se trouve la force du nouveau produit. Cette économie de temps pour les voyageurs est très significative, de deux à cinq heures de vol. C’est cela notre avantage naturel qu’il faut bien sûr complémenter par la qualité de l’accueil et des services. Il faut sortir un produit de très haut de gamme et de très bonne qualité.
Ce nouveau développement aura sans doute un effet multiplicateur sur plusieurs activités économiques du pays…
Chaque 100 000 touristes qu’on peut attirer à Maurice vont générer la création de 10 000 emplois directs et indirects. Nous avons constaté que le nombre de touristes aux Maldives a été supérieur à nos arrivées. C’est en raison d’une forte proportion de visiteurs chinois qui a visité l’archipel, soit 350 000 en 2014 alors que nous prévoyons d’en accueillir 100 000 en 2015. C’est grâce à l’accès aérien rendu plus facile entre Singapour et les Maldives.
Accueillir plus de touristes rime avec de solides investissements…
Si on se fixe comme objectif d’accueillir 350 000 visiteurs chinois avec un accès aérien plus flexible, comme on essaie de le faire avec ce nouveau corridor, dans trois à quatre ans on arrivera à créer 20 000 à 30 000 emplois, rien que sur ce plan. Et comme l’aéroport et l’ensemble des hôtels ont toujours des excédents de capacité, je pense qu’on peut recevoir plus de 300 000 touristes additionnels, sans de gros projets d’investissements. Si on réalise cet objectif de 300 000 touristes chinois, les établissements hôteliers, les agences de voyages, les chauffeurs de taxi, les restaurateurs et tous ceux qui sont le business du tourisme directement ou indirectement jouent le jeu en modifiant leurs produits pour le rendre plus attrayant, je pense que le plein d’emploi à Maurice ne relèverait pas de l’impossible. Voilà ce que ce nouveau corridor est capable de faire si toutes les parties prenantes de l’économie parviennent à jouer le jeu et se transformer afin qu’on puisse réaliser cet objectif. Cela va nécessiter l’apport de tout le monde.
Et les PME dans tout ça ?
Concernant les PME, il n’y pas que des retombées positives pour le pays mais aussi pour des îles comme Madagascar, grand fournisseur de fruits de mer que les marchés asiatiques raffolent. Il y a un gros potentiel pour les Malgaches et les Mozambicains si on arrive à expédier des produits frais le soir pour remplir le matin les étagères des commerces des marchés asiatiques. Ce sera tout aussi favorable pour le fret d’Air Mauritius. Mais il y a du travail à faire à cet effet.
C’est aussi baliser la voie entre l’Asie et l’Afrique…
Maurice peut affirmer davantage son positionnement comme porte d’entrée sur le continent africain. Si Air Mauritius arrive à établir des partenariats avec des compagnies d’aviation des pays de la côte Est de l’Afrique. À travers des code-sharing avec des compagnies de la Zambie, du Mozambique, du Kenya, du Malawi et du Zimbabwe on peut emmener Air Mauritius à faire voyager ses clients jusqu’aux recoins du continent. Je souligne qu’à lui seul ce corridor peut transformer toute l’économie mauricienne mais il y a du travail à faire.
L’arrivée de Turkish Airlines s’avère aussi favorable dans contexte…
C’est une bonne chose à la fois pour l’économie et pour le corridor. En fait, Turkish Airlines ne peut que nourrir le corridor. Les passagers qui viennent d’Istanbul auront aussi l’occasion de passer quelques jours en Asie beaucoup plus facilement que dans les conditions actuelles. Ouvrir l’espace aérien avec la mise en œuvre du corridor va radicalement transformer l’économie mauricienne sur tous les plans.
N’y a-t-il pas une nécessité de revoir la gestion de l’aéroport afin qu’il puisse remplir efficacement ce rôle de hub aérien ?
Il va falloir restructurer et transformer l’aéroport en un centre de loisirs. Avec toutes les facilités au niveau de la restauration, du shopping et des loisirs pour accueillir les familles et les enfants, des facilités pour le repos du passager fatigué avec des hôtels à l’intérieur, voire à l’extérieur. Le transformer en un véritable village de loisirs, non seulement pour les voyageurs en transit mais aussi pour les Mauriciens pour passer un bon après-midi de détente.
Pour répondre aux exigences d’un hub, ne faudra-t-il pas investir dans les compétences humaines ?
Il faudra rassembler toutes les parties prenantes de cette nouvelle vision et que chacune prenne ses responsabilités et s’engage à apporter de la valeur ajoutée. Des problèmes liés aux retards et aux attentes en raison, par exemple, d’intempéries sont inhérents d’un hub.
Pensez-vous qu’on saura gérer efficacement ces éventuelles difficultés ?
Il faut gérer ces problèmes tout comme on dirige une entreprise ou un ménage. Cela ne peut pas être un frein à ce projet. Il va falloir gérer. Je ne conçois pas qu’aux risques de cyclones, on doit tout abandonner. Il faut prévoir ces difficultés dans la stratégie qui sera mise en place.
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