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Financement des partis politiques par l’État : interrogations autour du mécanisme

Agent politiques Les plus grosses dépenses des partis politiques se font au moment des élections.

Le texte de loi sur le financement des partis politiques est devant le Parquet, selon la réponse du Premier ministre cette semaine à l’Assemblée nationale. L’une des options serait un financement par l’État. 

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Le financement des partis politiques est revenu sur le tapis cette semaine, grâce à une question parlementaire de Rajesh Bhagwan, du Mouvement militant mauricien (MMM). 

En l’absence d’un texte de loi clair sur le sujet, les partis politiques se montrent prudents dans leurs commentaires, mais tous s’accordent à souligner qu’il faut faire attention au système d’allocation et de distribution de fonds mis en place. C’est notamment ce qu’explique Veda Baloomoody, député du MMM. « Nous n’avons entendu aucune proposition du gouvernement. Mais nous sommes pour le financement des partis politiques. Dans plusieurs démocraties, l’État finance les partis. Le tout est de savoir quel système de distribution et d’allocation va être utilisé. »

D’où l’importance qu’il y ait un vrai débat public, selon Yatin Varma, ex-Attorney General et membre du Parti travailliste (Ptr). « Ce n’est pas une question tranchée. Il faut un débat public élargi puisque l’argent du contribuable est quelque chose de sacré. Il faut savoir comment et pourquoi on le dépense. » Sans compter qu’il faut que le gouvernement vienne officiellement dire ce qu’il propose sur des questions fondamentales comme le financement privé.

Au Parlement mardi, Pravind Jugnauth avait déclaré : « Les recommandations faites par le comité ministériel  ont déjà été approuvées par le Cabinet et des instructions supplémentaires ont été transmises au bureau de l’Attorney General pour la finalisation du Financing of Political Parties Bill. »

Tania Diolle, membre du Mouvement patriotique (MP) et politologue qui maîtrise les questions de système électoral, se demande toutefois si le financement par l’État répondra aux objectifs premiers de ce projet de loi. « Je pense que l’une des raisons pour lesquelles on parle de financement des partis politiques, c’est qu’il est la source de toute corruption. Or, le financement par l’État a surtout pour but d’aplanir les différences entre les partis et de donner une meilleure chance aux petits partis. »

Parmi les partis extraparlementaires, Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ, exprime également des réserves quant au principe. « Le communalisme et l’argent sont les deux gros problèmes qui rongent la démocratie et le système électoral. Les deux sont importants et doivent être résolus en même temps. » Ashok Subron explique que Rezistans ek Alternativ est plutôt en faveur du financement indirect. « Il faut être prudent, si l’on introduit le contrôle des partis politiques par l’État, on touche à quelque chose de fondamental. Le parti politique est l’incarnation de l’expression du droit à l’opinion politique. » Ivan Collendavelloo, leader du Mouvman Liberater, n’a pas souhaité s’exprimer. « On ne fera pas de déclaration à ce sujet », a-t-il dit.


Ce qui ressort des propositions du comité ministériel

C’est en avril 2016 que le comité ministériel, présidé alors par Xavier-Luc Duval, soumet ses propositions sur le financement des partis politiques. Voici un résumé des recommandations faites :

Interdictions :

  • Les donations d’organisations religieuses, de corps paraétatiques ou de compagnies où l’État est actionnaire sont interdites.
  • Les donations provenant de l’étranger sont interdites, sauf des donations d’individus avec une limite de Rs 1 million par an.

Public :

  • Les allocations étatiques sont allouées sur une base post-électorale.
  • La somme est attribuée pro-rata sur le pourcentage de votes obtenu.
  • Le critère d’admissibilité est un pourcentage de vote de 10 %.

Privé :

  • Les individus et entreprises peuvent contribuer sans aucune limite.
  • Toute donation dépassant Rs 50 000 doit être déclarée dans les comptes des partis

Plafond de dépenses :

  • Il y aura un plafond de dépenses par candidat.
  • Rs 1 million par parti et par conseil de district.
  • Les sanctions proposées pour non-respect de ces règles sont la perte de siège au parlement, l’inéligibilité pour une élection, ou encore l’emprisonnement.

Rajen Narsinghen, du département de Droit de l’UoM : « Il faut une commission indépendante d’experts »

Que disent nos lois actuelles sur le fonctionnement et le financement des partis politiques ?
Dans certains pays, on parle de financement uniquement en campagne électorale. La Representation of People’s Act contient certaines dispositions quand il s’agit de dépenses qui peuvent être faites par les candidats. Au niveau des lois sur les entreprises, il y a des dispositions d’un point de vue de la comptabilité, mais c’est générique et on ne dévoile pas quelle somme a été donnée à tel ou tel parti. Sinon, il n’y a pas de cadre légal pour le financement des partis politiques. Les partis ne sont pas des entités morales, ils existent dans un flou juridique. Ils ne s’enregistrent que pour les besoins des élections.

Dans certains pays, comme la Pologne, les nominés politiques et les élus consacrent 20 % de leur salaire au financement de leur parti. Il y a beaucoup d’hypocrisie de la part des partis politiques sur le sujet. On parle de comptes à Hong Kong, aux Seychelles… Le plus simple serait de donner une amnistie aux partis et de recommencer à zéro.

Le gouvernement a opté pour le financement des partis par l’État. Cela cadre-t-il avec le rôle de l’État, selon vous ?
Il y a des arguments pour et contre. On pourrait se demander pourquoi il faudrait utiliser l’argent public ? Si je ne suis pas pour les idées d’un parti, pourquoi la taxe que je paie doit servir à le financer ? Le deuxième argument est qu’il est difficile de trouver un mode opératoire pour une distribution équitable. Ce qu’il faudrait éviter, c’est d’aller vite en besogne. Il s’agit d’une question aussi délicate que le système électoral ou la Constitution. Il faut une commission indépendante d’experts pour trouver les modalités.

En finançant uniquement en fonction du nombre de députés au parlement, ne risque-t-on pas de marginaliser et pénaliser les partis extraparlementaires ?
Il est important de donner un accès égal au financement. Notre système électoral est conjoncturel et chaque élection donne des résultats qui ne sont pas forcément représentatifs du poids d’un parti. Cela peut fausser les données. Il faudrait mesurer l’importance sur au moins cinq élections. Si l’on impose une limite de 5 à 10 %, ce serait totalement injuste à l’égard des petits partis. Les pays scandinaves imposent une limite de 1 % ou une contribution forfaitaire. Sinon, ce sont les mêmes qui bénéficieront.

L’option d’un financement indirect, à travers des rabais sur l’utilisation de la presse de l’État pour imprimer des affiches, par exemple, n’aurait-t-elle pas été mieux avisée ?
Le plus important, c’est de savoir qui va distribuer et contrôler cet argent  ? Les autres pays introduisent un régulateur qui est responsable de la distribution. La Commission électorale devrait pouvoir le faire, mais il faudrait qu’elle ait les moyens de vérifier tous les comptes des partis politiques. Quant au financement indirect, l’accès à la MBC en est déjà une forme. Puis il faut aussi considérer le fait que si le parti reçoit déjà Rs 500 millions, est-ce qu’il a besoin du financement public ?

 

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