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Filtres : le piège de l’image numérique parfaite

L’usage excessif des filtres sur les réseaux sociaux modifie la perception de soi, alimentant la quête de validation et la pression des normes sociales. Cette dépendance peut avoir des conséquences psychologiques majeures, notamment chez les jeunes, selon la psychologue Véronique Wan.

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Les réseaux sociaux sont devenus une véritable vitrine où chacun peut façonner une version idéalisée de sa vie. Grâce aux filtres et aux outils de retouche, il est désormais possible de modifier son apparence en quelques clics, créant ainsi une image de soi souvent éloignée de la réalité, constate la psychologue Véronique Wan.

Cet usage fréquent de filtres a des répercussions notables sur la perception de soi, notamment chez les jeunes, prévient-elle. « Lorsqu’une personne s’habitue à voir son visage transformé par des filtres, le retour à une image réelle peut être difficile. Le décalage entre l’image projetée en ligne et la réalité peut engendrer une insatisfaction corporelle, un sentiment de dévalorisation et, dans certains cas, des troubles comme la dysmorphophobie, qui est une obsession des imperfections corporelles. »

Si l’utilisation de filtres n’est pas en soi nuisible, un usage excessif peut altérer la perception de soi, fragiliser l’estime personnelle et exacerber l’anxiété sociale, surtout chez les plus jeunes, précise-t-elle. « Il est donc essentiel de promouvoir une approche plus consciente de ces outils et de favoriser l’acceptation de soi, en apprenant à utiliser les réseaux sociaux avec recul, pour mieux résister aux injonctions de perfection numérique. »

Donc, les filtres engendrerait une forme de dépendance psychologique ? À cette question, la psychologue Véronique Wan répond par l’affirmative. « Lutilisation régulière des filtres peut devenir une forme de dépendance psychologique, souvent alimentée par la quête de validation sociale et la pression des standards de beauté numériques. »

L’usage récurrent des filtres crée une distorsion cognitive, où l’image modifiée devient une version idéalisée de soi-même, poursuit-elle. Plus une personne utilise ces filtres, plus il devient difficile de se satisfaire de son apparence naturelle. 

Selon la psychologue, plusieurs facteurs alimentent cette dépendance. Elle cite, entre autres, la recherche de « likes » et de commentaires positifs. Il y a aussi la peur du rejet et la comparaison constante avec les standards de beauté véhiculés sur les réseaux sociaux, ainsi que le sentiment d’insécurité lié à l’image corporelle.

Les effets selon l’âge et le genre

Cette dépendance se manifeste différemment selon l’âge et le genre, fait comprendre Véronique Wan. « Les adolescents (12-18 ans) sont particulièrement vulnérables, car l’image de soi est encore en construction. L’exposition continue aux filtres peut mener à un sentiment d’insatisfaction corporelle et un besoin constant de validation, au point que certains jeunes refusent d’apparaître sans maquillage ou filtres par crainte du jugement social », dit-elle.

Quant aux jeunes adultes (18-30 ans), précise la psychologue, « bien que l’impact reste fort, il est souvent intégré dans une gestion de l’image sociale et professionnelle ». La pression esthétique est telle qu’elle peut influencer la confiance en soi et conduire certaines personnes à recourir à des interventions esthétiques pour ressembler à l’image filtrée, dit-elle. Abordant la tranche d’âge des 30 ans et plus, elle souligne que certains ressentent une pression accrue pour paraître plus jeunes ou plus attrayants, en particulier dans des contextes sociaux ou professionnels, où l’apparence joue un rôle important.

« En ce qui concerne les différences de genre, les femmes sont généralement plus exposées à la pression des standards de beauté », indique-t-elle. Elles utilisent fréquemment les filtres pour affiner leur peau, remodeler leur visage ou accentuer certains traits, ajoute-t-elle. Cette dépendance peut être liée à un manque de validation sociale ou à des attentes irréalistes sur l’apparence féminine. 

Toutefois, précise-t-elle, les hommes aussi recourent aux filtres, souvent pour accentuer une apparence plus virile, en jouant sur des éléments comme la mâchoire carrée ou les muscles. « Cela peut alimenter des insécurités liées à l’image corporelle et à la virilité, renforcées par les médias. »

Les impacts émotionnels et sociaux 

Véronique Wan met en garde : l’écart entre l’image projetée sur les réseaux sociaux et la réalité peut avoir des conséquences profondes sur le bien-être émotionnel et social. « Ce fossé entre le ‘moi numérique’ et le ‘moi réel’ peut nuire à l’estime de soi et à la qualité des interactions sociales.

Lorsqu’une personne est habituée à se voir de façon idéalisée en ligne, son image réelle semble parfois moins intéressante, ce qui peut provoquer un sentiment de dévalorisation », commente-t-elle. « La peur de ne pas être à la hauteur de l’image virtuelle engendre une anxiété sociale croissante et un besoin constant d’approbation externe pour se sentir bien dans sa peau. »

Les relations personnelles peuvent aussi en pâtir : « La mise en scène permanente de soi sur les réseaux sociaux crée un sentiment de fatigue émotionnelle, et certains peuvent ressentir un manque d’authenticité dans leurs interactions réelles. »

Les « likes » et les commentaires flatteurs sont devenus des indicateurs clés de validation sociale, fait remarquer la psychologue. Cependant, cette quête de validation devient une source importante de stress et d’anxiété. « L’image numérique est de plus en plus liée à l’identité réelle, qu’il s’agisse d’une identité personnelle ou professionnelle. De nombreux adultes ressentent une pression intense pour maintenir une image cohérente et attrayante en ligne, et cette pression peut entraîner des effets négatifs sur leur bien-être mental. »

Face à cette situation, comment les femmes et les jeunes adultes peuvent-ils développer un rapport plus sain avec leur image ? La psychologue propose quelques pistes :

  • Prendre conscience de la réalité des images en ligne et ne pas se comparer à des versions idéalisées de la réalité.
  • Valoriser d’autres aspects de son identité, comme les talents et les qualités personnelles, plutôt que de se concentrer uniquement sur l’apparence physique.
  • Pratiquer l’auto-compassion et remplacer les pensées négatives par des affirmations positives.
  • Apprendre à utiliser les filtres de manière réfléchie et soutenir des messages d’authenticité.

Elle s’attarde également sur le rôle des réseaux sociaux et des influenceurs. Pour elle, les entreprises de réseaux sociaux peuvent jouer un rôle clé dans la promotion de l’authenticité en régulant l’utilisation des filtres et en limitant les effets trompeurs. « En ajoutant des avertissements sur les images retouchées et en encourageant une plus grande transparence, elles peuvent aider à promouvoir une image plus réaliste et saine. » 

Les influenceurs, quant à eux, ont un rôle crucial dans cette dynamique. « En montrant une image plus diverse et réaliste, ils peuvent encourager leurs abonnés à adopter un rapport plus sain à leur propre image », fait ressortir la psychologue.

Au-delà, des stratégies peuvent être adoptées pour limiter l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale, selon elle. Il est essentiel de réguler l’usage des plateformes, en désactivant les notifications non essentielles et en prenant des pauses régulières. Elle propose également de cultiver un regard critique sur les contenus en ligne et ne pas céder à la comparaison constante. Autre suggestion : développer son estime de soi en dehors des réseaux sociaux et valoriser des aspects authentiques de sa personnalité.

« Adopter ces stratégies permet de transformer l’expérience en ligne en une source d’inspiration, plutôt que de comparaison », estime la psychologue Véronique Wan, pour qui l’acceptation de soi et une utilisation plus consciente des réseaux sociaux sont des clés pour préserver son bien-être mental.

 

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