Ganessen Chinappen, économiste : «Le Budget 2023-24 suivra définitivement la même ligne directrice»

Quel constat faites-vous de la philosophie économique de Renganaden Padayachy dans les différents budgets de l’État qu’il a présentés depuis qu’il occupe le poste de ministre des Finances ?
Les budgets présentés depuis 2017, que ce soit par Pravind Jugnauth ou Renganaden Padayachy, ont une forte dimension sociale. Des mécanismes ont été mis en place pour assurer une protection sociale. Cela s’est traduit par l’introduction du salaire minimum et d’aides sociales ainsi que par des modifications dans la structure de la taxe, entre autres. L’objectif a été de protéger les plus vulnérables et la classe moyenne. Cette philosophie s’est prolongée avec la crise, la protection des moyens de subsistance a été la priorité. 

Quels sont les avantages mais aussi les effets néfastes de cette philosophie économique ?
Protéger les plus vulnérables, soit ceux qui se trouvent au bas de l’échelle, c’est également une façon d’améliorer leur niveau de vie. Cette philosophie économique avec un fort penchant social permet de combler le fossé des inégalités pour favoriser l’inclusion sociale. Toutefois, 32 % du PIB a été dépensé dans la protection sociale en 2020 en réponse aux répercussions de la crise. L’économie mauricienne a enregistré une contraction d’environ 15 % en 2020, ce qui n’a pas été sans conséquence sur la dette publique. Il est certes important d’assurer la protection des plus vulnérables, mais on ne peut pas continuer à distribuer sans créer la richesse dans le même temps. L’effet néfaste d’une philosophie économique socialiste – dans l’éventualité que cette trajectoire se poursuive - pourrait ainsi se faire sentir en l’absence de la création de richesse. La discipline financière et la dette publique risquent d’en subir les conséquences.  

Le Budget 2023-24 sera présenté vendredi. En dépit du fait que la philosophie économique socialiste influe sur la discipline financière du pays, peut-on s’attendre à ce qu’il suive la même ligne directrice ?
Définitivement ! Plusieurs défis guettent le pays, dont l’inflation et la cherté de la vie qui affectent le pouvoir d’achat, pour ne citer que ceux-là. La philosophie de la protection sociale et de l’amélioration du bien-être devrait se poursuivre dans le Budget 2023-24. Il faudra faire un effort supplémentaire pour relever les challenges imminents. Je fais ici référence à la stabilité des prix, par exemple. La protection sociale entraîne un certain pouvoir d’achat pour les besoins fondamentaux et une vie décente dans l’actuelle conjoncture mondiale qui est difficile. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a provoqué une hausse des prix de divers produits de base comme les céréales. Et étant une économie isolée en termes de chaîne de distribution, Maurice est également exposé au coût du fret.