Législatives 2024

Fiscalité, institutions, pouvoir d’achat, nouveaux pôles de développement : les engagements de l’Alliance du Changement pour l’avenir

Les dirigeants de l’Alliance du Changement ont donné des détails sur les mesures qu’ils comptent introduire s’ils accèdent au pouvoir.

L’Alliance du Changement a dévoilé mardi 29 octobre son programme électoral qui inclut des mesures pour relancer l’économie mauricienne, reposant sur la confiance, la transparence et une gestion financière. Ce plan vise également à renforcer les institutions, promouvoir une croissance inclusive, soutenir le pouvoir d’achat et introduire des réformes pour une économie durable et résiliente. Zoom sur les points clés.

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Relancer l’économie mauricienne

  • Bâtir un avenir économique solide et équitable 

Avec des propositions axées sur la confiance, la transparence et une gestion financière responsable, l’Alliance du Changement dit être engagée à bâtir un avenir économique solide et équitable pour tous les Mauriciens.

  • Restaurer la confiance et stimuler l’investissement

Un des principaux axes du programme de l’Alliance du Changement est de restaurer la confiance des investisseurs à travers des politiques crédibles, transparentes et bien encadrées. L’alliance propose de renforcer les institutions économiques en les dotant de gestionnaires compétents, indépendants. « L’objectif est de créer un climat d’affaires propice pour attirer à la fois les investissements locaux et étrangers, stimulant ainsi une reprise économique durable », indique le leader du Parti Travailliste, Navin Ramgoolam. 

  • Assurer une croissance inclusive et équitable

Pour l’Alliance du Changement, chaque Mauricien doit pouvoir bénéficier du développement économique. Le programme met l’accent sur la participation active des citoyens dans les processus de croissance, avec une répartition équitable des bénéfices. « Cette approche vise non seulement à réduire les inégalités, mais également à promouvoir une cohésion sociale qui renforcera la résilience de l’économie mauricienne », soutient Navin Ramgoolam. 

  • Adoption d’une Fiscal Responsibility and Debt Management Act

Une autre proposition phare de l’Alliance du Changement est l’adoption d’une Fiscal Responsibility and Debt Management Act.  Pour l’Alliance du Changement, cette loi, en instaurant des contrôles stricts contre le gaspillage, s’efforcera de garantir une gestion rigoureuse et responsable des finances publiques. Elle vise également à encadrer l’endettement public pour éviter tout risque de surendettement. 

  • Un ministère dédié à la planification économique

Pour répondre aux défis actuels et anticiper ceux de demain, l’Alliance du Changement propose la création d’un ministère de « Economic Planning distinct », dont la mission serait de se consacrer aux enjeux économiques stratégiques du pays.

Réactions

Bhavish Jugurnath, économiste : «Le succès de la loi sur la gestion de la dette repose sur une conception soigneuse et des mécanismes d’application robustes»

Bhavish Jugurnath estime que la Loi sur la responsabilité fiscale et la gestion de la dette (Fiscal Responsibility and Debt Management Act) est une bonne mesure. « Son importance et ses avantages découlent de son potentiel à renforcer la responsabilité du gouvernement, à promouvoir la stabilité économique à long terme et à favoriser la confiance du public », dit-il. Selon lui, cette loi améliorera l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques. « En fixant des limites sur l’emprunt et les déficits, cette loi pourrait être utile pour prévenir une accumulation excessive de la dette publique, réduisant ainsi le risque de crises fiscales et de détresse liées à la dette », soutient-il. 

Par ailleurs, il avance que des finances publiques durables sont cruciales pour la stabilité économique à long terme. « Cependant, l’efficacité de cette loi dépend fortement de ses dispositions spécifiques et de l’engagement du gouvernement à les appliquer. Son succès repose sur une conception soigneuse, des mécanismes d’application robustes et un fort engagement politique envers la discipline fiscale », souligne l’économiste.

Ibrahim Malleck, économiste : «Les mesures visent à établir une plateforme pour une croissance durable»

Ibrahim Malleck considère que ces mesures visent à établir une base solide pour une croissance durable. Selon lui, les engagements de l’Alliance du Changement en faveur d’une nouvelle vision économique mettent l’accent sur la restauration de la crédibilité de nos institutions. Ils soulignent aussi la nécessité d’actions concrètes contre la perte de pouvoir d’achat, la dépréciation de la roupie et la réduction des prix pour atténuer l’inflation.  « Je crois que cela envoie un signal fort quant à la détermination à remédier aux carences structurelles qui entraînent des tendances socio-économiques négatives », affirme-t-il. 

Selon lui, ce qui fait défaut actuellement, c’est la volonté de s’attaquer aux problèmes structurels du pays, tels que la dépréciation de la monnaie, l’augmentation de la dette nationale et la perte de pouvoir d’achat. Il ajoute que « les mesures annoncées, notamment l’instauration d’une loi sur la gestion fiscale et de la dette, la création d’un ministère de la Planification Économique, la création d’un Fonds de Stabilisation, ainsi que la réduction des prix du pétrole, contribueront à corriger certaines des déficiences structurelles de l’économie mauricienne ». 

L’économiste souligne également que ces mesures témoignent d’une volonté à s’intéresser à l’économie « réelle ». « Elles visent à établir une plateforme pour une croissance durable, fondée sur des institutions solides et alimentée par des actifs productifs et des idées novatrices », dit-il.

Coût de la vie et pouvoir d’achat

La création d’un Fonds de Stabilisation et de Soutien d’au moins Rs 10 milliards

Afin de protéger le pouvoir d’achat des familles mauriciennes, l’Alliance du Changement, dans son programme électoral présenté ce mardi, a annoncé la création d’un Fonds de Stabilisation et de Soutien d’au moins Rs 10 milliards. Ce fonds servira à stabiliser les coûts des produits de première nécessité et à alléger le fardeau des familles.

Selon l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (APEC), le montant de Rs 10 milliards qui alimentera ce fonds paraît louable. Cependant, le président de l’Association, Suttyhudeo Tengur, indique que les dirigeants de l’Alliance du Changement doivent venir expliquer le financement de ce fonds et son modus operandi. « Cette mesure soulagera les consommateurs, en particulier ceux de la couche inférieure de la société, et en même temps, elle consolidera la classe moyenne. Avec la guerre en Ukraine et l’instabilité au Moyen-Orient, le prix de l’essence va augmenter. Il n’y a pas de visibilité sur l’avenir », fait-il comprendre.

Selon lui, en l’absence d’explications solides et d’arguments qui ne devraient pas friser toute surenchère politique, la population mauricienne doit être mise au courant des possibilités et du délai (« time frame ») d’une telle initiative. « D’ailleurs, on remarquera que de telles initiatives sont évoquées durant la campagne présidentielle américaine en ce moment. Donc, c’est une mesure qui semble faire des vagues », poursuit notre interlocuteur. Il ajoute que partout dans le monde, les dirigeants politiques donnent la priorité à l’augmentation du pouvoir d’achat pour sécuriser la population. « Exemple du gouvernement Michel Barnier en France : le pouvoir d’achat est la préoccupation directe de la population. La famille dépend de manière stable du pouvoir d’achat du ménage », fait-il ressortir.

Autres mesures phares

  • Rétablir la confiance dans la roupie mauricienne en inversant la politique délibérée de sa dépréciation.
  • Réinstaurer l’indépendance de la BOM (Bank of Mauritius) pour mieux contrôler l’inflation.
  • Renforcer le cadre légal de la Competition Commission avec un mandat additionnel pour la protection des consommateurs.
  • Révision de la TVA sur les produits de base essentiels.
  • Introduction d’un « Freight Rebate Scheme » pour l’importation des produits alimentaires, afin de faire baisser les prix à la consommation.
  • Supprimer l’impôt (Income Tax) sur le revenu pour les ménages, dont les revenus annuels sont inférieurs à Rs 1 million, ainsi que pour les pensions de vieillesse (Basic Retirement Pension), d’invalidité (Basic Invalid’s Pension) et la pension pour veuve (Basic Widows Pension).
  • Exonérer d’impôt tous les salariés âgés de 18 à 28 ans afin de soutenir les jeunes et les ménages en difficulté.

Vers un nouveau modèle

Économie verte, économie bleue et transformation digitale

Le nouveau modèle économique proposé par l’Alliance du Changement va s’articuler autour de trois axes, en l’occurrence, « Green Growth » ; « High Tech » et « High Value Added ».
Quelques mesures proposées

Économie Verte

  • La création des secteurs de service, manufacturier et technologique avec de l’énergie renouvelable qui répondra aux nouveaux besoins de l’économie globale et nationale. Celle-ci sera axée sur les nouvelles technologies et le développement durable.
  • Redessiner le tourisme mauricien, mettant en avant l’écotourisme et le tourisme océanique. Faire de Maurice un « EcoSustainable Tourism Destination ».
  • Éliminer l’importation du charbon et créer de l’emploi dans les secteurs visant à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation des effets climatiques

Shakeel Nundlall, directeur de l’hôtel Le Grand Bleu

« Il faut d’abord comprendre ce que l’Alliance du Changement veut dire par écotourisme. Est-ce que les hôtels existants ne vont plus utiliser l’électricité ? Les hôteliers y ont investi. L’idée n’est pas mauvaise, mais il faudrait savoir en quoi cela consiste concrètement. Un des problèmes pour le secteur est le coût du billet d’avion vers Maurice. Il faudrait tacler cette problématique et libérer l’espace ».

Économie bleue

Venir de l’avant avec le projet Ocean Economy. Celui-ci tend à l’adoption d’une politique globale liée aux activités sur et autour de la mer, les fonds marins, les régions côtières. Il tient également compte des services et industries manufacturières qui opèrent sur le territoire local et qui concernent l’océan.

Recherche et développement

Un « Skills Master Plan for the New Economy » sera adopté pour identifier et anticiper les compétences essentielles de cette nouvelle ère économique.

Agriculture et sécurité alimentaire

  • 1 200 arpents de terres seront mis à la disposition des petits planteurs afin d’accroître la production agricole. Un Fonds Agricole de Rs 5 milliards sera mis en place pour soutenir durablement cette production.
  • Implémentation des pratiques de Smart Agriculture en intégrant des technologies avancées, des fermes agrosolaires, et de l’agropastoralisme dans le cadre du développement d’une agro-industrie durable et d’une agroécologie respectueuse de l’environnement.
  • Assurer un revenu minimum de Rs 35 000 par tonne de sucre aux petits planteurs, ainsi que des prix plus rémunérateurs aux petits planteurs pour la bagasse utilisée dans la production d’électricité.

Intelligent Mauritius

Intelligent Mauritius se veut être aussi une remise en question de la limitation géographique de Maurice. Il adoptera une nouvelle vision du destin océanique de Maurice. Le pôle Technologie sera développé avec l’accent sur les laboratoires de recherche et d’innovation, les services automatisés, le Software Development Climate Technologies et le Bioengineering.

La pêche

  • Augmentation de la « lump sum » versée aux pêcheurs à l’âge de la retraite, fixée à 60 ans, renonçant à leur carte de pêcheur.
  • La « lump sum » sera calculée en fonction des années de service. 
  • Augmentation de 25 % de l’indemnité pour mauvais temps.

Service financier

  • Un nouveau « business model » sera élaboré dans le cadre d’une révision et une redéfinition du secteur des services financiers. Il tiendra compte des développements survenus au cours des 25 dernières années. Le développement via la formation et l’encadrement nécessaires pour la promotion de la création de « virtual offices », ainsi que des services de transcription, de traduction et de Fintech, seront aussi inclus. 
  • La destination Maurice sera promue comme un lieu de choix pour les conférences internationales et comme siège de l’arbitrage avec la formation des interprètes, des traducteurs et d’autres professionnels spécialisés

Samade Jhummun, CEO de Mauritius Finance

« Nous avons toujours dit que le secteur a fait ses preuves durant les trois dernières décennies. Il faut revoir le modèle là où il faut. Avec la montée de la compétition, il faut revoir notre façon de faire pour être à la hauteur face à nos concurrents. Quid de la juridiction mauricienne, le centre financier contribue au produit intérieur brut (PIB) du pays et pour les revenus du gouvernement. Cela fait sens de promouvoir le secteur dans l’intérêt de tous. Mauritius Finance a fait cette demande depuis un certain temps. Le plus important c’est la communication avec le parti qui sera appelé à gouverner ».

Travailleurs étrangers

Une politique claire et consensuelle sera élaborée eu égard de l’immigration des travailleurs, impliquant un dialogue entre entreprises et syndicats. Le cadre légal sera révisé et une politique à long terme sera établie pour encadrer l’immigration des travailleurs sur le territoire mauricien. 

Un professionnel des ressources humaines « Que l’on aime ou pas, Maurice doit se faire à l’idée qu’on est un peu victime de notre développement. Tout pays développé, à un moment donné, a besoin de travailleurs étrangers. Je ne dirais pas que c’est un mal nécessaire, mais que c’est tout simplement nécessaire. Certaines compétences ne se trouvent pas sur le marché local. Nos formations n’ont pas été alignées à nos besoins ».

Exode des jeunes 

Une Task Force « Population, Démographie et Diaspora » sera mise en place. Celle-ci étudiera de manière systémique la question de l’exode des talents, en l’analysant dans le contexte de l’avenir économique de notre pays.

Un professionnel des ressources humaines : « Manifeste électoral ou pas, il est grand temps que cette question soit adressée. Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer l’exode de nos talents. C’est une étude sociologique et liée à la profession qui doit être prise en compte. Nous avons passé beaucoup de temps à parler de cela et il est temps d’agir ». 
 

 

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