Il n’a ni cape, ni cheval, ni épée. Son arme : sa voix. À 88 ans, le Zorro national va tirer sa révérence après les législatives. Le candidat le plus âgé vient avec ses grands sabots affronter l’électorat qui ne l’a jamais vraiment compris.
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À 88 ans, il respire la santé, lui le doyen des candidats lors des prochaines législatives. Lucide, le Zorro national (voir plus loin) sait où il va, ne marche pas à tâtons. Eliézer François, du Mouvement Authentique Mauricien, est connu pour ne jamais arrondir les angles. Li kare kare. L’ancien parlementaire n’est pas fatigué, il se bat. Avec pour seules armes, sa voix, sa conviction, sa détermination. Celles-là mêmes qui lui ont coûté des sacrifices personnels.
Nous le rencontrons à Péreybère, dans « so lakaz mama ». Au premier, sa fille. C’est d’un drame personnel, survenu dans son enfance, qu’est né cet engagement qui l’anime. Enfant, Eliézer François voit sa maison être détruite de force pour faire de la place à une nouvelle autoroute. À l’époque, la famille habitait rue Tanner, à Port-Louis. Son papa, employé des docks, n’en revient pas avec sa fratrie de huit gamins. Que faire ? Simplement se résigner contre l’État.
Son regard devient triste quand il parle de son passé. Pourquoi cette tristesse ? Eliézer François explique : « Nous étions enfants quand on nous a expulsés de notre maisonnette pour faire de la place à la nouvelle autoroute. Mes parents n’étaient pas contre, mais nous laisser sur le pavé du jour au lendemain, c’était rageant. » Dès lors, le papa, marqueur aux ports, prend un emprunt de la Banque Agricole : « Rs 15 000 pour reconstruire une maisonnette. Cette somme représentait beaucoup et c’est ainsi qu’est né en moi cette envie de me battre. »
Quelques années plus tard, Eliézer François est enseignant, avant de devenir directeur de son collège, St-John, à Beau-Bassin, du côté BCBG, soit le quartier de De Rosnay. Il croyait et croit toujours dans l’éducation. « Je me bats encore pour que chaque Mauricien ait une éducation, que vous veniez de la classe aisée ou du bas de l’échelle. C’est cela le ‘click start’ de la vie », affirme cet homme rempli de bienveillance et d’empathie.
Puis viennent les élections de 1963. En toute amitié avec Jacques Tsang Man Kin, ils forment le Parti Libéral. « Je suis candidat au n°1, je suis battu par Leal et Moignac. » Et son rapprochement avec le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) ? « Guy Balancy, alors conseiller municipal, avait été nommé ministre. Comme son poste était vacant, Gaëtan Duval m’a demandé de le remplacer. C’était en 1964. »
En 1967, tout bascule avec son engagement aux côtés des stevedores et des dockers, qui lui donnent une force certaine et un élan politique. « Mes amis m’ont demandé de poser ma candidature au n°20, qui était un tombeau ouvert avec le PMSD en force », se remémore-t-il. Sa force viendra du côté des docks avec un ralliement des deux plus puissantes organisations syndicales. Avec cette force unifiée, il tracasse Gaëtan Duval et trace son chemin politique. « J’ai été nommé le tout premier ‘Best Loser’ derrière Devienne, Rivet et Panchoo », se remémore-t-il.
Après l’accord entre le PTr et le PMSD en 1968, même si, dit-il, Gaëtan Duval a tenté de le saboter, Eliézer François devient Deputy Speaker. Sir Harilall Vaghjee était le Speaker. « Sir Gaëtan Duval avait une frousse de moi. Quand il fallait voter des lois scélérates, je m’absentais du Parlement. Je l’ai payé cher quand on a nommé Yousuf Mohamed à ma place. Ce jour-là, j’ai pris mes affaires et je me suis installé dans les rangs de l’opposition. »
Aux élections de 1976, « je suis élu au n°20 derrière Rey, mais sir Gaëtan Duval mord la poussière au n°4, il n’est même pas élu ‘Best Loser’. Mais même en dehors du Parlement, il nous a demandé de voter une loi scélérate. C’est la scission ».
Cet événement pousse Eliézer Francois à puiser au plus profond de lui. « À l’époque, il y a eu une scission entre le PMSD et mon petit groupe. Alors, on a créé le symbole Zorro, un personnage connu pour se battre contre l’injustice que j’ai subie très jeune. »
Par la suite, il quitte le pays pour l’Australie, y fait de la politique et effectue des allers-retours. Aujourd’hui, il revient au galop. Non, pas pour casser la baraque, mais simplement pour dire que Zorrro est arrivé. « Je n’avais pas l’intention de revenir en politique cette fois. Mais Zorro revient, pressé cette fois avec mes 88 ans. »
Son regard sur la politique
Si on abordait le volet politique, quel regard jette-t-il sur les deux principales alliances qui s’affrontent ? « Jamais n’a-t-on vu une situation politique pareille. Jamais au grand jamais n’a-t-on vu un Premier ministre frôler autant la dictature. C’est un assoiffé de pouvoir », répond Eliézer François. Il ne mâche pas ses mots : « Le leader du MSM est un danger pour le pays. »
Lui qui a été dans la « cuisine » du PMSD durant des années, comment analyse-t-il la décision de Xavier-Luc Duval de s’allier au MSM ? Eliézer François ne cache pas sa colère : « Xavier-Luc Duval fait honte à la classe politique. »
En abordant le dossier des Chagos, il s’insurge : « On a accusé feu Seewoosagur Ramgoolam d’avoir vendu les Chagos. Aujourd’hui, Pravind Jugnauth et son MSM vendent à leur tour les Chagos. Dans cette transaction, tout est opaque. Il dit que le pays empochera des milliards de roupies. Pour lui, c’est l’argent qui compte, pas les Chagossiens. Une question : combien le pays a-t-il touché pour permettre l’installation des Indiens à Agaléga ? »
Et que pense-t-il de l’Alliance du Changement ? Eliézer François répond : « Une chose m’inquiète : Resiztans ek Alternativ est opposé au Best Loser System (BLS). Or, ce système est la seule soupape de sécurité pour les minorités. »
Quel est son avis sur les « Moutass Leaks » ? « J’ai toujours mis en garde contre les commentaires personnels et confidentiels au téléphone. Tout est surveillé », lance-t-il. Et à qui accorde-t-il sa préférence ? Eliézer François tranche : « Ce pays a besoin d’un nouveau leader. Pravind Jugnauth doit partir. »
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