Le projet de loi sur le financement politique que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, compte présenter au Parlement avant les élections générales semble déjà être voué à l’échec. Pour avoir la majorité de ¾ nécessaire pour amender la Constitution, l’approbation de l’opposition est nécessaire. Or, le PTr, le MMM et les Nouveaux Démocrates comptent s’abstenir si un vote intervient, car ils préfèrent venir avec leur propre projet de loi en priorité s’ils remportent les élections.
Vendredi dernier, le Conseil des ministres a donné son accord pour la finalisation d’un « draft » du Constitution (Amendment) Bill et du Political Financing Bill qui seront circulés pour consultations publiques, y compris parmi les membres du Parlement, mais aussi auprès de l’Electoral Supervisory Commission, le Commissaire électoral et la Financial Crimes Commission ainsi que Business Mauritius.
Toutefois, il est déjà plus ou moins certain que l’adoption du texte ne se fera pas, faute de majorité des ¾ requise pour amender la Constitution. Car, comme en juillet 2019, lorsqu’une version du Political Financing Bill et du Constitution (Amendment) Bill avait été présentée, quatre mois avant les élections générales du 7 novembre 2019, le PTr et le MMM se prononcent déjà contre la version que présentera le gouvernement. Cette fois-ci, ils devraient aussi avoir le soutien des deux ex-députés du PMSD, Khushal Lobine et Richard Duval.
Nando Bodha, député pour Linion Morisien, se prononce plutôt favorable à condition que des critères spécifiques soient remplis, tandis que les deux députés du PMSD, Xavier-Luc Duval et Patrice Armance, attendent d’en savoir davantage sur ces projets de loi.
Selon la Constitution, pour des amendements importants à la Constitution, une majorité des ¾ est obligatoire. Il faut donc au moins 52, voire 53 députés (3/4 de 70 fait 52,5) en faveur sur les 70 que compte la Chambre. Actuellement, l’alliance gouvernementale a une majorité de 44. Le bloc PTr/MMM/Nouveaux Démocrates compte 23 députés. Même si Nando Bodha, Xavier-Luc Duval et Patrice Armance votent en faveur, il manque encore huit voix si la majorité des ¾ est établie à 52 députés et neuf voix si elle est de 53.C’est en avril 2023 que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait annoncé au Parlement qu’il comptait revenir avec un projet de loi pour réglementer le financement politique. En réponse à une question de la députée MSM, Subhasnee Luchmun Roy, il devait expliquer qu’après l’échec de juillet 2019, de nouvelles consultations étaient nécessaires, car, depuis 2019, le MSM a la Plateforme Militante de Steven Obeegadoo et le parti d’Alan Ganoo comme nouveaux partenaires.
Lors de son intervention en 2019, le chef du gouvernement avait affirmé que son but était « d'assurer la responsabilité et la transparence en ce qui concerne le financement, entre autres, des partis politiques lors d'élections générales, en vue d'empêcher toute influence indue et la corruption. En sus de conférer des pouvoirs à l'ESC et au Commissaire électoral pour enquêter sur les affaires financières des partis politiques enregistrés en vue d'une meilleure réglementation du financement politique, le projet de loi de 2019 prévoyait, entre autres, le cadre juridique du financement politique et des dons, les cas où l'acceptation d'un don serait interdite, le plafond des dépenses, les limitations des dons en nature et les obligations de tenir des registres comptables ainsi que les sanctions et les infractions en cas de non-respect des dispositions de la législation proposée ». À noter que la nouvelle mouture reprend, dans les grandes lignes, les mêmes propositions qu’en 2019.
LES DIFFÉRENTS POINTS DE VUE
ALLIANCE PTR/MMM/NOUVEAUX DÉMOCRATES Paul Bérenger : «le timing est grotesque»
Paul Bérenger, leader du MMM, partenaire de l’alliance PTr/MMM/Nouveaux Démocrates, trouve le timing, qui est de présenter un nouveau texte de loi sur le financement politique à quelques mois des élections générales, comme en 2019, de « grotesque. Ils prennent le même texte de loi qui avait été présenté au Parlement et qui n’était pas passé en 2019. Il n’y a aucune crédibilité. Ils étaient aussi venus avec une pseudo-réforme électorale. Revenir à la veille des élections avec le même texte de loi… il ne passera pas ».
Pour rappel, en juillet 2019, le Political Financing Bill, bien que présenté et débattu, n’avait pas été soumis au vote.Paul Bérenger, en conférence de presse samedi avec ses partenaires d’alliance, avait précisé que « c’est nous qui ferons une bonne loi sur le financement politique et la réforme électorale après les élections. Ce sera parmi les deux mesures urgentes et phares que nous présenterons ».
PMSD
Xavier-Luc Duval : « Je ne peux donner le cash book du PMSD (…) »
Questionné sur le financement politique samedi lors de la conférence de presse du PMSD, le premier constat de Xavier-Luc Duval, leader du parti, était « kan Parlman pe fermer ». Ensuite, il a indiqué n’avoir pas encore lu le texte de loi. « La réforme électorale est un grand sujet. La loi sur le financement des partis politique est un autre sujet. Tout dépend d’une Electoral Supervisory Commission (ESC) indépendante des partis politiques. Osi lontan ki pou ena persepsion ki li pros bann parti politik, mo pa pou kapav donn ‘cash book’ PMSD e dir li gete ki interes li ladan. Mo pas kapav fer sa. Aussi je veux voir en détails avant de donner mon point de vue. » Pour rappel, lorsqu’il était leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval a régulièrement indiqué son indignation par rapport à l’ESC, contestant certains de ses membres qu’il juge « trop proches du gouvernement ».
LINION MORISIEN
Nando Bodha : « Plutôt favorable sous plusieurs conditions »
Nando Bodha, qui représente Linion Morisien au Parlement, s’exprime plutôt en faveur d’un projet de loi sur le financement des partis politiques présenté avant ces élections générales, mais estime que « le gouvernement aurait dû le faire bien avant. Il a sûrement un agenda politique derrière la tête, mais vu que ça arrive, mieux vaut voter le projet de loi. Ce n’est pas une bonne chose d’amener ça maintenant, mais arrêter le ‘money politics’ maintenant, serait une bonne chose ».
Le projet de loi devrait cependant répondre à certains critères si le gouvernement veut l’adhésion de Nando Bodha. « Je serais favorable de passer la loi si elle impose la fin des bases, un financement public ne serait-ce que de Rs 1 par voix obtenue, et un minimum de 5 % des suffrages pour un parti ou alliance pour pouvoir se qualifier pour le financement politique. Ça limiterait le pouvoir de l’argent », dit-il.
Nando Bodha rappelle qu’en 2019, il était membre du comité qui avait travaillé sur le projet de loi. « On avait regroupé le problème de Best Loser, de représentativité des femmes et le financement politique dans un seul grand projet de loi. J’avais demandé que les différents aspects soient pris séparément dans différents textes. »
Le député avance que le seul point sur lequel le MMM était en désaccord était l’absence de financement public. « En France, pour les présidentielles, il y a un financement public d’un euro par voix obtenue. J’avais proposé une roupie symbolique pour chaque voix obtenue. On a 800 000 électeurs et 3 voix par électeur, cela donne donc 2,4 millions de voix et donc Rs 2,4 millions. J’étais pour et ça nous aurait donc permis d’avoir déjà le principe inscrit dans notre loi. » Le financement public était cependant absent du projet de loi.
« Je proposais aussi un financement pour les dépenses qu’on connaît déjà, comme les « ballot papers », la logistique du dernier grand meeting, le transport pour le jour des élections, etc. Les bases sont à bannir immédiatement. Il faut aussi un code de conduite très sévère inscrit dans la loi, qui impose une amende ou un emprisonnement tout de suite durant la campagne. Il faut éliminer complètement le ‘money politics’ ».
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