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Eric Ng : «Les mesures peuvent se traduire par un enchaînement prix-salaire»

Ruth Rajaysur et Patrick Hilbert ont reçu Eric Ng et Takesh Luckho.

Le débat est lancé depuis le vendredi 2 juin : le Budget 2023/24 de Padayachy rétablit-il le pouvoir d’achat ? La question a été débattue dans l’émission Au Cœur de l’Info sur Radio Plus avec Ruth Rajaysur, Patrick Hilbert, et leurs invités, dont les économistes Eric Ng et Takesh Luckho.

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Le Budget comprend pas mal de mesures monétaires qui visent à rétablir le pouvoir d’achat. Telle est l’analyse de l’économiste Eric Ng. « Il y a de l’argent qui est distribué à différentes catégories de personnes. L’argent ne vient toutefois pas de la production, mais de la caisse du gouvernement », a-t-il expliqué, tout en se demandant si ces mesures sont durables et soutenables sur le long terme. 
« C’est la grande question à se poser parce que si la production ne suit pas, il y aura de l’inflation plus devant et cela va encore une fois diminuer le pouvoir d’achat », a-t-il ajouté. « Cela va se traduire par un enchaînement prix-salaire. On est déjà dans ce spiral depuis quelque temps déjà, mais là, on risque de l’accentuer », a-t-il prévenu.

Ce dernier a souligné que le meilleur moyen d’augmenter le pouvoir d’achat passe par la création d’emploi. « Il faudrait que l’employé ait des augmentations par la suite dans son entreprise. Qu’il soit payé par son employeur. Cette démarche est alors plus soutenable », a-t-il dit. 

Pour Takesh Luckho, économiste, le Budget a voulu offrir du bien-être à la population.  « Toutefois, en décortiquant les annexes, on se demande si ces mesures ne sont pas illusoires », a-t-il fait ressortir. « Si toutes ces mesures ne sont pas suivies d’une baisse de l’inflation, les allocations vont s’envoler très vite et on risque de se retrouver dans une situation avec une inflation plus élevée », a-t-il estimé.

Selon le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, l’inflation est « importée » et est difficilement contrôlable. Par contre, Eric Ng est d’avis que l’inflation restera élevée à Maurice même si les prix baissent sur le plan international. « Tant qu’il y a la demande, il y aura l’inflation et avec l’argent que donne le gouvernement, les gens auront de quoi payer, ce qui maintiendra l’inflation élevée », a-t-il indiqué.
Concernant le problème de la dépréciation de la roupie, Manisha Dookhony, économiste, a fait comprendre qu’il aurait pu y avoir d’autres mesures dans le Budget permettant d’utiliser d’autres devises que le dollar. « Il y a des mécanismes qu’on aurait pu utiliser tels que le Renminbi Clearing Centre, qui aurait pu aider les importateurs. Par exemple, un importateur qui achète ses marchandises de la Chine peut payer en yuan et de fait contourne l’utilisation du dollar », a-t-elle soutenu.

Et pour ce qui est des mesures concernant la femme, l’économiste est d’avis qu’elles pourraient aider à encourager les femmes à rejoindre le monde du travail. Elle a notamment cité les crèches dans les entreprises. « Ces mesures vont rendre les lieux de travail plus « friendly » pour les femmes », a-t-elle affirmé.

Baisse du prix de l’essence

Le prix de l’essence qui baisse de Rs 5 est un pas dans la bonne direction, selon l’économiste Takesh Luckho. « Il faut comprendre que pour le prix du pétrole, ce n’est pas le prix à l’importation qui est élevé, mais cela découle de la politique actuelle locale. Notamment avec les décisions par rapport au Price Stabilisation Account et les changements dans la loi pour garder le prix artificiellement élevé », a-t-il fait comprendre. Ce dernier a aussi évoqué les simulations faites par des économistes qui ont relevé que d’après le prix actuel du baril de pétrole qui est à environ 74 dollars, le prix du carburant aurait dû être aux alentours de Rs 58.

Cependant, la baisse de Rs 5 contribuera à soulager les Mauriciens. « Sur le mois, cette baisse pourrait être conséquente pour certaines familles », a estimé Manisha Dookhony. Pour l’économiste, il y a aussi l’effet multiplicateur de cette mesure, car en réduisant le prix de l’essence, d’autres prix devront pouvoir diminuer. « Cela peut contribuer à redonner le pouvoir d’achat à des familles », a-t-elle souligné. 

Revenu minimal

Pour ce qui est du revenu minimal de Rs 15 000, Reaz Chuttoo de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), s’est dit satisfait. « Le salaire minimum garantit la sécurité alimentaire d’un travailleur. Le salaire lui permet de survivre et non pas vivre », a-t-il déclaré, tout en indiquant qu’il ne faut pas s’arrêter aux Rs 15 000 du revenu minimal. « On est satisfait de cette augmentation de cette année, mais cela ne doit pas s’arrêter là. Notre objectif est d’avoir un salaire minimum total qui tourne autour de Rs 25 000 », a-t-il insisté.

Par contre, Eric Ng a voulu attirer l’attention sur la différence entre le salaire minimum et un revenu minimal. « Il y a une différence conceptuelle entre les deux. Le salaire minimum est assuré par l’employeur, alors qu’avec le revenu minimal, il y a des allocations qui viennent du gouvernement. Cependant, rien n’empêche ce dernier d’enlever ses allocations par la suite s’il y a une situation économique difficile », a-t-il précisé.

Une hausse salariale est aussi à redouter, selon lui, car le revenu minimal mettra une pression additionnelle sur les employeurs en ce qui concerne les salaires de ceux qui sont légèrement au-dessus de Rs 15 000. « C’est la hiérarchie salariale. Ceux qui ont un salaire entre Rs 16 000 et Rs 18 000 feront pression pour avoir une augmentation afin de se démarquer du revenu minimal », a-t-il observé.
 

 

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