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Élections : l’abstention, un défi pour la démocratie

Jonathan Rawat.

Il faut probablement davantage de sensibilisation, mais on ne peut pas « forcer » les gens à aller voter, souligne Shafick Osman, docteur en géopolitique. Pour Jonathan Ravat, anthropologue des religions et directeur de l’Institut Cardinal Jean Margéot, l’abstention pourrait jouer les trouble-fêtes lors des législatives de ce 10 novembre.

Entre le ras-le-bol de certains envers la politique et les révélations de « Missie Moustass », le taux d’abstention ne devrait cependant pas être plus élevé que lors des précédentes élections générales, selon nos différents interlocuteurs. Il a varié entre 22 % et 25 % lors des trois dernières législatives, et le taux devrait être presque similaire, estime Shafick Osman.

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Selon lui, un fort taux d’abstention est un signe de protestation, tandis qu’un faible taux révèle la volonté du peuple de s’exprimer. Il ajoute que les gens choisissent en général de ne pas voter soit parce qu’ils pensent que c’est une perte de temps, soit parce qu’ils ne soutiennent aucun parti ou candidat. Notre interlocuteur note également que certaines personnes sont incapables de se déplacer ou sont malades et ne peuvent donc pas voter.

Pour Jonathan Ravat, il est essentiel de repenser la démocratie locale afin d’encourager les électeurs à voter lors des élections régionales (municipales et villageoises). Il ajoute que, face à une perception d’abus de pouvoir et de concentration du pouvoir, il y a paradoxalement un désintéressement de la société civile pour les législatives, désintérêt qui s’exprime ainsi par l’abstention. « Le désintéressement pour la politique en général et pour les politiciens en particulier peut engendrer l’abstention », dit-il. Mais ce facteur n’est qu’un élément dans l’équation humaine ; elle peut aussi être économique. Quand quelqu’un se consacre au consumérisme, à la quête de richesse et de gloire que l’on trouve davantage chez les « people » et les footballeurs que chez les politiciens, l’intérêt pour la politique s’amenuise, ajoute-t-il.

Lassitude et colère 

Pour certains, il est préférable de continuer leur train-train quotidien et leur vie de consommateur, de profiter de la journée pour s’amuser plutôt que d’aller voter. Ce comportement, nourri par une société consumériste et matérialiste, peut faire de l’abstention un signe de protestation. Certains n’y voient pas d’intérêt, ne s’identifient pas aux politiciens et ne les perçoivent pas comme des héros incarnant une valeur ou un idéal.

« Déçues par la politique d’un côté et absorbées par d’autres centres d’intérêt, certaines personnes ne vont pas voter, faisant de leur abstention une manifestation de désintérêt, de lassitude ou de colère », observe Jonathan Ravat. Malgré les divers appels à exercer son droit de vote, la crainte de l’abstention est bien réelle. « Rien ne garantit que les gens iront voter comme par magie, sauf s’il y a des appels nécessaires à la mobilisation », dit-il. Le directeur de l’ICJM salue les nombreux appels à voter, émanant de personnalités politiques, de syndicats, de la société civile ou de religieux, pour rappeler que le vote est un exercice sacré.

« Aller voter est une exigence morale, mémorielle et sociale », ajoute-t-il. Le droit de vote a été octroyé après une prise de conscience des droits fondamentaux et grâce aux luttes de nos prédécesseurs. Il y a aussi un devoir de mémoire envers ceux qui ont donné leur vie et leur temps pour permettre le suffrage universel. Ceux qui choisissent de ne pas voter ne pourront pas se « plaindre » ou « protester » si le gouvernement élu ne les représente pas. Comme le dit le proverbe, « on a le gouvernement qu’on mérite ». « Qu’on ne ‘manz pistas get sinema de lwin’ et reste sur le banc de touche pour ensuite se plaindre », ironise Jonathan Ravat. Il précise également qu’on ne peut pas affirmer brutalement que l’abstention sera plus prononcée chez les jeunes, car il y a chez eux un éveil social et écologique croissant qui suscite de l’intérêt pour la politique.

Les raisons de l’abstention

Plus qu’un droit, le vote est un devoir pour chaque citoyen, rappelle Faizal Jeerooburkhan de Think Mauritius. Pourtant, de nombreux citoyens choisissent de ne pas voter pour diverses raisons, explique-t-il.

D’après Faizal Jeerooburkhan, le manque d’éducation civique peut empêcher certains de comprendre la nécessité de voter. Pour lui, cela devrait être enseigné dans les établissements scolaires. « L’incivisme est flagrant dans le pays », déclare-t-il. 

Il ajoute que certains électeurs ne réalisent pas l’importance de leur vote. « Ils savent qu’il faut voter, mais ne comprennent pas pourquoi », dit-il. Faizal Jeerooburkhan souligne aussi un manque de patriotisme chez certains Mauriciens, qui pensent n’avoir rien à y gagner et ignorent que leur vote compte pour l’avenir du pays.

Certains s’abstiennent également de voter parce qu’ils se sentent exclus de la société. À cela s’ajoutent les victimes de la pauvreté et ceux qui se sentent marginalisés pour diverses raisons. Pour eux aussi, la motivation de voter est faible. En outre, de nombreux jeunes touchés par la drogue se désintéressent probablement des élections.

Outre les raisons communautaires, le manque de confiance dans les institutions et la classe politique décourage également certains d’exercer leur droit de vote. Un fort taux d’abstention pourrait affaiblir la démocratie, en permettant à une faible majorité de prendre le contrôle du pays, comme en 2019, avertit Faizal Jeerooburkhan. Selon lui, le système électoral devrait être revu pour éviter cette situation. Un taux élevé d’abstention pourrait aussi ternir l’image du pays et dissuader les investisseurs et les touristes.

 

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