L’épizootie de fièvre aphteuse sévit depuis juillet. Plus de 500 bêtes ont déjà été abattues à Rodrigues et quelque 300 autres à Maurice. Quelle est la situation et à quoi devrons-nous nous attendre dans les jours et les mois à venir ?
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Point de départ: Rodrigues
Le premier cas de fièvre aphteuse a été détecté le 7 juillet, mais les vétérinaires à Rodrigues ne savaient pas ce qui se passait vraiment. Ce n’est qu’après 32 cas qu’ils ont réalisé que les bovins de Rodrigues étaient victimes de fièvre aphteuse. La maladie touche principalement les bœufs, boucs, moutons et porcs. 579 bêtes ont été abattues et 4 500 autres devraient l’être. Au 31 juillet, 31 fermes ont été touchées par cette maladie. Selon le ministère de l’Agro-industrie, cela prendra trois ans pour que le virus soit éliminé.
De Rodrigues à Maurice
Au Parlement, le 1er août, le ministre Mahen Seeruttun a fait ressortir que malgré l’interdiction d’importer du cheptel de Rodrigues, une cargaison était arrivée à Port-Louis, le 15 juillet. 82 bœufs, 101 moutons et 140 boucs ont débarqué à Maurice en provenance de Rodrigues. Le ministre a initié une enquête pour déterminer comment la cargaison a pu être embarquée malgré l’interdiction.
La situation à Maurice
Dans un premier temps, les vétérinaires ont inspecté un parc à Vallée-des-Prêtres où 80 bêtes présentaient les symptômes de la fièvre aphteuse. 144 animaux ont été infectés à Richelieu, 60 d’entre eux ont été abattus à Vallée-des-Prêtres et un cas d'infection a été détecté à Highlands. À ce jour, 300 bêtes ont été abattues. Il est temporairement interdit d’importer de la viande bovine, caprine, porcine, et ovine de Rodrigues. Le ministre de l’Agro-industrie a annoncé le début d’une campagne de vaccination et le traitement des bovins malades. Une cargaison de 10 000 vaccins en provenance du Botswana est rentrée vendredi. Pour éviter que le virus ne se propage davantage, le ministère de l’Agro-industrie a décidé que la chasse au cerf serait suspendue à compter de ce samedi 13 août, et ce, durant les trois prochaines semaines.
Les éleveurs désemparés
Avec la crise de la fièvre aphteuse, les éleveurs n’arrivent plus à fermer l’œil de la nuit. Pour eux, le temps s’est arrêté. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. Nous avons rencontré deux éleveurs qui ont perdu leurs bêtes et leur investissement. « Notre vie a basculé en une nuit. » Abdullah Yassine est un éleveur qui importe son bétail de Rodrigues. « Il y a quatre mois de cela, j’avais acheté des animaux de Rodrigues. Je ne sais pourquoi le fournisseur a décidé d’importer les animaux à Maurice alors que sévit cette épidémie dans l’île. J’ai perdu dix de mes bêtes », dit-il, très amer.
L’importateur affirme avoir investi plus que Rs 400 000 et avoir déjà pris une avance de ses clients. « Mes clients commencent déjà à me réclamer un remboursement. Trouver Rs 50 000 à Rs 60 000 d’un coup est quasiment impossible. C’est la première fois que je fais face à pareille situation. J’ai pleuré et suis profondément déçu », nous confie-t-il.
Sanjeet Rughboobeer a connu le même sort. Cet éleveur de Vallée-des-Prêtres a dédié sa vie à l’élevage. Aujourd’hui, c’est un homme abattu que nous avons rencontré. Avec beaucoup de peine, il a partagé ses sentiments. « Cela fait 20 ans que je travaille dans le secteur. Jamais je n’avais imaginé qu’une telle situation me découragerait à ce point et briserait mes rêves. L’élevage était mon unique gagne-pain. Aujourd’hui, je me retrouve sans bête et j’ai perdu plus de Rs 2 millions d’investissements », confie-t-il, très ému.
Il a vu mourir ses bêtes sous ses yeux. « J’aimais beaucoup mes animaux. Je les traite comme mes enfants. Quand ils sont arrivés à Maurice, ils étaient tous faibles. Je les ai nourris. Au bout de quelques jours, leur santé s’est détériorée. Ils ont été infectés et je n’avais d’autre choix que de les abattre. C’est une douleur que je ne peux exprimer », dit-il, les larmes aux yeux.
Hausse des prix
La vente a connu une hausse depuis le 5 juillet. Le prix est passé de Rs 110 à Rs 131,50 le demi-kilo de viande de boeuf. Selon notre boucher, la viande devrait être vendue à un prix raisonnable de Rs 120. Il nous explique que Rs10 sont prélevées pour le ‘slaughter fee’ (frais d’abattage). Selon lui, le prix de Rs 131,50 est injustifié. Le boucher allègue que les fournisseurs de viande profitent de ce genre de situation, comme ce fut le cas avec la maladie de la vache folle, pour déclarer une pénurie (artificielle) pour hausser le prix du produit.
Consommation
La fièvre aphteuse a mis la pression sur la chaîne de production de la viande bovine. Alors que les bouchers se plaignent d’une baisse de clientèle, la pénurie sur le marché inquiète beaucoup. Est-ce que le risque de pénurie est réel ? Selon un boucher du marché central, qui a voulu garder l’anonymat, il ne devrait pas avoir de pénurie sur le marché local. « Un grand nombre de bêtes consommées viennent de l’Afrique du Sud. Le bétail est importé par la compagnie Socovia. Elle dispose du monopole sur le marché. Tenant compte du fait que nous dépendons du marché bovin sud-africain, il ne devrait pas avoir de pénurie à Maurice.»
Psychose et panique
La peur s’est installée dans l’esprit du public. Tout comme la maladie de la vache folle, la fièvre aphteuse a créé une psychose auprès des Mauriciens. Alors que certaines personnes préfèrent éviter de consommer la viande bovine, d’autres sont inquiètes quant à un risque de pénurie sur le marché. Selon nos recoupements, les boucheries à travers le pays et la boucherie du marché central de Port-Louis sont désertes. Les clients ne viennent presque plus s’approvisionner en viande. De son côté, la Mauritius Meat Authority (MMA) rassure le public qu’aucun animal importé de Rodrigues n’est tué dans son abattoir. Dans un communiqué émis mercredi, la MMA explique que seuls les animaux importés par la firme Socovia et ceux certifiés par le département vétérinaire du ministère de l’Agro-industrie sont abattus à l’abattoir central pour la vente. « Nous rassurons la population que le MMA n’abat aucun animal provenant de l’île Rodigues. Quant aux bêtes locales, elles sont abattues à condition qu’un certificat d’un vétérinaire soit émis, attestant que l’animal ne souffre d’aucun problème », a expliqué Rajesh Daumoo, directeur de la MMA, à Radio Plus mercredi.
Compensation
Le Conseil des ministres a pris la décision de payer une compensation aux éleveurs dont les animaux doivent être abattus. Ainsi une compensation financière de Rs 2 000 à Rs 60 000 est prévue.
- Rs 20 000 pour un bœuf de moins d'un an.
- Rs 40 000 pour un bœuf âgé d'un à deux ans.
- Rs 50 000 pour un bœuf âgé de plus de deux ans.
- Rs 60 000 en cas de perte d'une vache laitière.
- Rs 2 000 pour un jeune cabri ou mouton.
- Rs 6 000 pour une adulte femelle.
- Rs 8 000 pour un adulte mâle.
Toutes les compensations seront versées pour les animaux qui ont été abattus par les autorités à cause de la maladie de la fièvre aphteuse. Le coût total de cet exercice est estimé à Rs 15 M.
Vaccination
Les 20 000 doses de vaccin commandées « n’aideront pas dans la lutte » contre l’épizootie de la fièvre aphteuse. C’est ce qu’a declaré Dr Deodass Meenowa, chef vétérinaire au ministère de l’Agro-industrie. Raison : les résultats communiqués par un laboratoire de France aux autorités mauriciennes le samedi 13 août ont révélé la présence d’un autre type de virus associé à la fièvre aphteuse. Des échantillons y avaient été envoyés aux fins d’analyse.
Prochaine étape
Le gouvernement a pris la décision de faire appel à l'expertise de la Food and Agricultural Organisation (FAO) pour enrayer cette épidémie à Maurice comme à Rodrigues.Des échantillons des souches de cette maladie avaient déjà été envoyés à des laboratoires en Afrique du Sud et en France.
Épidémie de fièvre aphteuse: la vaccination du bétail suspendue
Seul le rapport des Botswanais déterminera la souche qui permettra de développer le vaccin adéquat pour lutter contre la fièvre aphteuse. Le ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun, annonce que de nouveaux échantillons seront expédiés dès demain au Botswana à des fins d’analyses. Le rapport décisif des experts botswanais sera livré dans les prochaines 48 ou 72 heures.
Le processus de vaccination du bétail infecté par l’épidémie de fièvre aphteuse n’a pu être enclenché samedi, car les rapports des laboratoires français et sud-africain concernant les souches du virus ne corroboraient pas. Le ministère de l’Agro-industrie a donc pris l’initiative de ne pas recourir à la vaccination du bétail infecté. Un troisième laboratoire de référence, basé au Botswana, a été approché pour effectuer une troisième analyse sur les échantillons de tissus prélevés. Un expert botswanais sera présent à Maurice, dès lundi matin. Il rencontrera le ministre Mahen Seeruttun et le personnel du ministère.
C’est à partir de ces résultats d’analyse que les autorités locales auront un aperçu du type de vaccin qui devra être injecté au bétail pour développer les anticorps qui combattront le virus. Le Dr Deodass Meenowa, chef vétérinaire attaché au ministère de l’Agro-industrie, explique que le virus de la fièvre aphteuse comprend sept souches, catégorisées comme suit : O, A, C, Asia 1, South African Type 1, South African Type 2 et South African Type 3. Les 20 000 doses de vaccins importées, souligne le Dr Meenowa, n’aideront probablement pas à lutter contre l’épidémie, mais rien ne présage que le vaccin est inutilisable. La vaccination du bétail est donc suspendue aux analyses des experts botswanais.
Sollicité, le ministre Mahen Seeruttun rassure que « les mesures mises en place seront respectées, jusqu’à la vaccination du bétail infecté ». Il précise qu’un comité sera institué comprenant des officiers du ministère de l’Agro-industrie et un expert botswanais, dès lundi matin, pour faire un constat de la situation.
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