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Fabrice David : «Il nous faut un leadership climatique fort»

Après la présentation du budget, le vendredi 7 juin dernier, le député du Parti travailliste (PTr) Fabrice David fait le point sur les mesures annoncées. 

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Est-ce que les mesures annoncées dans le budget sont suffisantes pour répondre au défi majeur qui nous guette dans le cadre du changement climatique ?
Le changement climatique est indéniablement le plus gros défi de notre génération. Notre île, bien que faiblement émettrice de gaz à effet de serre, subit de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique : hausse du niveau de la mer, érosion côtière, cyclones plus intenses, pluies torrentielles, inondations et sècheresses. Autant d’incidents climatiques qui ont des répercussions désastreuses sur la vie sociale, écologique, agricole et économique du pays. 

Pour lutter contre ce monstre naturel que l’humanité elle-même a créé, il nous faut un leadership climatique fort avec des moyens financiers immenses. Rs 208 milliards pour ajuster nos modes de vie, nos infrastructures et nos pratiques aux effets du changement climatique, c’est ce que l’on appelle l’adaptation. De plus, il faut Rs 92 milliards pour réduire les causes du changement climatique en limitant les émissions de gaz à effet de serre, ce qu’on nomme l’atténuation. Cela équivaut à un budget total de Rs 300 milliards qu’il faut mobiliser d’ici 2030, un chiffre qui avait été défini depuis 2021. 

Cependant, il aura fallu attendre le dernier Budget de ce gouvernement pour voir un mécanisme de financement climatique, à savoir l’introduction d’un Corporate Climate Responsibility (CCR) Levy à hauteur de 2 % des bénéfices des entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à Rs 50 millions. Le budget prévoit la création d’un Climate and Sustainability Fund pour récolter cette taxe climat et le ministre des Finances a affecté un montant de Rs 3,2 milliards pour alimenter et lancer ce fonds. 

Le gouvernement va permettre à nouveau l’extraction de sable pour réhabiliter les plages frappées par l’érosion côtière. C’est un effroyable retour en arrière de plus de 20 ans»

Toutefois, je me pose la question sur la gouvernance et la transparence autour de la gestion de ce fonds sur le climat et le développement durable. Quelle sera la composition du conseil d’administration et de gestion de ce fonds ? Est-ce que celui-ci va également recueillir le financement climatique international ? Est-ce que des représentants de la société civile, des ONG et du secteur privé y siégeront ? Je propose d’ailleurs qu’un groupe mixte de parlementaires du gouvernement et de l’opposition puisse avoir un droit de regard sur les allocations de ce fonds. Ce que je veux absolument éviter, c’est que ce fonds climat soit assimilé au Consolidated Fund de l’État pour financer les promesses électorales qui n’ont rien à voir avec le changement climatique. Aujourd’hui, nous n’avons plus le choix : nous devons traiter les questions sociales, économiques et climatiques sur le même plan.

Une des mesures annoncées dans le Budget est l’extraction de sable pour réhabiliter les plages frappées par l’érosion côtière. Qu’en pensez-vous ?
J’ai relevé une aberration environnementale et climatique dans le budget 2024-2025. Le ministre des Finances est venu annoncer au paragraphe 227 que le gouvernement va permettre à nouveau l’extraction de sable pour réhabiliter les plages frappées par l’érosion côtière. C’est un effroyable retour en arrière de plus de 20 ans, car cette pratique avait été interdite en 2001 dans le but de préserver notre écosystème marin. Aujourd’hui, sur quelles études d’impact environnemental repose cette mesure ? Quels sont les lobbys qui ont été à l’œuvre derrière ce projet ? Une telle décision politique ne peut se faire sans une démonstration scientifique et appuyée par nos professionnels de la mer, et je pense, notamment, à nos pêcheurs. L’extraction de sable dans les eaux mauriciennes va bouleverser notre écosystème marin, détruire la capacité de nos lagons à se régénérer et aggraver l’érosion des plages, alors que c’est précisément ce même phénomène que cette mesure cherche à combattre !

Et je ne veux pas croire ici que ce projet de coral farming annoncé en grande pompe aurait, pour motivation, l’attribution de juteux contrats à certains proches du régime»

Le ministre fait aussi état de fermes coralliennes… ?
Ce budget 2024-2025 n’est pas à une contradiction près. Dans la même section consacrée à ce qui a été décrit comme l’Agenda Climat, il est mentionné trois paragraphes après celui qui annonce l’extraction de sable, l’établissement de 250 fermes coralliennes. D’un côté, on veut extraire du sable corallien et de l’autre, on veut cultiver du corail. Et sur ce point également, je dois préciser que nous prenons le problème du mauvais côté, car l’utilisation de techniques, dites durables, d’élevage de coraux, n’est pas une idée négative en soi. Cependant, la véritable question pertinente que ce budget décide d’éviter est la suivante : comment faire pour que nos coraux ne se fragilisent pas et ne meurent pas ? Car s’il est un fait que le dérèglement climatique réchauffe nos océans et blanchit nos coraux, il est indéniable que l’écosystème corallien fait face à une menace croissante due à la pollution des activités humaines. Cette double pression accentue les risques pour la survie des coraux.

Le déversement en mer d’eaux usées non traitées, le lessivage des pesticides des terres agricoles et l’écoulement de produits chimiques dans les rivières contribuent à la dégradation de la qualité de l’eau aboutissent dans notre lagon. Toutes ces substances nocives finissent par étouffer les coraux, perturber leur reproduction et affaiblir leur système immunitaire, les rendant plus vulnérables aux maladies et aux changements environnementaux. Face à cette menace croissante, la protection des récifs coralliens nécessite des mesures urgentes pour réduire la pollution terrestre et préserver ces écosystèmes marins précieux pour les générations futures. Cultiver et transplanter 25 000 coraux, comme annoncé dans le budget, c’est bien. Protéger ces mêmes coraux en amont et dans une approche holistique, c’est mieux. Et je ne veux pas croire ici que ce projet de coral farming annoncé en grande pompe aurait, pour motivation, l’attribution de juteux contrats à certains proches du régime.

 

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