En 1990, le Premier ministre sir Anerood Jugnauth, qui détenait le portefeuille de l’information me désigna pour représenter Maurice à la troisième conférence des ministres de l’information des pays non-alignés à La Havane, Cuba, du 25 au 29 septembre.
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À la cérémonie d’ouverture, tous les ministres et les délégués avaient les yeux rivés sur l’arrivée du Président Fidel Castro. Avec plus d’une heure de retard, il monta sur l’estrade, en tenue militaire, et a été chaudement applaudi. Mais, j’ai observé qu’il paraissait fatigué et qu’il bâillait plusieurs fois pendant la cérémonie. J’ai appris par la suite du service protocolaire cubain que le Président Castro revenait d’un long périple à l’intérieur de l’île et n’avait presque pas dormi.
Il n’a pas pris la parole à la cérémonie d’ouverture. Un officiel cubain, habitué aux discours-fleuve du Président Castro, m’a informé que si le Président avait prononcé son discours, la cérémonie d’ouverture aurait pris fin très tard dans l’après-midi. Malgré tout, les délégués étaient déçus de ne pas entendre la voix du Leader Maximo.
Deux jours après, seuls les ministres et les chefs de délégations ont reçu une invitation pour assister à une réception offerte par le Président Castro dans son palais présidentiel.
Nous étions emmenés dans un car spécial. Passant par de nombreux agents de sécurité, il fallait remettre nos caméras. Il fallait traverser plusieurs couloirs, avant d’atteindre l’immense et somptueuse salle de réception. Les meilleurs rhums cubains et une variété de fruits de mer étaient au programme.
Le Président Castro, toujours en tenue militaire, a fait une entrée remarquée et a fait le tour de la salle pour converser avec les ministres et les chefs de délégations. Quand il s’est approché de moi, je lui ai parlé de notre pays, de la visite qu’avait effectuée chez nous en janvier 1983, un de ses vice-présidents, Juan Almeida Bosque et je l’ai remercié pour les bourses d’études universitaires offertes par Cuba à des Mauriciens. Il était visiblement content des relations amicales entre Cuba et « Mauricio », car c’est ainsi qu’il appelait notre pays.
Le Président Castro a lui-même ordonné à son photographe officiel de nous prendre en photo, avant de continuer sa tournée dans la salle. Entre-temps, j’ai rencontré dans une autre partie de la salle le premier vice-président de Cuba, Dr Carlos Raphael Rodrigues, une des têtes pensantes du gouvernement cubain. Nous avons pendant une bonne vingtaine de minutes discuté librement et sans interprète de plusieurs sujets d’actualité. Il était un fin intellectuel et un économiste très respecté.
Ayant fait le tour de la salle et sur le point de partir, le Président Castro m’a reconnu en compagnie du Dr Rodrigues. Il s’est avancé vers moi et j’ai eu l’immense plaisir de me trouver cette fois en compagnie du président et du vice-président. J’étais surpris que le Président Castro m’eût reconnu, après avoir rencontré autant d’invités. Son interprète, une charmante dame, m’a confié que le Président avait une mémoire d’éléphant.
Hélas, l’éléphant du Cuba après avoir cédé le pouvoir a son frère, Raoul Castro en 2011 pour des raisons maladie, vient de s’éteindre à l’âge de 90 ans. Je garde de lui le souvenir d’un grand révolutionnaire devenu un homme d’État, profondément attaché à son idéologie communiste, malgré tous les changements sur l’échiquier international. Cela suscite à la fois l’admiration et la tristesse.
Alors qu’il est vivement salué en Afrique, en Amérique latine et ailleurs pour son soutien aux pays luttant pour leur indépendance et leur liberté, il est sévèrement critiqué par certains de ses propres citoyens à Cuba et surtout par les exilés cubains à Miami pour ses dérives en matière de droits humains.
Les relations entre Cuba et les États-Unis étaient en dents de scie jusqu’à l’arrivée de Barack Obama à la présidence des États-Unis et la nomination de l’évêque argentin Bergoglio comme pape François.
Le trio Barack Obama/Pape François/Raoul Castro ont travaillé ensemble pendant plusieurs longs mois pour permettre un dégel dans les relations États-Unis/Cuba et éventuellement l’ouverture des ambassades dans les deux capitales, Washington et La Havane avec la bénédiction discrète de Fidel Castro.
La mort d’un des derniers géants des 20e et 21e siècles soulève forcément beaucoup de passion dans le monde. De nombreux chefs d’État lui ont rendu un vibrant hommage et ont fait le déplacement pour ses funérailles. Comme l’a dit le Président Obama récemment, les historiens prendront du temps pour déterminer l’impact de Fidel Castro dans le monde.
Une rencontre avec Fidel Castro laisse des souvenirs intarissables. Pendant toute sa vie, il a œuvré pour le bien-être de son pays suivant la doctrine communiste, et ce, malgré les obstacles sur les plans politique et économique et surtout l’embargo américain contre son pays. Fidel Castro a été un grand champion des pays non alignés et son engagement personnel a été reconnu par la communauté internationale.
J’espère que la normalisation graduelle en cours entre les États-Unis et Cuba continuera en dépit de la déclaration plutôt hostile de Donald Trump en apprenant le décès de Fidel Castro.
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