Frénésie d’achats de fin d’année : gare à l’endettement

Qui dit décembre dit boni de fin d’année, cadeaux, promotions et achats à gogo. Pour parler d’achat responsable, Priscilla Sadien a reçu Amita Gunesh, Senior Consumer Affairs Officer au ministère du Commerce, et Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs.

Les prix continuent de monter en flèche. « Par exemple, la viande comme le mouton surgelé. » Constat de Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC). Seuls les prix de six commodités, dont le pain maison, les baguettes, le riz subventionné, la farine subventionné et les nouilles instantanées, restent stables, dit-il. « Le poulet se vendait à Rs 153,74 en janvier 2022 mais dans certaines regions, c’est très cher désormais. » 

Cette augmentation des prix est due au fait qu’il n’y a pas de contrôle des prix à Maurice, fait comprendre Amita Gunesh, du ministère du Commerce. « C’est pour cette raison qu’il faut continuer de faire l’éducation du consommateur afin qu’il ne se laisse pas prendre au piège. »

Elle demande aux consommateurs de faire attention à la manière dont ils utiliseront leur boni de fin d’année. « Parfois, ils vont faire un achat nécessaire avec cet argent et d’autres fois, des achats irresponsables. Nous savons qu’en fin d’année, les cadeaux semblent être une obligation, c’est humain, mais il faut faire une liste des priorités afin de ne pas se retrouver avec de mauvaises surprises, ou victime de la spirale de l’endettement ou du surendettement », conseille-t-elle. 

Pour Suttyhudeo Tengur, il est grand temps que le cadre légal agisse de manière à décourager les pratiques malhonnêtes des commerçants. Il avance qu’il manque un tribunal pour mieux protéger les consommateurs. 

Planifier ses achats 

Suttyhudeo Tengur trouve dommage que les Mauriciens ne planifient pas suffisamment leurs achats. « Dans n’importe quel supermarché, nous constatons qu’environ 4 consommateurs sur 10 ont en leur possession une liste de provisions. Les autres achètent ce qu’ils trouvent dans les rayons. Souvent, ils ne prêtent pas attention aux prix. Tandis que d’autres prennent aussi des brochures pour faire une comparaison des prix et achètent ce qui y est proposé à prix réduit. » Il est d’avis que 50 % des Mauriciens arrivent à faire des achats judicieux.

Le phénomène des promotions

« Promotion équivaut à consommation », lâche Suttyhudeo Tengur. « Si vous analysez le concept ‘best before’ par exemple, ce sont surtout des produits qui arrivent à leur date d’expiration et qui n’ont pas pu se vendre. Le commerçant propose alors une réduction de prix pour écouler le stock. Les promotions ne veulent donc pas dire des cadeaux », fait-il comprendre. 

Les points de vente profitent de la fin d’année comme des fins de mois pour écouler leur stock. « Plusieurs astuces sont utilisées, comme le ‘Buy one get one’, ‘buy now pay after 3 months’. Certains vont même au-delà de ce que prévoit la loi, en offrant un crédit remboursable après l’âge de 65 ans. Ils utilisent des astuces pour arnaquer les consommateurs. »

Or martèle Suttyhudeo Tengur, « zame enn kado pa enn kado. Oken businessman pa pou donn ou kado. Fode konsamater intelizan. Fode pa rant dan zwe bann komersan ki anploy bann konpani piblisiter pou atir konsomater ». 

Le cadeau coûte cher à la famille 

Offrir un cadeau à chaque membre de la famille aujourd’hui coûte énormément, observe Suttyhudeo Tengur. Les enfants ne se contentent plus de recevoir une petite voiture ou un petit jouet, dit-il. « Avec l’avènement de la technologie, les appareils électriques, les drones et autres gadgets et robots, les cadeaux coûtent donc très cher. » 

Idem pour les objets telle la télévision. « Aujourd’hui, on retrouve des télévisions multifonction fixées au mur qui attirent le consommateur. Et nous savons que même avec son boni de fin d’année, il ne pourra pas éviter de le prendre à crédit. »

Cela fait dire au président de l’APEC que le consommateur est dicté par les besoins de la vie familiale. « Si la pression familiale est élevée, il va continuer à acheter des cadeaux même si c’est très cher. Il ne faut pas oublier que le pourcentage de Hire purchase est bien plus élevé que dans les banques. » 

Les vendeurs, rappelle Suttyhudeo Tengur, ont la responsabilité d’informer les consommateurs de ce taux de pourcentage. « Zour ki ou pou fixe APR (Annual percentage rate) 24 % selon Hire Purchase Act, konsomater pou reflesi avan li andete. » Il recommande donc un travail pédagogique et une transparence envers les consommateurs. Les publicités, insiste-t-il, ne reflètent pas la vérité. 

Le crédit 

Deux crédits sont proposés : le Hire Purchase et le credit sale. « Il y a d’autres types de crédits désormais, par exemple acheter maintenant et commencer à payer plus tard. Malheureusement tous les commerçants n’opèrent pas de la même façon », déclare Suttyhudeo Tengur.

Il recommande aux consommateurs de bien se renseigner avant l’achat. « Il faut s’assurer d’avoir tous les documents en sa possession, la facture, un document de garantie. La garantie doit être un document séparé, lequel doit se démarquer du reçu et préciser tout ce qui est couvert ou pas par la garantie. »

Il recommande aussi que chaque commerce ait un Customer Care. « Ils doivent prendre des dispositions pour un lieu où faire des démonstrations à l’intention des clients. » 

Toujours est-il, ajoute, elle, Amita Gunesh, que le consommateur doit aussi se protéger. « Il est vrai que le crédit aide à satisfaire les besoins des consommateurs qui ne peuvent pas payer tout de suite. Il faut cependant bien comprendre le contrat. Je conseille aux consommateurs de se faire accompagner s’ils ne sont pas à l’aise avec les termes d’un contrat. Vous pouvez aussi consulter un homme de loi avant de finaliser un contrat. »

Elle demande, dans la foulée, aux consommateurs d’exiger une carte de garantie pour éviter des problèmes dans le futur. « Si le commerçant ne peut pas donner une carte de garantie, il doit donner un document où est mentionné noir sur blanc tout ce que couvre la garantie. »

Quant aux appareils électriques, selon la loi, le commerçant doit faire des démonstrations adéquates, rappelle-t-elle. Elle appelle donc à la vigilance des consommateurs.

Campagnes de sensibilisation 

Pendant la période de pandémie, les campagnes de sensibilisation n’ont pas eu lieu. Cela se fait désormais régulièrement, précise Amita Gunesh, de même que les descentes dans plusieurs points de vente. « Nous le faisons dans les médias mais aussi auprès du consommateur et des commerçants. »

Le consommateur doit savoir quels sont ses droits et bien se renseigner avant de signer un contrat. C’est ce que les officiers expliquent à toutes ces personnes. « De janvier à décembre, nous sommes sur le terrain pour veiller à ce que les prix sont affichés, nous faisons des descentes surprises pour veiller à ce que la loi est respectée par les commerçants et que le consommateur se sent protégé. »