Aux élections générales de 2024, plusieurs poids lourds de l’Alliance Lepep, dont trois ministres sortants et des leaders de partis, ont essuyé des défaites significatives. Ce revers s’explique, selon des observateurs, par leur déconnexion avec les électeurs, des controverses durant leur mandat, et l’émergence de candidats néophytes perçus comme plus engagés.
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Au moins trois ministres sortants ont fini 6e : Joe Lesjongard, président du MSM, Avinash Teeluck, ministre de l’Art et du Patrimoine culturel, et Kalpana Koonjoo-Shah, ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille. Dans le cas d’Avinash Teeluck, il a été devancé par deux néophytes, Sanjay Mooroteea et Neeshal Jugnauth. Kalpana Koonjoo-Shah, quant à elle, a terminé derrière le novice Randhir Mannick dans la circonscription no 11.
Selon l’observateur Faizal Jeerooburkhan, deux facteurs principaux pourraient expliquer ces échecs. « Ils n’ont probablement pas été assez présents dans leurs circonscriptions durant leur mandat, décevant ainsi les habitants qui ont préféré voter pour des nouveaux visages », explique-t-il. De plus, selon lui, ces ministres auraient pu avoir commis des « gaffes » pour lesquelles ils ont été sanctionnés par l’électorat.
L’ancien ministre Dharam Gokhool partage cette analyse et ajoute que le gouvernement MSM dans son ensemble était en difficulté. Il estime que certains ministres étaient particulièrement vulnérables, impliqués dans des affaires controversées. « Leur langage ou leur comportement personnel ont aussi joué contre eux, ce qui a conduit à un vote sanction sévère », souligne-t-il.
Hurdoyal et Ramano
Kavy Ramano a fait ses débuts électoraux en 2010 sous la bannière du MMM, se classant à la 2e place dans la circonscription de Belle-Rose/Quatre-Bornes. Réélu en 2014 en terminant 3e, il a confirmé sa popularité lors du scrutin de 2019 en décrochant la 2e position.
Malgré cette dynamique, il a terminé 4e lors des dernières élections, derrière les trois candidats de l’Alliance du Changement. Pour Dharam Gokhool, cela pourrait s’expliquer par les allégations selon lesquelles il poursuivait ses activités de notaire alors qu’il était ministre, ce qui aurait pu nuire à sa crédibilité. « Normalement, un ministre ne doit pas cumuler un autre emploi rémunéré », souligne-t-il.
Quant à l’ex-ministre Vikram Hurdoyal, qui avait obtenu près de 10 000 voix en 2014 (7e) sous la bannière « Réveil des Jeunes » dans la circonscription no 10, avant de dominer la liste en 2019 avec plus de 23 250 voix, surpassant même le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, il s’est cette fois classé 4e avec presque 16 400 voix. À ce sujet, l’ancien ministre Dharam Gokhool estime qu’il y a eu une omerta autour de sa révocation par Pravind Jugnauth. « Il ne s’est pas expliqué auprès de ses électeurs, et les raisons de sa révocation sont restées floues », affirme-t-il. De plus, notre interlocuteur ajoute que durant la campagne, la conduite personnelle de Vikram Hurdoyal a davantage affecté sa crédibilité : « Linn pey le pri ».
Pour sa part, Yvan Martial, journaliste et ancien rédacteur en chef de l’express, propose une analyse différente. Selon lui, la défaite de Vikram Hurdoyal ne serait pas due à des raisons personnelles. « L’électorat des nos 4 à 14 n’aime pas miser sur le cheval perdant. Il attend le dernier moment pour faire son choix, se basant sur les directives qu’il reçoit », estime-t-il.
Des leaders battus
- Xavier-Luc Duval
Dharam Gokhool évoque le cas de Xavier-Luc Duval, leader du PMSD, dont l’alliance avec le MSM aurait été perçue comme une « trahison » par une partie de l’électorat. « Les Moustass Leaks ont révélé des négociations secrètes supposées avec le MSM, et son manque de réaction face aux propos polémiques du commissaire de police ont aussi pesé dans la balance », affirme-t-il.
Pour Faizal Jeerooburkhan, ce « retournement de veste de Duval a été mal accueilli par les Mauriciens, qui ont préféré sanctionner cette « volte-face ». De plus, la nomination d’Adrien Duval au poste de Speaker aurait été mal vue.
- Ivan Collendavelloo
Le leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, a terminé 7e, devancé par Patrick Belcourt et Rama Valayden de Linion Reform. Pour Faizal Jeerooburkhan, Ivan Collendavelloo donnait l’impression d’inactivité, que ce soit au Parlement ou sur le terrain. « Cela a pu faire croire qu’il ne méritait pas son salaire de député, en plus de ses attitudes qui ont déplu », analyse-t-il.
Dharam Gokhool estime qu’Ivan Collendavelloo a voulu recréer le MMM avec le Muvman Liberater, mais son allégeance à Pravind Jugnauth aurait déçu ses partisans. Il rappelle aussi qu’Ivan Collendavelloo a été cité dans l’affaire St Louis, ce qui aurait laissé un sentiment d’impunité. Enfin, il souligne que le leader du ML a dû accepter que deux de ses députés soient privés d’investiture, ce qui n’a pas joué en sa faveur.
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